Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 janvier 2017 à 9h40
Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Adopté par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2016, après engagement de la procédure accélérée, ce projet de loi a été fortement enrichi par les députés qui ont porté le nombre de ses articles de 15 à 116.

Le premier objectif du texte est la recherche d'un nouveau modèle de développement pour parvenir à une égalité réelle outre-mer. Les nombreux plans de programmation et la mise en oeuvre de politiques publiques volontaristes n'ont pas supprimé l'ensemble des disparités, qui se traduisent par de réels écarts de niveau de vie au sein de chaque territoire ultramarin et entre ces territoires et l'hexagone. Les événements survenus à Mayotte et à La Réunion en 2011-2012 en témoignent.

L'enjeu majeur est de donner à chaque collectivité ultramarine les moyens de définir un modèle de développement économique prenant en compte ses caractéristiques et ses spécificités. Comme je le relevais déjà lors de l'examen de la loi du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, il revient à ces territoires de définir eux-mêmes les leviers de leur développement, qui ne doit plus être conçu à partir de leurs relations avec l'hexagone, mais au sein de leur environnement régional. Il est temps que chaque territoire d'outre-mer soit acteur de son développement économique, social et environnemental.

Le deuxième objectif du texte est d'atteindre l'égalité réelle, définie comme « la conjonction de l'égalité civique, politique, sociale et économique convergeant vers les niveaux de vie nationaux », entre les outre-mer et l'hexagone.

Le titre Ier du projet de loi initial affirme le caractère prioritaire d'une politique de réduction des disparités et définit un dispositif de programmation visant à favoriser la convergence des standards de vie entre les populations d'outre-mer et celles de l'hexagone.

L'article 1er définit le principe d'égalité réelle en tant que priorité de la Nation, ainsi que les objectifs des politiques publiques destinées à le mettre en oeuvre : la résorption des écarts de niveaux de développement en matière économique, sociale, environnementale, d'accès aux services publics et à la culture. Les articles 2 et 3 déclinent ce principe dans les collectivités régies respectivement par les articles 73 et 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie. La recherche de la convergence devrait, pour ces territoires, prendre en compte leurs caractéristiques et leurs contraintes particulières.

Le titre II crée un nouvel instrument de planification stratégique : les plans de convergence, déclinés en contrats de convergence, tendant à une égalité réelle entre les populations d'outre-mer et celle de la France hexagonale. Les articles 4 à 8 définissent les modalités d'élaboration, le contenu et l'évaluation de ces plans et de ces contrats.

Les articles 9 à 15, répartis entre les deux autres titres du projet de loi initial, ont été délégués au fonds aux commissions des affaires sociales et des affaires économiques.

Le titre III (articles 9 et 10) comportait ainsi initialement des dispositions sociales en faveur de l'égalité dans le département de Mayotte.

Le titre IV (articles 11 à 15) comportait des dispositions renforçant la concurrence, l'investissement dans le capital humain, l'accès aux droits économiques et la lutte contre la cherté de la vie.

L'Assemblée nationale a fortement enrichi ce texte. Ainsi, elle a complété le titre II en prévoyant notamment que les plans et les contrats de convergence devraient comprendre un diagnostic portant sur les inégalités de revenus, de patrimoines, les discriminations et les inégalités entre les femmes et les hommes, ainsi que des actions opérationnelles de lutte contre l'illettrisme. Les plans devraient être conclus au plus tard le 1er juillet 2018 et les autres documents de planification rendus compatibles avec ces plans.

À l'article 8, les députés ont confié à la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer (Cnepeom) l'évaluation des politiques de convergence, et adopté le principe d'une association des chambres régionales ou territoriales des comptes au suivi de la mise en oeuvre des stratégies de convergence. Celles-ci seraient chargées d'examiner l'exécution de la programmation financière des plans de convergence et l'économie des moyens mis en oeuvre, ainsi que d'évaluer les résultats atteints à l'aune des objectifs.

Au titre VI, introduit par l'Assemblée nationale, l'article 14 bis prévoit, en cas d'inexécution par les sociétés commerciales de leur obligation de déposer divers documents, notamment leurs comptes annuels au registre du commerce et des sociétés, que le greffier du tribunal de commerce informe le représentant de l'État dans le département de ce manquement.

L'article 19 prévoit, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un Small business act consistant à donner la faculté aux pouvoirs adjudicateurs, aux entités adjudicatrices et aux acheteurs publics de réserver jusqu'à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises (PME) locales. Le montant total des marchés ainsi conclus ne pourrait excéder 15 % du montant annuel moyen des marchés du secteur économique concerné conclus par l'entité visée.

Dans le titre VII, introduit par l'Assemblée nationale, l'article 20 A consolide la politique mémorielle de l'esclavage en fixant au 10 mai la journée nationale de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, et en créant une nouvelle journée nationale de commémoration en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, fixée au 23 mai.

À l'article 21 bis, l'Assemblée nationale a prévu la transformation du Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge en un Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges, afin de lui donner une plus grande visibilité.

L'article 26 autorise l'expérimentation, pour cinq ans, d'une mutualisation des politiques de ressources humaines des agents de l'État sur les territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et dans les îles Wallis et Futuna, sous la forme d'une direction des ressources humaines unique placée, dans chaque collectivité, sous l'autorité du représentant de l'État.

Les articles 30 bis, 30 ter, 30 quater et 30 quinquies ont pour objet d'étendre à différentes catégories d'agents publics, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le pouvoir de rechercher et de constater des infractions édictées localement en matière environnementale, de sécurité routière et sanitaire.

Afin de donner une base symbolique et juridique forte à l'existence des délégations parlementaires aux outre-mer, l'article 31 confère à ces dernières une consécration législative tout en renforçant certaines de leurs prérogatives.

L'article 33 proroge de trois ans le délai accordé pour achever la transformation des plans d'occupation des sols (POS) en plans locaux d'urbanisme (PLU) dans les seules communes d'outre-mer.

L'article 34 prévoit l'expérimentation, pendant une durée de trois ans, dans les départements et les régions d'outre-mer qui en font la demande, d'un dispositif d'attraction des talents étrangers.

Le titre XI, lui aussi introduit par l'Assemblée nationale, est composé du seul article 35 qui crée, à titre expérimental, des observatoires des violences faites aux femmes.

Je vous proposerai plusieurs amendements.

Il s'agit notamment d'insérer à l'article 1er les dispositions prévues aux articles 2 et 3, portant sur le caractère concerté des politiques publiques de convergence et sur la prise en compte des caractéristiques des collectivités ultramarines et, par conséquent, de supprimer ces deux derniers articles.

J'ai de nombreuses réserves quant à la création d'une nouvelle journée nationale de commémoration en hommage aux victimes de l'esclavage colonial le 23 mai, proposée à l'article 20 A.

Par ailleurs, je vous proposerai de supprimer la pléthore de demandes de rapports insérées par l'Assemblée nationale dans le projet de loi, ainsi que certains articles dont les dispositions sont déjà satisfaites par le droit en vigueur.

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