Je n'en ai aucun. AgroSolutions, filiale d'InVivo, est un cabinet de conseil et d'expertise en agro-écologie. Il n'a pas de lien avec les grands projets cités car nous travaillons surtout sur de petits projets.
Merci de m'avoir conviée. J'ai ainsi l'occasion de vous présenter un nouveau métier, celui d'opérateur de compensation, qui existe depuis très peu de temps. Reconnu très récemment par la loi biodiversité, il est encore en construction.
AgroSolutions rassemble une quarantaine d'experts en agronomie, hydrogéologie, pédologie, protection des plantes, écologie, gestion des données, droit rural et droit de l'environnement - un merveilleux domaine d'innovation juridique. Grâce à nos compétences croisées en agriculture et en environnement, nous accompagnons les agriculteurs dans la transition vers l'agro-écologie. Notre but est de leur assurer des revenus durables et de les aider à intégrer les exigences environnementales et sanitaires, tout en tenant compte de leur bien-être.
La compensation existe depuis quelques années. Comment peut-elle servir le projet de l'agro-écologie ? Je précise que nous fonctionnons par la demande et non par l'offre. Selon la loi biodiversité, l'opérateur intervient pour mettre en oeuvre des mesures de compensation pour l'aménageur qui y est obligé, une fois que les mesures sont définies et autorisées, ce qui suppose que l'étude d'impact soit terminée. De plus en plus toutefois, nous ne travaillons plus seulement après la validation des mesures, mais aussi en amont.
Nous passons un contrat sur-mesure avec l'aménageur pour expertiser ses mesures de compensation et l'aider à les mettre en oeuvre. Demain, nous espérons passer un deuxième contrat de suivi de ces mesures.
Prenons l'exemple d'autorisations administratives qui exigent la préservation de prairies pendant la nidification d'une espèce donnée. Nous conseillons concrètement l'aménageur sur la mise en place de cette demande sur un territoire agricole, en définissant la période de fauchage de la prairie, les conditions de pâturage, la pratique de fertilisation, le drainage. Outre notre expertise théorique, nous rencontrons sur le terrain les acteurs du territoire, notamment les agriculteurs, que nous avons parfois déjà identifiés. Une fois le cahier des charges des mesures de compensation élaboré - sa coconstruction améliore grandement son acceptabilité - nous rédigeons le contrat proposé à l'agriculteur en charge de la compensation. AgroSolutions a choisi de rémunérer ce service rendu. Le contrat de mise en place des mesures de compensation peut être signé entre AgroSolutions et l'agriculteur, entre AgroSolutions, l'agriculteur et l'aménageur, ou entre ces deux derniers. Tout dépend du projet de chaque aménageur. Le travail de suivi de l'opérateur est ensuite très important, puisque la compensation se situe dans une dynamique de très long terme.
La loi biodiversité insiste sur l'obligation de résultat ainsi que sur l'obligation de moyens. Celle-ci peut être, par exemple, l'implantation de haies. Au bout d'un an, on vérifie si les haies ont été plantées et si les bonnes espèces ont été sélectionnées. Au bout de deux ou trois ans, on vérifie si l'implantation a réussi et si les haies sont suffisamment denses pour accueillir l'espèce concernée. Au fil du temps, le suivi évolue pour améliorer en permanence la compensation. L'accompagnement des agriculteurs est donc nécessaire, l'opérateur assurant le lien entre l'aménageur et l'agriculteur.
L'obligation de résultat inscrite dans la loi m'a beaucoup interrogée. Qu'afficher ? Peut-on exiger un certain nombre d'individus d'une espèce, ou de terriers ? Doit-on plutôt viser l'amélioration de la qualité des habitats ? Il est impossible, dix ans à l'avance, de prédire un nombre d'individus. La nature est capricieuse. Évaluer la capacité d'un habitat à accueillir des individus est plus aisé.
Depuis peu, nous sommes saisis par des aménageurs qui souhaitent que nous les aidions en amont du projet à définir des mesures de compensation précises dans leur étude d'impact et à sécuriser leur accès aux agriculteurs qui les mettront en oeuvre, en anticipation de l'autorisation administrative. Afin de nous assurer un réservoir d'agriculteurs et de terres agricoles, nous passons des contrats d'engagement préalable, de courte durée, avec les agriculteurs.
Nous ne travaillons pas que sur des mesures de compensation, mais également sur des mesures de réduction. Là aussi, nous élaborons des contrats. Notre travail est pédagogique : nous expliquons aux aménageurs ce qu'est la compensation, en quoi elle impose des contraintes et offre des opportunités. L'exigence d'efficacité à long terme impose des échanges fournis entre l'opérateur et l'aménageur. Le premier doit par exemple être capable de pallier le désengagement d'un agriculteur, dont le contrat échoit au bout de cinq ans, quand la compensation court sur trente ou quarante ans.
Nous accompagnons aussi les aménageurs qui ne parviennent pas à déployer leurs mesures de compensation car elles ne sont pas acceptées par les agriculteurs. L'un de nos clients avait prévu deux hectares de jachère par éolienne mais ne trouvait aucun agriculteur partenaire. Nous avons cherché des mesures équivalentes. Après le passage d'une convention avec le Muséum national d'histoire naturelle, nous avons rencontré les coopératives d'agriculteurs, la chambre d'agriculture, les associations de chasseurs. Dans le respect de l'équivalence écologique, il s'est avéré intéressant d'alterner la jachère avec la mise en place de haies, de bouchons et de bandes enherbées. Les conflits ont été apaisés.
La compensation est une véritable occasion pour l'agriculteur de jouer un rôle dans la préservation de l'environnement, tout en gagnant un revenu complémentaire. Les sommes ne sont pas très élevées et ne pousseront pas un agriculteur à produire des papillons plutôt que du blé. Pour que la compensation soit réussie, il faut que chacun soit raisonnable et construise ensemble la solution, en conjuguant intérêt général de la biodiversité et intérêt particulier de l'agriculteur.
Enfin, notre logique est de privilégier la contractualisation plutôt que l'acquisition de terres.