Sur la question du détachement, il n’y a pas de débat entre nous : nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut modifier la directive.
Je veux aussi parler, bien sûr, du droit à la déconnexion qui fait partie de la négociation annuelle obligatoire. L’absence de sanction en cas d’échec de la négociation fait dire à certains éminents juristes que ce n’est pas un droit. Il s’agit néanmoins d’un principe de droit qui fixe, pour la première fois, une frontière entre la vie personnelle et familiale et la vie au travail.
Une autre proposition avait été formulée dans le rapport Mettling, le devoir de déconnexion du salarié. C’est le choix du droit à la déconnexion qui a été fait. Nous verrons ce qu’il en adviendra, mais je relève que l’Association nationale des directeurs des ressources humaines – je m’attache toujours à la réalité – a déjà mis en place une charte de référence pour les entreprises.
Dans le droit fil du droit à la déconnexion, j’évoquerai l’article 57, qui prévoit des négociations interprofessionnelles sur le télétravail. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer qu’elles seront bientôt engagées ?
Une disposition est passée complètement inaperçue : celle de l’article 23 sur l’accord de groupe. La loi donne à ce dernier plus d’importance en permettant qu’une négociation à ce niveau qui aboutit à un accord majoritaire dispense de la négociation d’entreprise. C’est essentiel pour les droits des salariés, car au niveau des groupes, les organisations représentatives disposent des meilleurs experts et conseils, et de la meilleure formation possible. Si l’accord de groupe permet de se dispenser d’un accord d’entreprise et s’applique directement, cela constituera un progrès pour l’ensemble des salariés.
Les orateurs qui m’ont précédée ont évoqué la garantie jeunes visée à l’article 46 et qui devient universelle. Elle est assortie d’un parcours d’accompagnement vers l’emploi, ce qui est encore plus important que le revenu dont peuvent bénéficier les jeunes. En effet, un jeune sans ressource, sorti de tous les systèmes, a besoin de cet accompagnement pour sa santé, son logement, ses déplacements. Sinon, il ne peut exercer réellement son droit à la garantie jeunes. C’est un symbole fort.
Madame la ministre, je veux aussi vous dire que le groupe socialiste et républicain n’est pas satisfait de tout, et n’a notamment pas été convaincu – vous le savez – par la réforme de la médecine du travail. Nous avons noté la logique de prévention. Avec vos collègues Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine, vous avez confié à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, une mission sur l’attractivité du métier de médecin du travail. Cela ne me semble toutefois pas être le problème essentiel.
Un individu ne se découpe pas en tranches de vie, vie personnelle et vie au travail. Si une personne qui rencontre des problèmes familiaux importants se suicide sur son lieu de travail, c’est un signal. De la même manière, si un salarié subit un harcèlement sur son lieu de travail ou s’il est confiné à une activité insatisfaisante, il peut en arriver à se suicider chez lui. Une personne est un tout, et elle n’est pas différente au travail et dans sa vie privée. Nous avons regretté que ce type de texte ne soit pas également défendu par le ministre chargé de la santé. Néanmoins, je note que vous vous étiez engagée à lancer cette mission, ce qui était un point positif ; vous avez tenu parole.
J’achèverai mon propos en évoquant le contexte de la mise en œuvre de la loi. Voilà à peine une semaine, à quelques pas d’ici, à l’église Saint-Sulpice, lors de la cérémonie d’adieu et d’hommages à François Chérèque, 2 500 personnes ont acclamé le leader syndical qu’il fut. Sa méthode, qui reposait sur la négociation, le compromis et les résultats, doit nous inspirer. C’est la même qui est prônée par son successeur Laurent Berger, que je veux saluer. Il aura été un défenseur de la loi. Sa parole n’en a eu que plus de poids lorsqu’il s’est ému d’une disposition qui n’avait pas fait l’objet d’un accord. Sa voix a été entendue par le Gouvernement. Après le vote de la loi, il a donné à l’automne 2016 une longue interview à un magazine : « L’idée que c’est au plus près des salariés, donc dans l’entreprise, que l’on répond le mieux à leurs préoccupations et aspirations. […] Cette idée, c’est déjà celle de la création de la section syndicale en 1968 ; des lois Auroux en 1982 ; de la représentativité [reposant] sur le vote des salariés en 2008 ; de la modernisation du dialogue social en 2015 ; et maintenant du renvoi à la négociation d’entreprise sur les questions d’organisation du travail. »
Il faut s’inspirer de cette méthode. Je ne saurais mieux dire au regard des progrès qu’il nous reste à accomplir pour rehausser la démocratie sociale. Encore faut-il qu’ils soient recherchés par les parties prenantes à la négociation.