Intervention de Marie-Françoise Perol-Dumont

Réunion du 10 janvier 2017 à 21h30
Où va l'état territorial ? le point de vue des collectivités — Débat organisé à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Photo de Marie-Françoise Perol-DumontMarie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler Éric Doligé, les nombreux élus ayant répondu au questionnaire et ceux que nous avons auditionnés ont dressé un bilan critique assez convergent des différentes réformes de l’État territorial, dont l’incidence, singulièrement sur les plus petites collectivités, a été jugée plutôt négative.

Pour autant, on ne peut pas dire que l’État soit resté totalement hermétique aux observations des élus, ni que les collectivités soient rétives à toute évolution des services déconcentrés.

D’une part, depuis l’année dernière, des inflexions ont été annoncées par l’État en faveur du maintien de services de proximité, d’une réévaluation de certaines missions intéressant les collectivités – comme le contrôle de légalité et l’ingénierie territoriale – ou d’une simplification des relations entre les acteurs locaux et les administrations déconcentrées.

Il conviendra d’être particulièrement attentifs à la mise en œuvre de ces annonces, parfois récentes, imprécises, afin qu’elles aboutissent pleinement et durablement.

D’autre part, ce ne sont pas seulement des critiques, mais surtout des attentes que les collectivités nourrissent, monsieur le ministre, à l’égard de l’État.

Les élus ayant participé à la consultation ont indiqué souhaiter un « État facilitateur », pour plus d’un tiers d’entre eux, et un « État conseil », dans plus d’un quart des cas. Ils souhaitent, en outre, disposer, par ordre de priorité, de services déconcentrés plus proches, plus disponibles et mieux identifiés.

Plus largement, les remontées de terrain témoignent de la nécessité d’un État capable de remédier à la complexité de son organisation, son droit et ses procédures, de maintenir une présence proche et partagée et de mieux s’inscrire dans une logique de coconstruction.

Dans cette perspective, notre rapport formule trente-cinq préconisations, réunies en cinq axes, dont je me bornerai à rappeler les grandes lignes.

Le premier axe vise à assurer la cohérence de l’État territorial. Il est ainsi crucial d’affirmer l’autorité préfectorale sur l’ensemble des réseaux territoriaux de l’État, agences comprises, agences surtout ! À cette fin, il serait utile d’instaurer une durée minimale d’affectation des préfets, de fixer leurs priorités dans une lettre de mission et de leur adjoindre le concours d’un véritable état-major.

Le deuxième axe a pour finalité le maintien de la proximité des administrations déconcentrées. Une attention particulière doit être portée aux départements dont la démographie est faible ou la géographie, spécifique.

À titre personnel – cela n’engage que moi –, j’ajouterai ma conviction que la RéATE, en amputant les moyens affectés à l’État dans les territoires, a initié ce fort sentiment de déshérence qui perdure, voire s’amplifie.

Dans ce contexte, il convient de conforter les ressources en ingénierie de l’État au niveau départemental, en particulier dans les régions fusionnées. L’organisation multisite des diverses directions dans ces régions nécessite d’être améliorée et la création de maisons de services au public, encouragée.

Le troisième axe tend à permettre aux collectivités de surmonter la complexité administrative. L’administration déconcentrée doit prendre en charge le poids de sa propre complexité en offrant aux collectivités un référent généraliste pour le montage des projets et en développant à leur intention des procédures intégrées, des engagements qualitatifs et des outils contractuels.

Le quatrième axe consiste à recentrer l’action de l’administration territoriale de l’État sur les politiques strictement étatiques. Il est urgent de mettre fin aux doublons en prévoyant la reprise par les collectivités de certains services déconcentrés et d’en finir avec les reports de charge en compensant véritablement le coût des politiques de l’État mises en œuvre par les collectivités.

Il importe aussi d’achever la décentralisation parfois inaboutie de certaines compétences en opérant les transferts correspondants de personnels, comme les gestionnaires de lycées et de collèges. On est, en la matière, resté au milieu du gué.

Le cinquième axe prévoit un renforcement de la dimension facilitatrice des administrations déconcentrées. Le contrôle de légalité doit être orienté, en amont de la prise de décision, vers l’offre d’avis et de conseil sur le droit et les procédures applicables, singulièrement pour les plus petites collectivités, qui ne peuvent disposer en interne des différents services requis.

De manière plus ambitieuse, il serait opportun d’accorder au préfet la faculté d’adapter certains éléments non cruciaux des normes, et plus largement du droit, en s’inspirant, par exemple, du pouvoir dérogatoire prévu en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées.

Tel est le sens de notre rapport, qui est aussi un plaidoyer en faveur d’une relation partenariale adulte entre l’État territorial et les collectivités. Ainsi, posture de facilitation et rôle de conseil s’imposent comme la ligne de conduite impérative des services déconcentrés de l’État.

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