Intervention de Michel Mercier

Réunion du 10 janvier 2017 à 14h30
Composition de la cour d'assises spéciale — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, que vient de vous présenter son principal auteur, Philippe Bas, président de la commission des lois, a un double objectif.

Le premier est de favoriser une bonne administration de la justice. Il s’agit de faire face à l’augmentation du nombre d’affaires terroristes, cette hausse traduisant concrètement les succès des services de police et des services judiciaires en matière de lutte antiterroriste. Certes, il y a eu plus d’attentats, mais on combat aussi de plus en plus efficacement le terrorisme. Je rappelle qu’une bonne administration de la justice est un objectif de valeur constitutionnelle consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le second objectif est pour moi tout aussi important. Il s’agit de conserver une juridiction de droit commun pour juger les terroristes.

La présente proposition de loi s’inscrit dans ce double cadre, et j’évoquerai tout d’abord le premier objectif.

La très forte augmentation du nombre d’affaires terroristes devant être jugées risque d’entraîner une embolie du tribunal de grande instance de Paris. Comme l’a indiqué Philippe Bas, le nombre de journées d’audience consacrées à de telles affaires devant la cour d’assises de Paris s’élèvera à 1 244 en 2017, soit une augmentation de 842 % par rapport à 2016. Deux très gros procès auront lieu en 2017, dont celui de la cellule terroriste Cannes-Torcy, qui retiendra la cour d’assises spécialement composée durant huit semaines.

La durée même de ces procès impose de prévoir sept assesseurs, et non pas six, afin de faire face au risque de maladie. Si un assesseur venait à manquer, il faudrait en effet recommencer toute la procédure.

Par ailleurs, la nouvelle politique pénale suivie par le parquet de Paris, validée par un arrêt de la chambre criminelle l’année dernière, consistant à retenir la qualification criminelle dans les dossiers de terrorisme, il en résulte une forte augmentation du nombre d’affaires à juger devant la cour d’assises de Paris, compétente en matière de terrorisme.

Environ deux cents magistrats du tribunal de grande instance de Paris peuvent être mobilisés en tant qu’assesseurs à la cour d’assises. Il en faut vingt-quatre à la fois compte tenu du nombre de cours d’assises siégeant en même temps à Paris. Enfin, quatorze conseillers à la cour d’appel de Paris président les cours d’assises du ressort de la cour d’appel de Paris. Si l’on veut respecter le délai d’un an pour juger les affaires, une réforme est donc véritablement nécessaire.

J’évoquerai maintenant le second objectif de cette proposition de loi.

Depuis dix ou quinze ans, tous les partis qui se sont succédé au pouvoir ont construit un droit du terrorisme. Celui-ci déroge au droit commun, de l’enquête préliminaire jusqu’à l’exécution des peines. Un choix très important a été fait, celui de faire appliquer ce droit dérogatoire par une juridiction de droit commun.

Si l’on ne permet pas à la juridiction de droit commun, même spécialement composée, pour des raisons de sécurité, uniquement de magistrats comme assesseurs, de fonctionner normalement, on sera obligé d’aller vers une juridiction d’exception, ce que n’est pas la cour d’assises spécialement composée.

Pour ma part, j’ai la conviction qu’il ne faut pas aller vers une juridiction d’exception. Je pense qu’il faut conserver la juridiction de droit commun en l’aménageant, afin que la République soit correctement armée pour juger les terroristes dans des délais normaux. Réduire le nombre d’assesseurs de six à quatre en premier ressort et de huit à six en appel permettrait d’aller dans ce sens.

Une question se pose : le nombre d’assesseurs sera-t-il suffisant pour permettre la collégialité du jugement ? Je rappelle, comme l’a fait remarquer notre collègue François Pillet en commission des lois, que les associations de terroristes sont pour beaucoup jugées par un tribunal correctionnel composé de trois personnes. La cour d’assises spéciale compterait donc plus d’assesseurs qu’un tribunal correctionnel. Le nombre d’assesseurs, tel qu’il est prévu dans la proposition de loi, respecte donc l’exigence constitutionnelle de collégialité.

Parce que cette proposition de loi permettrait une meilleure administration de la justice, parce qu’elle garantirait à la République d’être correctement armée pour lutter contre le terrorisme et à la justice de remplir pleinement son office, la commission des lois l’a adoptée à l'unanimité. Je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même.

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