C'est un grand honneur de venir m'exprimer devant vous sur un sujet qui fait la une de l'actualité. Même si par les temps qui courent cela tient plus du voeu pieux ou de l'incantation, je voudrais vous souhaiter une bonne année. Que 2017 soit aussi favorable que possible à ceux qui exercent une fonction politique, car la qualité de ce qu'ils pourront faire en dépend.
La position de la Hongrie au sujet de l'espace Schengen n'a jamais varié. Nous considérons ce système comme un grand acquis de la construction européenne. Nous tenons à ce qu'il soit maintenu et à ce que ses règles de fonctionnement soient appliquées. Pour qu'il en soit ainsi, nous avons déposé sur le bureau de la Commission européenne, en mars 2016, notre plan « Schengen 2.0 », qui adapte le dispositif au contexte actuel. Défense des frontières extérieures par les pays membres, avec éventuellement l'aide de l'agence européenne de protection des frontières ; processus d'identification par enregistrement biométrique de toute personne qui franchit les frontières extérieures de l'Union ; correction de la politique migratoire européenne, avec la restauration intégrale du système de Dublin, y compris en Grèce ; mise en place de centres d'accueil fermés et protégés en dehors du territoire de l'Union européenne pour diligenter les procédures de demandes d'accueil ; conclusion d'accords de réadmission et de retour avec les pays d'origine et de transit des migrants ; renvoi des migrants illégaux dans leurs pays d'origine ou de transit sûrs ; conditionnalité du respect de la politique migratoire de l'Union pour bénéficier des politiques d'aide au développement et d'octroi de visas ; assistance aux pays situés sur les routes migratoires, et sur ce point nous sommes particulièrement attachés à ce que les pays des Balkans occidentaux, notamment la Macédoine et la Serbie, bénéficient le plus rapidement possible d'un élargissement de l'Union ; création d'une liste européenne commune de pays sûrs, pour prendre en compte le fait que les demandeurs d'asile ne sont plus directement menacés après avoir traversé un certain nombre de pays tiers sûrs ; accueil des migrants sur la base du volontariat, car il faut maintenir dans la compétence souveraine des États membres les réponses au défi démographique du marché de l'emploi, conformément à l'article 5, paragraphe 2 du Traité sur l'Union européenne. Tels sont les dix points sur lesquels nous estimons qu'il faut intervenir, si nous voulons que le système Schengen continue de fonctionner.
Depuis l'adhésion de la Hongrie à l'espace Schengen en 2007, ce sont les services de police qui sont chargés de la surveillance de nos frontières. Ils sont assistés par le service des douanes qui dépend du ministère de l'Économie, et par le service migratoire qui dépend du ministère de l'Immigration et de la Nationalité, l'équivalent de votre Office français de protection des réfugiés et apatrides. Une loi de septembre 2015 a autorisé le déploiement de l'armée. Au printemps 2016, un corps de garde-frontières supplétif composé de volontaires a été progressivement mis en place pour prêter main forte aux forces publiques. La totalité du dispositif est placé sous la responsabilité des services de police et du ministère de l'Intérieur.
Le premier problème auquel la Hongrie est confrontée dans la mise en oeuvre des règles de l'espace Schengen tient au fait qu'en passant nos frontières, les migrants pénètrent une seconde fois dans cet espace. Entre la Grèce et la Hongrie, les migrants traversent des pays qui ne sont pas membres de l'Union, passant ainsi de Schengen en Schengen. La Hongrie subit les répercussions du non-respect de ses obligations par un État doté d'une frontière extérieure, à savoir la Grèce.
La Hongrie doit aussi faire face à l'abus qui caractérise la plupart des demandes d'asile. Chacun sait que les migrants n'ont pas pour but de s'installer en Hongrie ou en Grèce, mais qu'ils y font une demande d'asile afin d'obtenir leur placement en centre d'accueil ouvert pour pouvoir poursuivre leur route clandestinement vers l'Allemagne, la Suède ou le Royaume-Uni.
