Intervention de Marthe Lucas

Commission d'enquête Atteintes à la biodiversité — Réunion du 20 décembre 2016 à 17h55
Audition de M. Arnaud Gossement avocat Mme Marthe Lucas maître de conférences à l'université d'avignon et M. François-Guy Trébulle professeur à l'école de droit de la sorbonne université paris i panthéon-sorbonne

Marthe Lucas :

La cohérence de la jurisprudence est assez difficile à constater. Pour essayer de faire simple, je dirai que le juge administratif contrôle les mesures compensatoires à deux moments différents : l'étude d'impact et l'arrêté d'autorisation.

Pendant longtemps, le juge administratif ne faisait pas de distinction entre les trois éléments du triptyque ERC. Pour lui, dès qu'il y avait des mesures de réduction, il y avait compensation. C'est d'ailleurs une confusion que faisaient le juge, les requérants et l'administration.

Le juge aime s'appuyer sur des textes juridiques précis. Or, la plupart du temps, les textes n'étaient pas précis sur le contenu de l'obligation de compenser. Comment compenser ? Qu'est-ce qu'une mesure de compensation ? Comment définir la restauration de milieu et la recréation ? Le juge avait du mal à sanctionner en l'espèce.

J'ai relevé une grande cohérence par rapport aux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE. Au vu de la transposition de la directive-cadre sur l'eau, qui fixe des objectifs de qualité écologique, les auteurs des SDAGE se sont mis à prévoir des modalités de compensation, qui pouvaient être variables. En gros, ils ont attribué des ratios de compensation, qui allaient de 100 % à 200 %, selon qu'il s'agissait de la destruction d'une zone humide ou de zones d'expansion des crues.

Dès lors que l'on était en présence de ratios très précis, ces schémas allaient plus loin que la réglementation nationale et le juge a pu s'appuyer sur des quotas qu'il était à même de contrôler pour sanctionner la compatibilité de mesures compensatoires au SDAGE.

S'agissant des sites Natura 2000, le principe est que les projets susceptibles d'avoir des conséquences ne doivent pas voir le jour, sauf dérogation si le projet répond à des raisons impératives d'intérêt public majeur, s'il n'existe pas de solution alternative et si des mesures compensatoires sont prévues.

En l'espèce, la compensation est déconnectée de l'étude d'impact. On regarde si l'impact du projet est significatif après les mesures d'évitement et de réduction, ce qui est très prudent, dans la mesure où l'on n'a aucune garantie de pouvoir recréer écologiquement un milieu identique à celui qui a été détruit.

Sur ce point, un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes a contrôlé très sévèrement une mesure compensatoire sur le pont de Donges.

Au-delà, il me semble assez difficile de porter un jugement sur la position du juge administratif. De manière générale, les requérants sont plus précis, donc le juge est aussi plus précis sur la faisabilité des mesures compensatoires. Mais il n'est absolument pas spécialiste pour évaluer le contenu écologique des mesures compensatoires.

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