Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 11 janvier 2017 à 14h30
Abrogation de la « loi travail » — Rejet d'une proposition de loi

Myriam El Khomri, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous apporter quelques réponses, en complément du débat que nous avons eu dans cette enceinte même pendant quinze jours.

Nicole Bricq a indiqué que c’est « le réel qui compte ». Je suis bien évidemment attentive à la manière dont les acteurs du dialogue social s’approprieront les nouvelles règles en matière d’accords d’entreprise. Je constate que même des organisations syndicales qui étaient opposées à la loi Travail – je pense par exemple à Force ouvrière ou à la CFE-CGC – ont signé – par exemple, le 26 septembre dernier, dans la métallurgie – des accords permettant de moduler le temps de travail sur trois ans, en échange de contreparties.

Je considère que nous n’avons pas à juger si ces accords sont bons ou mauvais. Pour ma part, je ne connais que des accords signés ou non. Ce n’est pas à la démocratie politique de remplacer la démocratie sociale : les acteurs de terrain sont les plus à même de voir si ces accords correspondent à la réalité du quotidien de l’entreprise et si les contreparties sont suffisantes – je le dis d'autant plus volontiers qu’il s’agit d’accords majoritaires. J’y insiste, je n’ai pas à juger si l’accord concernant Renault est bon ou mauvais : des organisations syndicales représentant plus de 50 % des salariés ont estimé que l’accord prévoyait des contreparties suffisantes. C’est tout l’intérêt du dialogue social.

Par ailleurs, madame Morhet-Richaud, je considère, pour ce qui concerne l’ordre public social, que nous devons conserver la durée légale du travail. Je l’ai souvent dit dans cette enceinte ! Le débat que nous avons eu dans cet hémicycle portait sur la possibilité de se mettre d’accord sur des adaptations. En l’absence d’accord, c’est le droit actuel qui s’applique. Je n’estime donc pas que le temps de travail doive faire l’objet d’une discussion entreprise par entreprise : en la matière, la loi doit protéger.

Comme je l’indiquais précédemment, il ne faut pas opposer les différents niveaux de négociation.

S’agissant, par exemple, du travail saisonnier, vous ne pouvez pas, madame David, d’un côté, déclarer que nous ne nous sommes pas suffisamment engagés dans la concertation, alors même que nous avons pris nos responsabilités en la matière, en évoquant la possibilité d’une ordonnance au cas où les négociations n’aboutiraient pas au niveau des branches, et, de l’autre, nous reprocher aujourd'hui de permettre aux acteurs de se mettre d’accord ! En la matière, le secteur des remontées mécaniques est, de fait, un cas spécifique.

Pour ce qui concerne la pénibilité, qui relève des branches professionnelles, j’ai moi-même dénoncé la loi portant réforme des retraites de 2003, qui, à la suite d’un amendement de Xavier Bertrand, prévoyait des négociations sur cette question au niveau de chaque branche. Treize ans plus tard, il n'y a toujours pas de référentiel de branche dans certains secteurs, parfois importants : je pense notamment à celui du bâtiment et des travaux publics.

Cependant, les chefs d’entreprise sont obligés, aujourd'hui, d’appliquer le compte personnel de prévention de la pénibilité, même s’ils ont la possibilité de revenir sur leur déclaration jusqu’au mois de septembre.

Les chefs des plus petites entreprises attendent d’être soutenus par la branche. Les organisations patronales auxquelles ils adhèrent devraient les aider à mettre en place des référentiels de branche. Notre objectif, sur ce plan, était de simplifier. La branche doit notamment soutenir les plus petites entreprises et leur faciliter l’élaboration du compte personnel de prévention de la pénibilité. Bien évidemment, les grands groupes, qui disposent d’experts, pourront définir leur propre référentiel, mais les petites entreprises, elles, seront en difficulté, en raison de l’incapacité des branches. Telle est la réalité !

Madame David, vous avez évoqué la politique que nous avons mise en œuvre en direction de la jeunesse. Je m’étonne que vous repreniez, sur la question des emplois aidés, les arguments de la Cour des comptes, auxquels le ministère du travail, le collectif Alerte, la Fédération des acteurs de la solidarité – la FNARS – ont répondu. Je rappelle que la garantie jeunes, qui concerne 96 % de jeunes en situation de grande précarité qui ne suivent pas d’études, ne sont pas en formation ou ne bénéficient pas d’un emploi, permet à ceux-ci de toucher une allocation de 461 euros et, ainsi, de s’habiller et de payer leurs frais de transport pour se rendre à un entretien d’embauche. §Elle permet de leur donner une nouvelle chance !

Pour ma part, je suis fière que 100 000 jeunes en aient bénéficié en 2016. Je suis fière que la loi Travail propose ce droit universel, qui est, d'ailleurs, salué dans de nombreux rapports. Le comité scientifique d’évaluation de la garantie jeunes a montré que ce dispositif augmentait de 10 points la chance, pour les jeunes concernés, de trouver un emploi.

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