Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, bien que M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, en ait déjà beaucoup dit, j’ajouterai quelques éléments qui méritent votre attention. Je le remercie tout d’abord de nous avoir permis de mener cette mission d’évaluation de l’application locale des politiques publiques, avec Marie-Françoise Perol-Dumont, mission qui a débouché sur l’élaboration d’un rapport d’information sur les relations entre les collectivités et les services déconcentrés de l’État.
Si les réformes de l’État territorial ont fait l’objet de nombreuses études, la plupart d’entre elles ont été réalisées, d’abord et avant tout, du point de vue de l’État, et non des collectivités.
Depuis la mission commune d’information du Sénat de 2011 sur la révision générale des politiques publiques, et hormis les rapports publiés par les commissions des lois et des finances dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances, les conséquences de ces réformes sur les territoires ont été peu analysées.
La délégation a souhaité combler cette lacune, en parfaite coordination avec les travaux en cours de la commission des lois. Je salue ici notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui a été entendu en sa qualité, notamment, de rapporteur délégué, chargé de l’administration générale et territoriale de l’État, de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale. Cet entretien a été un peu trop court à notre goût, mais nous aurons sans doute l’occasion de le poursuivre ultérieurement.
Afin de fonder nos travaux sur un diagnostic solide, il nous est apparu indispensable de consulter les élus locaux : en un mois, 4 500 contributions nous ont été adressées, dont 57 % par des maires, ce qui témoigne du vif intérêt rencontré par le sujet sur le plan local.
Les élus interrogés se sont très majoritairement dits insatisfaits des réformes des services déconcentrés qui se sont empilées depuis au moins une décennie.
J’insiste sur ce point : deux tiers des répondants ont ainsi jugé inefficaces ou non pertinents la réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, lancée en 2008, la réorganisation des services régionaux engagée en 2014 et le « plan Préfectures nouvelle génération », dévoilé en 2015.
Une proportion identique de participants a précisé que leur commune ou groupement a été touché par au moins une réforme des implantations des services de l’État, citant en tête les réorganisations des gendarmeries, des services régionaux, des hôpitaux, des sous-préfectures et des écoles.
Bien que demeurant souvent indirect, l’impact de ces réorganisations sur les collectivités et les usagers a été jugé négatif par la majorité des élus interrogés.
Ce constat mitigé, tiré de la consultation, est corroboré par les expériences de terrain qui nous ont été rappelées au cours de nos auditions et déplacements.
Un grand nombre d’acteurs locaux ont affirmé que ces réformes, dont l’inspiration est selon eux essentiellement budgétaire, et la méthodologie, peu participative, ont engendré une situation instable et confuse : l’État territorial, déstabilisé dans son organisation, désengagé de certaines missions et parfois dépourvu de moyens, ne répond pas toujours aux besoins des collectivités.
Il en résulte chez les élus locaux un sentiment d’insatisfaction, pour ne pas dire d’exaspération, qui contraste avec le discours rassurant, et parfois satisfait, des administrations centrales.
Au total, trois obstacles stratégiques s’opposent à la pleine efficacité des relations entre les collectivités et les services déconcentrés de l’État.
Le premier est l’insuffisante cohérence de l’État territorial. Les élus déplorent la complexité des circuits administratifs et la dispersion de la parole de l’État.
Le deuxième obstacle est l’existence de doublons. L’immixtion de l’État dans les compétences décentralisées est fréquemment dénoncée par les collectivités.
Le troisième obstacle, enfin, est dû à l’éloignement et au désengagement de l’État. Les élus s’inquiètent du retrait de l’État de certains territoires – toujours plus isolés – ou de certaines missions – pourtant utiles.
Face à ces difficultés, nous avons formulé une série de préconisations, que va présenter ma collègue Marie-Françoise Perol-Dumont.