L'environnement est pour nous, jeunes agriculteurs, un enjeu essentiel. C'est notre outil de travail, nous sommes attachés à sa préservation. La compensation incombe au maître d'ouvrage, pas aux seuls agriculteurs. Nous y sommes attachés, car il est plus facile de s'en prendre à l'agriculteur à la fin du projet que de l'impliquer en amont. Il est indispensable de dissocier le maître d'ouvrage, qui est juridiquement responsable de la compensation, de l'opérateur, qu'il soit agriculteur ou autre.
L'estimation des impacts d'un projet doit faire l'objet d'une concertation en amont, pour évaluer les éventuelles mesures d'évitement et de réduction ainsi que, si nécessaire, les mesures de compensation. Quand on impose des mesures en fin de projet, les agriculteurs se braquent et le débat devient stérile. Ces derniers doivent être associés à l'élaboration du cahier des charges lors de la première discussion préalable.
La compensation revient-elle à créer un marché ? Je le crains. On voit des opérateurs vendre des mesures de compensation à des porteurs de projet, ou apparaître dans les commissions d'acquisition du foncier. Cela suscite des réactions très négatives des agriculteurs. La terre disponible ne doit pas être réservée à la compensation, mais destinée en priorité à l'installation de jeunes agriculteurs. Il faudra faire preuve de vigilance pour éviter que le foncier agricole ne devienne un puits sans fond. En cent ans, l'espace forestier a doublé, alors que l'espace agricole s'est réduit.
Les agriculteurs sont un vecteur de biodiversité, quel que soit leur mode de production. Quand on crée des ressources en eau, on peut aussi créer de la biodiversité - je pense au barrage de Sivens. La compensation peut offrir des opportunités à un jeune agriculteur qui s'installe, mais dans un cadre bien défini juridiquement. Le risque principal est celui d'une financiarisation de la compensation. Il faut écouter les agriculteurs, ils ont leur mot à dire sur les projets.
La co-construction doit être engagée avec tous les acteurs, en impliquant d'abord les personnes proches du site ; je ne vois pas quelle est la légitimité d'individus qui vivent à des centaines de kilomètres, comme les zadistes à Sivens.
Quant aux mesures à destination du grand public, j'ai du mal à me faire une opinion sur la base d'un dossier de 1 700 pages. Nous sommes nombreux à ne pas avoir l'instruction nécessaire pour l'analyser et déterminer si les mesures proposées sont à la hauteur de l'enjeu.
Plutôt que de nous demander ce que nous proposons ou ce que nous faisons déjà en matière de biodiversité, les services de l'État nous tirent dessus à boulets rouges.
Les agriculteurs, producteurs de biodiversité, ont beaucoup à apporter. Nous demandons que l'État joue le rôle de cheville ouvrière de la protection de l'environnement ; qu'il alerte et sensibilise les opérateurs sur le fait que l'on n'achète pas du foncier seulement pour remplir des obligations réglementaires. Éviter-réduire-compenser ne doit pas se réduire à un drapeau que l'on lève pour montrer qu'on a écouté les environnementalistes.
Le dispositif actuel n'est pas mauvais, à condition que l'on sache s'en servir. La loi a reconnu les services environnementaux rendus par les jeunes agriculteurs ; il faudra le traduire au plan économique. Nous sommes tout autant attachés au foncier qu'à l'environnement.
Pour conclure, j'espère que cette table ronde ne sera pas qu'une réunion de plus, et qu'elle permettra d'intégrer davantage la profession agricole et de l'associer à l'ensemble de la démarche.