Intervention de Arnaud Gossement

Commission d'enquête Atteintes à la biodiversité — Réunion du 20 décembre 2016 à 17h55
Audition de M. Arnaud Gossement avocat Mme Marthe Lucas maître de conférences à l'université d'avignon et M. François-Guy Trébulle professeur à l'école de droit de la sorbonne université paris i panthéon-sorbonne

Arnaud Gossement :

Le rapporteur soulignait la complexité du sujet. Le maître d'ouvrage fait face à un dilemme infernal. S'il remplit scrupuleusement le volet portant sur les mesures compensatoires de son étude d'impact, il se verra rétorquer que son projet pèse très lourdement sur l'environnement et qu'il n'a pas su éviter ni réduire ; s'il ne remplit pas le volet, il s'entendra dire que son étude d'impact n'est pas sincère et qu'il n'a pas su éviter ni réduire. Quel que soit son choix, il sera critiqué. C'est la raison pour laquelle il s'adresse à des juristes, eux-mêmes démunis face à un droit qui définit avec trop d'imprécision la mesure compensatoire.

Le droit européen a fermé des débats qu'il faut rouvrir. Selon la directive de 2011 sur l'évaluation environnementale, c'est le maître d'ouvrage qui est responsable de cette évaluation. Cela se discute : un fabricant des panneaux solaires n'est pas spécialiste de l'habitat des espèces protégées. Il faudrait qu'il puisse confier la définition, l'exécution et le suivi des mesures compensatoires à un tiers indépendant ou à la puissance publique.

La directive 2004/35/CE interdit les compensations financières. Cela se discute aussi. Dans certains cas, les mesures compensatoires ont pu être envisagées par l'État comme un moyen de financer cette politique publique trop peu dotée par ailleurs. Organisons clairement la fiscalité de la biodiversité. Ce tabou n'a pas lieu d'être.

Le problème de la proximité est identique. Songeons à la jurisprudence Roybon. Le juge administratif critique l'éloignement de la mesure de compensation. Mais s'il s'agit d'un site dégradé, tel un terril, la compensation n'est pas pertinente sur place. Elle le serait davantage un peu plus loin.

Quant aux procédures, j'espère que le prétoire ne deviendra pas le lieu d'examen des mesures compensatoires. Les juges administratifs ont accompli d'immenses progrès en réduisant considérablement le délai de jugement. En revanche, il est problématique que le recours soit devenu une arme en soi, dont le but est de faire perdre du temps. Reconnaissons que des réponses partielles ont été apportées, notamment pour l'éolien offshore avec la création d'une juridiction spécialisée, l'autorisation unique et le recours à l'ordonnance en droit de l'urbanisme.

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