Intervention de Michel Magras

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 janvier 2017 à 9h40
Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel MagrasMichel Magras, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques :

Saisie des 25 articles du volet économique de ce projet de loi, notre commission s'est efforcée non seulement d'en améliorer la cohérence et le réalisme, mais aussi de rendre plus percutantes les dispositions inscrites dans le texte.

Ce projet de loi a changé de volume et de nature après son passage chez nos collègues députés. Pour tirer le meilleur parti de cette rafale de 116 mesures, six commissions sénatoriales se sont saisies de l'examen de ces dernières.

Le socle juridique opérationnel pour le législateur dans le domaine économique est l'adaptation aux réalités et la différenciation. Ainsi, à notre initiative, le Sénat vient d'adopter une résolution sur les normes agricoles européennes, pour une meilleure distinction entre le climat tempéré et le climat tropical, indispensable pour éviter un sort désastreux à l'agriculture ultramarine. De même, pour lutter contre la fourmi manioc qui détruit une récolte en 24 heures et pour valoriser les productions ultra-marines haut de gamme par la signalétique, il n'y a pas d'autre guide que le principe d'adaptation aux exigences du réel : c'est ainsi que l'on favorisera la création de richesse dont nos outre-mer ont tant besoin.

Nos amendements répondent à trois lignes directrices. D'abord, nous approuvons sans modification ou en nous limitant à des correctifs rédactionnels plusieurs dispositions, notamment l'amélioration de la péréquation tarifaire des lettres, un monopole juridiquement protégé tandis que les colis relèvent d'un marché ouvert et concurrentiel.

Nous approuvons également les quatre articles insérés dans le code des transports pour favoriser la continuité territoriale et l'aide à la formation des jeunes ultramarins. Encore faut-il que ces aides n'alimentent pas une hausse des prix des billets d'avion, objet de l'une des demandes de rapport que nous proposons de supprimer, tout en soulignant l'intérêt des questions posées.

Concernant les dispositions touchant au code de commerce et l'enjeu fondamental de la formation des prix dans les outre-mer, nos amendements traduisent deux préoccupations.

La première est de remettre de la cohérence entre des dispositions contradictoires, les unes visant à lutter contre la vie chère et les autres contre les denrées alimentaires à bas prix. Il est fondamental de protéger les producteurs locaux, mais les consommateurs pauvres qui achètent des denrées alimentaires à prix sacrifiés n'ont de toutes les façons pas les moyens de choisir autre chose.

Le deuxième impératif est de trouver le bon timing et le bon curseur pour l'intervention de l'administration dans la fixation des prix outre-mer. L'automaticité et l'ampleur de l'intervention du préfet me paraissent un peu excessives dans le projet de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale. Néanmoins, les prix à la consommation étant un sujet explosif, l'État doit utiliser au bon moment des moyens d'action efficaces et bien ciblés, sans tomber dans l'interventionnisme systématique.

Nous vous proposons enfin de faire preuve d'audace en soutenant l'idée d'une expérimentation d'un Small business act ultramarin et en fortifiant son dispositif. L'article 19 réserve 30 % des marchés publics aux PME locales - entendons les PME déjà installées sur le territoire - avec un plafonnement par secteur. Certes, le juge constitutionnel est attentif au respect du principe de libre accès à la commande publique. Mais, d'abord, il s'agit d'une expérimentation limitée à cinq ans. Ensuite, les outre-mer bénéficient en droit européen et en droit français de larges possibilités d'adaptation, consacrées par l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Enfin, la philosophie du Small business act américain consiste à faciliter l'émergence de nouveaux candidats susceptibles de fortifier la libre concurrence : il serait dommage que le législateur s'autocensure en se pliant par avance à une conception trop statique du principe de libre accès à la commande publique.

Le dispositif serait fortifié en prévoyant - une mesure inspirée du Small business act américain - que les appels d'offres d'une valeur de plus de 500 000 euros remportés par une grande entreprise doivent comporter un plan de sous-traitance garantissant la participation des PME locales. Ce, afin de favoriser les réseaux de micro-entreprises ultramarins. C'est la réactivité exceptionnelle de tels réseaux qui a fait de l'Italie du Nord la deuxième région industrielle de l'Europe.

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