Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’administration territoriale de l’État traverse, depuis une dizaine d’années au moins, mais sûrement depuis plus longtemps, une succession de réformes qui ont profondément modifié son organisation, ses missions, ses moyens et les conditions de travail de ses agents.
Cette situation affecte profondément l’exercice des compétences des collectivités territoriales, dans la mesure où la mise en œuvre territoriale des politiques publiques s’effectue de plus en plus dans un cadre partenarial État-collectivités.
C’est pour optimiser les conditions de ce partenariat que la délégation aux collectivités territoriales a confié à Marie-Françoise Perol-Dumont et à Éric Doligé, que je salue, la rédaction d’un rapport d’information sur l’évolution de l’État territorial du point de vue des collectivités.
Je crois qu’il faut tout d’abord être conscient qu’un certain reflux de l’administration déconcentrée de l’État n’est pas nécessairement à regretter. Il me semble, dans son principe, largement conforme au mouvement même de la décentralisation. De fait, pendant que l’État territorial entamait son repli, les collectivités s’affirmaient, se dotaient des outils administratifs et techniques nécessaires à l’exercice de leurs compétences, développaient leurs coopérations. Les collectivités territoriales ont ainsi largement pallié les carences de l’État déconcentré.
Mais l’État continue souvent, trop souvent, de se regarder comme une instance surplombante, qui délègue des compétences sans rien perdre de son droit de regard sur l’ensemble et sur le détail. Monsieur le ministre, mon constat est d’ordre général et n’est pas conjoncturel : il s’agit d’une constante, par-delà les changements de gouvernements.
Pour perdurer tel qu’en lui-même, d’une part, l’État s’appuie sur une réglementation envahissante et, d’autre part, il use de la carotte financière dont il dispose encore. Mon propos est caricatural et je force volontairement le trait.
Cela se traduit par des initiatives dispersées, lancées sans concertation, selon les priorités ministérielles de l’instant, mais aussi par des doublons administratifs et par la tentation de l’empiètement.
L’une des principales conclusions de notre rapport est qu’il faut maîtriser ce désordre. Si l’État, garant légitime de l’intérêt public national dans toutes ses dimensions, doit évidemment être présent dans les territoires, au-delà de ses fonctions régaliennes, c’est en tant que stratège.
Il est de moins en moins acceptable qu’une administration étatique en manque structurel de moyens continue d’aligner des troupes plus ou moins clairsemées dans des domaines tels que la partie du social transférée aux départements, la culture ou le sport, autres compétences en partie transférées aux collectivités territoriales. Les interlocuteurs de nos rapporteurs ont souvent cité ces domaines, monsieur le ministre, mais tout cela est bien entendu à préciser.
L’essentiel est de progresser. C’est pourquoi je vous propose d’engager rapidement un travail d’identification et un processus de suppression des doublons, en partenariat avec les acteurs de terrain, les associations d’élus locaux, et avec le concours actif du Sénat. La Haute Assemblée est le lieu privilégié de la synthèse pour tout ce qui concerne les collectivités. Sur un dossier dans lequel les collectivités et le Gouvernement sont les parties intéressées, elle a assurément un rôle à jouer.
Une seconde question clé est, à mes yeux, la complexité des administrations déconcentrées, de leur organisation, de leurs circuits. Notre rapport dénonce en particulier l’insuffisance des repères dont les élus locaux disposent pour s’orienter dans le maquis des normes, des procédures et des interlocuteurs étatiques. Il dénonce aussi, sur ces sujets, la faiblesse latente de l’autorité préfectorale, qui devrait résumer pour les élus locaux l’ensemble de l’État déconcentré. Le préfet devrait jouer davantage pour tous les élus, directement ou par le truchement des sous-préfets ou de ses représentants, le rôle de facilitateur dont nos rapporteurs ont montré la nécessité.
Le Gouvernement a réformé son organisation territoriale souvent, il faut bien le dire, sans consulter ni discuter, ou du moins pas assez. Il pourrait être tenté de simplifier de la même façon le fonctionnement de cette organisation. Tout le rapport de la délégation montre que la consultation préalable et constante des collectivités est indispensable.
C’est pourquoi, je le répète, je vous incite à lancer un travail avec les élus locaux. Nous avons nous-mêmes fait un questionnaire pour lancer cette concertation, qui fait l’objet d’une forte demande. Comme nous avons su nous mettre à la disposition, avec notre collègue Rémy Pointereau, de toutes les commissions concernées du Sénat et de son président sur la question de la simplification des normes, nous pourrions modestement nous placer au cœur d’un travail partenarial, aux côtés des gouvernements successifs, pour aller dans le sens d’une plus grande simplicité.