Permettez-moi à cet instant de mon propos d’avoir une pensée pour François Chérèque, inlassable défenseur d’une certaine culture de la négociation et qui a démontré, s’il le fallait, qu’on pouvait être un homme de dialogue et de compromis, et un grand syndicaliste.
Au cœur de nos discussions, depuis des semaines, il y a la place que nous souhaitons accorder à la négociation d’entreprise. Ce débat, nous le savons, dépasse d’ailleurs le cadre du Parlement et traverse aussi le champ syndical.
En réalité, cette loi s’inscrit dans un mouvement long, dans la continuité des lois votées depuis 1982, 1998 et 2012, qui donnent la priorité à la proximité, à la démocratie dans l’entreprise, aux salariés et à leurs représentants !
La loi doit protéger, évidemment, mais la loi venue d’en haut ne sait pas, ne sait plus, traiter de chaque situation particulière de façon juste et efficace. Pour changer la société, il faut agir par le haut et par le bas. C’est évidemment le logiciel de la gauche réformiste et, d’ailleurs, de nombreux républicains, au-delà de la seule gauche.
Nous avons décentralisé la République, avec succès ; à nous de décentraliser aussi la démocratie sociale !
La loi renforce d’abord les branches, en réaffirmant leur rôle de régulation et en procédant à leur rationalisation. Le nombre de celles-ci passera ainsi de 700 à 200 en trois ans. Les deux décrets sur la restructuration des branches ont d’ores et déjà été pris, signe de notre volonté d’avancer sur ce chantier décisif pour la qualité et la modernisation du dialogue social dans notre pays.
Aujourd’hui, dans certains domaines, les accords de branche priment et, dans d’autres, ce sont, au contraire, les accords d’entreprise qui l’emportent ; il en existe d’autres dans lesquels aucun principe n’est fixé : pour ceux-là, les partenaires sociaux devront se prononcer et définir les thèmes pour lesquels il ne sera pas possible de déroger aux accords de branche.
Nous avons aussi conforté les branches dans deux domaines : l’égalité professionnelle et la pénibilité.
Enfin, je le rappelle, car c’est un élément décisif, la validité d’un accord d’entreprise est toujours conditionnée au soutien de syndicats représentant au moins 50 % des voix exprimées lors des élections professionnelles, contre 30 % auparavant.
Je souligne, pour terminer, que nous avons garanti dans la loi l’étroite association des partenaires sociaux pour la suite, puisqu’il reviendra au Haut Conseil du dialogue social de formuler des propositions à la commission de refondation du code du travail.
Répétons-le avec force, il est totalement contre-productif d’opposer les différents niveaux de négociation : les accords d’entreprise, les conventions collectives et le code du travail sont les piliers d’une démocratie sociale moderne, dynamique et génératrice de progrès.
La loi Travail entre aujourd’hui dans le quotidien des entreprises, de nos concitoyens. C’est là, au contact de la réalité du quotidien des salariés, qu’elle va véritablement entrer dans la vie des Français. Ces derniers pourront apprécier, mesure par mesure, ce que ce texte recouvre de progrès. Notre ambition, nous l’assumons, aura été de faire progresser notre pays vers une culture du compromis telle que la pratiquent depuis des décennies certaines social-démocraties européennes.
Pourquoi notre pays ne pourrait-il pas s’inspirer parfois de certains succès de ses voisins en matière de dialogue social ? La France, c’est vrai, est marquée par une histoire sociale et syndicale faite de radicalités, et n’est pas toujours encline à mener un dialogue apaisé et respectueux des parties.