Intervention de Marthe Lucas

Commission d'enquête Atteintes à la biodiversité — Réunion du 20 décembre 2016 à 17h55
Audition de M. Arnaud Gossement avocat Mme Marthe Lucas maître de conférences à l'université d'avignon et M. François-Guy Trébulle professeur à l'école de droit de la sorbonne université paris i panthéon-sorbonne

Marthe Lucas :

Le défrichement, selon le code forestier, est toute opération qui implique la destruction de l'état boisé d'un terrain, mais qui, également, met fin à sa destination forestière. La différence entre le défrichement et le déboisement est que ce dernier conserve la destination forestière du terrain.

La loi de 1976 était très simple : il fallait compenser. Mais cette loi a créé des incohérences et, in fine, personne ne compensait.

La loi américaine de 2008 est extrêmement détaillée : elle définit les notions de proximité, d'équivalence, d'aire de service, ou d'autres. Cette rédaction peut sembler complexe mais apporte de la transparence et de la sécurité juridique pour tous les acteurs.

La loi relative à la biodiversité, en introduisant une obligation de résultat, fait oeuvre de pédagogie. Juridiquement, le maître d'ouvrage pourra être condamné même s'il n'a pas commis de faute, si sa mesure compensatoire n'atteint pas le résultat fixé. C'est extrêmement fort.

Lorsque j'ai achevé ma thèse, certaines DREAL commençaient à mettre en place un recensement des mesures compensatoires. Jusqu'au décret de 2011 du Grenelle de l'environnement, les mesures compensatoires n'étaient pas obligatoirement reprises dans l'arrêté d'autorisation. Il n'était donc pas possible de contraindre le maître d'ouvrage à les réaliser - beaucoup ne l'ont pas été, mais on ne l'a pas su car il n'y avait pas de suivi. En outre, les mesures compensatoires n'ayant pas de caractère opposable, beaucoup ont disparu sous un nouveau projet, dont les propres mesures compensatoires ne s'additionnent pas aux précédentes.

La loi relative à la biodiversité, en imposant la géolocalisation des mesures compensatoires, favorise un suivi extrêmement intéressant. Les associations de protection de l'environnement seront attentives et pourront demander au préfet un arrêté de mise en demeure de réalisation des mesures compensatoires, si elles ne le sont pas.

Les sanctions pénales relatives à l'inexécution, ou à la mauvaise exécution, des mesures compensatoires, sont très rares. Il existe seulement une contravention de cinquième classe sur les installations, ouvrages, travaux et activités.

La caducité de l'autorisation, faute de réalisation des mesures compensatoires dans les trois ans, serait une mesure très dissuasive, mais qui ne serait pas valable pour les grands projets.

Il existe une différence entre les petits et les grands projets, mais aussi entre ceux qui sont portés par le secteur privé et ceux portés par le secteur public. Il existe nombre d'instruments juridiques de protection de l'environnement, mais beaucoup sont à l'initiative des pouvoirs publics. Un gros projet bénéficiera d'un partenariat public, contrairement à un petit projet pour lequel la compensation sera bien plus compliquée à mettre en place, l'acquisition n'étant pas toujours une solution. Il faut réussir à trouver des acteurs pour contractualiser sur le long terme, la loi relative à la biodiversité imposant des compensations effectives pendant toute la durée des atteintes.

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