Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la France, à la fois État déconcentré et République décentralisée, a été bousculée par plusieurs réformes territoriales au cours de ces dernières années, donnant le sentiment aux collectivités territoriales d’être la variable d’ajustement d’une vision politique mal définie et peu lisible.
C’est pourquoi je tiens à saluer la nouvelle initiative de nos collègues Marie-Françoise Perol-Dumont et Éric Doligé, menée au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nos rapporteurs ont donné la parole aux personnes les plus concernées par les réformes, à savoir les élus locaux eux-mêmes et les représentants de l’État. Je me réjouis d’ailleurs que 60 % des presque 5 000 contributions récoltées proviennent de maires. Leur réponse massive est la manifestation de leur besoin de reconnaissance et de leur implication.
Ce rapport vient nous rappeler le lien indissociable qui existe entre décentralisation et déconcentration, cette dernière étant trop souvent oubliée.
Les propositions émanant des consultations qui ont été conduites me semblent parfaitement résumer les attentes des élus que chacun de nous rencontre au quotidien : il faut parvenir à définir une accessibilité des services au public après une concertation étroite entre les services de l’État et ceux des collectivités territoriales.
L’État doit être garant et à la hauteur de ses missions régaliennes. Il doit veiller à la cohérence des moyens mis à la disposition des collectivités locales pour leur permettre d’exercer leurs compétences d’origine ou celles qui leur ont été transférées. Bref, les collectivités territoriales ont besoin d’avoir un cadre d’action clair, qui – et cela n’est pas anecdotique ! – leur offre une sécurité juridique pour les actes qu’elles rendent.
Si l’on tire les conclusions du chamboulement territorial récent, on s’aperçoit que l’État a privilégié la seule loi du nombre pour définir la taille des intercommunalités, entraînant la constitution de périmètres toujours plus grands et plus larges, et cédant la place à une certaine forme d’« obésité territoriale ». Il me semble utile de rappeler que ces réformes, qui ont été conduites au fil de l’eau et sans grande cohérence, laissent aujourd’hui certaines collectivités territoriales totalement dépourvues et déstabilisées, ce qui porte préjudice tant aux collectivités concernées qu’aux élus et à la population.
En effet, l’État territorial se désengage d’un certain nombre de compétences et de missions au profit des collectivités locales, mais ne les retire pas pour autant à ses administrations déconcentrées. Dans le même temps, il n’accorde pas auxdites collectivités les moyens de leurs nouvelles compétences. Dès lors, un sentiment de méfiance s’instaure entre l’État et ces territoires, alors même que nous aurions besoin de fluidité, de partenariat, de coconstruction confiante de l’action publique.
La confiance, élément essentiel du pacte républicain en ce qu’elle permet d’instaurer des rapports apaisés, ne peut se concevoir sans équilibre et sans justice. Si l’État doit veiller à garantir cet équilibre territorial, il ne peut pas le faire en s’appuyant sur la seule décentralisation, tant nos territoires sont tous différents les uns des autres. Il ne peut l’atteindre que grâce à l’administration déconcentrée, en assurant l’égalité d’accès à ses services.
Au-delà de l’accès aux services publics, objectif figurant dans plusieurs des propositions du rapport, l’État déconcentré doit également porter une attention particulière et vigilante à l’accès aux services privés. Leur disparition sur certains territoires mérite une attention prioritaire pour bien agir : services postaux, professionnels de santé, services bancaires, sans parler de l’accès à la couverture en matière de téléphonie mobile et numérique.
Les parlementaires que nous sommes ont également un rôle à jouer à la veille de l’application de la loi sur le non-cumul des mandats. Si nous sommes naturellement des acteurs de la décentralisation auprès des élus et des collectivités locales, notre rôle dans la déconcentration est beaucoup moins évident. Pourtant, nous pourrions apporter un éclairage essentiel aux représentants de l’État sur nos territoires. Aujourd’hui, nous votons les dispositions législatives en n’ayant que trop rarement l’occasion de participer et d’en apprécier la mise en œuvre.
Aussi, pourrions-nous coconstruire davantage l’action publique territorialisée en coopération avec les acteurs déconcentrés ou non de l’État. Cela pourrait notamment se concrétiser dans le cadre de l’affectation de certaines dotations. Cette proposition permettrait de garantir l’équilibre que j’évoquais tout à l’heure, d’assurer leur liberté aux collectivités, de les accompagner dans leurs projets de développement, tout en veillant à ne pas créer de fractures entre elles, ou en les limitant, du moins, tant dans leur nombre que dans leur portée. Beau défi qu’il nous appartiendra de relever dès que possible !