Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter Marie-Françoise Perol-Dumont et Éric Doligé pour la qualité et la clarté de leur rapport. Il s’agit d’un travail considérable et utile pour lequel ils ont pris la peine de consulter les élus locaux par internet. Et demander leur avis aux élus lorsque l’on parle de la réforme des services de l’État, ce n’est pas si courant !
Cela fait maintenant dix ans que les services déconcentrés de l’État sont soumis à des réformes continuelles, définies sans véritable stratégie sur le long terme et sans grande concertation entre les ministères, le principal objectif étant de réduire les dépenses publiques.
Si l’on peut souligner un effort de rationalisation, de simplification et de modernisation de l’action publique, on constate que ces réformes provoquent sur le terrain un sentiment d’exaspération chez les élus et conduisent à un épuisement des personnels concernés. La stabilisation tant attendue dans nos collectivités territoriales se fait attendre et la cohérence de toutes ces politiques n’apparaît pas clairement.
La complexité perdure et désoriente les élus qui, sur le fond, ne ressentent souvent que leurs effets négatifs. La plupart d’entre eux ont été touchés par ces réformes et la disparition de services éminemment symboliques, comme la gendarmerie, les écoles, les urgences des hôpitaux, la trésorerie.
Certaines de nos communes, souvent les plus rurales, ont subi une concentration inédite de fermetures au cours des dernières années. Cela entretient ensuite un cercle vicieux avec d’autres fermetures en cascade : l’épicerie, le bureau de tabac, la boulangerie. Ces territoires éprouvent alors un sentiment d’abandon qui se traduit par une baisse de leur population à terme. Qui voudrait rejoindre ces territoires abandonnés, ces zones délaissées par l’État, mes chers collègues ? Le sentiment de désertification rurale n’est pas un vain mot, mais bien une réalité.
Les élus de terrain estiment à juste titre avoir été insuffisamment consultés. L’AMRF, l'Association des maires ruraux de France, a souligné le « manque de concertation ». En tant que président de l’Union des communes rurales de la Loire, je ne peux que confirmer cette réalité.
Nous avons maintes fois été mis devant le fait accompli, par exemple, lorsque les ATESAT, les dispositifs d’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, ont disparu. Il en va d’ailleurs de même pour l’ensemble des services publics au sujet desquels les associations d’élus doivent se battre pour se faire entendre. Je rappelle que 93 % des élus locaux estiment ne pas avoir été suffisamment associés à ces réformes.
Il y a aussi le sentiment que l’État et ses services sont de plus en plus loin et que tout est de plus en plus concentré au niveau de la région, des grandes villes ou des grandes métropoles, le sentiment que les missions de conseil et d’expertise des services de l’État sont réduites à peau de chagrin et que, a contrario, les procédures de contrôle sont de plus en plus tatillonnes.
Nos collectivités arrivent difficilement à assumer l’ensemble de leurs missions, les spécificités des territoires sont souvent ignorées.
Les services déconcentrés de l’État sont de moins en moins présents et transfèrent leurs responsabilités notamment sur les intercommunalités et les départements. Le constat est flagrant, singulièrement en ce qui concerne les prestations d’ingénierie territoriale destinées au bloc communal.
Par ailleurs, la simplification des normes et la poursuite du travail très important mené sur ce sujet par de nombreux collègues de la Haute Assemblée m’apparaissent indispensables. La complexité des procédures, la multiplication des services et des interlocuteurs, l’explosion des normes sont indissociables. Tout cela entraîne un sentiment d’incompréhension et crée une grande perplexité chez les élus.
Les trente-cinq propositions émises par nos deux rapporteurs sont très intéressantes.
Je retiendrai en particulier la proposition visant à associer les élus locaux et leurs associations à l’élaboration des réformes, car la coconstruction est indispensable à mes yeux pour prendre en compte la complexité du terrain et sa diversité. Je retiendrai également la mesure tendant à conforter l’échelon départemental et à affirmer le rôle du sous-préfet, ainsi que la mesure visant à favoriser l’existence d’un interlocuteur unique.
J’insisterai aussi tout particulièrement sur la proposition d’éviter les fermetures simultanées de plusieurs services au sein d’une même collectivité locale. Enfin, je trouve intéressantes la proposition de généraliser les maisons de services au public et celle de renforcer le contrôle de légalité et l’ingénierie territoriale, deux missions très protectrices pour les élus.