En 2015, on a recensé 391 000 entrées illégales en Hongrie, dont 186 000 par la Serbie et 205 000 par la Croatie. En 2016, ces chiffres ont radicalement diminué, avec 18 000 entrées illégales, dont 17 500 par la Serbie. En ce qui concerne les demandeurs d'asile, ils étaient 177 000 en 2015, provenant d'abord de Syrie, puis d'Afghanistan, du Kosovo, du Pakistan et d'Irak. Cette répartition change en 2016, puisque les demandeurs d'asile sont désormais essentiellement afghans et pakistanais. En 2015, la Hongrie a accepté 508 demandes d'asile et 414, en 2016. Cependant, à peine le migrant a-t-il déposé sa demande d'asile en Hongrie qu'il quitte le pays pour disparaître dans un autre, de sorte que l'administration doit clôturer 90 % des demandes pour cause de disparition de l'intéressé. L'argument statistique selon lequel la Hongrie ne donnerait son aval qu'à un nombre infime de demandes d'asile n'est donc pas recevable.
Aujourd'hui, la Hongrie n'est plus un lieu de passage. Les statistiques ne recensent que quelques dizaines de migrants appréhendés par jour, et les passages illégaux ont pratiquement disparu. Depuis le 5 juillet 2016, près de 6 700 migrants ont été reconduits à la frontière - de même que dans les Alpes-maritimes on reconduit en Italie les migrants qui ont été interpellés en France - et 8 200 entrées illégales ont été physiquement empêchées.
La Serbie n'applique que très partiellement l'accord qu'elle a signé en 2007 avec l'Union européenne, puisqu'elle n'accepte de reprendre sur son territoire que les Turcs, les Albanais et les Macédoniens pourvus de documents d'identité, mais refuse les Afghans, les Syriens, et les Somaliens qui représentent l'essentiel des migrants illégaux.
Face à la crise migratoire, la Hongrie a développé un triptyque de mesures matérielles, humaines et juridiques. Elle a érigé une clôture de sécurité sur la ligne verte que constitue le linéaire de la frontière avec la Serbie. Elle a déployé des forces publiques, des forces armées et des corps complémentaires sur la frontière, avec l'appui d'autres pays, qu'il s'agisse de l'Autriche, ou bien de la Pologne, de la Slovaquie et de la Tchéquie. Des garde-frontières hongrois interviennent également plus en aval, aux frontières macédonienne, grecque et bulgare. Grâce à cette collaboration bilatérale, la frontière n'est pas uniquement une barrière physique ; elle se double d'un contrôle humain. Enfin, la Hongrie a aménagé sa législation, en adoptant en septembre 2015 une loi autorisant la création de zones de transit sur le linéaire de la frontière avec la Serbie, dans un contexte de crise liée à une immigration massive.
Nous saluons les propositions de la Commission européenne des 7 et 8 décembre derniers visant au retour de la Grèce dans le système de Dublin. Loin de jeter la pierre à la Grèce, la Hongrie est parfaitement consciente des difficultés auxquelles ce pays doit faire face. Nous n'en regrettons pas moins que les propositions de la Commission européenne ne prennent pas effet avant le 15 mars, car tout retard est un prétexte de plus pour maintenir les contrôles aux frontières intérieures que nous condamnons. Dans l'ensemble que constitue Schengen, le contrôle des frontières extérieures est le corollaire de l'absence de contrôle aux frontières intérieures. Prolonger les contrôles aux frontières intérieures, c'est prendre le risque de voir le système se déliter. Mieux vaut les réduire et les supprimer dès que possible.
En ce qui concerne le règlement de Dublin, nous avons indiqué à plusieurs reprises que nous ne pouvions pas accepter le retour en Hongrie de migrants passés par la Grèce, et cela quand bien même ils auraient été enregistrés pour la première fois à la frontière hongroise. La responsabilité incombe au pays où les migrants ont fait leur première entrée. En application de ce principe, nous nous chargeons de raccompagner dans leur pays d'origine les Kosovars ou les Albanais que l'Allemagne nous renvoie, car ils ont franchi la frontière de l'Europe en pénétrant en Hongrie. En revanche, c'est à la Grèce de se charger des migrants qui ont franchi ses frontières en provenance du Moyen Orient, et cela même s'ils n'ont pas été enregistrés en 2015. Nous ne pouvons pas être rendus responsables de la défaillance d'un autre pays.