Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 11 janvier 2017 à 14h30
Enseignement supérieur — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin, rapporteur de la commission  :

adame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir soulève des questions fondamentales pour notre société : d’une part, quels sont les besoins de financement, à l’horizon 2025, de l’enseignement supérieur européen, dans un contexte de massification des effectifs et de concurrence internationale accrue, d’autre part, comment doivent se répartir financement public et financement privé ?

Je me réjouis que, grâce à cette initiative de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et de nos collègues communistes, nous ayons l’occasion, une nouvelle fois, de débattre de ces enjeux au sein de notre hémicycle.

En dépit d’une communauté de préoccupations, notre commission de la culture, comme la commission des affaires européennes avant elle, a choisi de ne pas adopter ce texte. Je tiens à m’en expliquer devant vous, ce rejet n’étant évidemment pas la marque d’une quelconque indifférence à l’égard des enjeux de l’enseignement supérieur, bien au contraire !

Reprenant très directement l’une des propositions du comité pour la STRANES en matière de financement de l’enseignement supérieur, la présente proposition a pour objet, en premier lieu, de reconnaître l’enseignement supérieur comme « un investissement nécessaire à l’avenir » ; en deuxième lieu, d’amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 ; en troisième lieu, d’exclure les dépenses d’enseignement supérieur et de recherche du calcul des déficits publics.

S’agissant du premier point – reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir –, je pense que nous sommes, sur toutes les travées de cet hémicycle, unanimement d’accord ; nous avons conscience du rôle et des fonctions de l’enseignement supérieur. C’est là, bien évidemment, un objectif de l’Union européenne et de ses États membres, à commencer par la France. La reconnaissance par l’Union et par les États membres de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à leur avenir n’est donc pas, me semble-t-il, un sujet nécessitant l’adoption d’une résolution européenne.

S’agissant du deuxième point – amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 –, nous sommes également tous d’accord pour reconnaître que les besoins de financement de l’enseignement supérieur, en France comme en Europe, sont majeurs, puisqu’il s’agit de faire face à la fois à la massification des effectifs et aux besoins d’amélioration et de modernisation continue des prestations offertes par les établissements, dans un contexte de vive concurrence internationale.

Mais l’objectif des 2 % du PIB est encore loin : la France est en dessous de 1, 5 %, et l’Union européenne dans son ensemble n’atteint pas les 1, 3 % ; nous sommes loin, très loin, derrière les États-Unis et le Canada, qui dépassent les 2, 5 %. Il s’agit donc d’un objectif certes souhaitable, mais très ambitieux.

Les auteurs de la proposition de résolution estiment par ailleurs que « les dépenses d’enseignement supérieur doivent être essentiellement couvertes par un financement public ».

Pour ma part, s’agissant de la France, je considère que l’État ne peut supporter à lui seul la charge de l’investissement dans l’enseignement supérieur : les étudiants et leurs familles, ainsi que les entreprises, doivent aussi participer à cet investissement dont ils seront bénéficiaires.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si je partage l’ambition des auteurs de la proposition de résolution s’agissant des besoins de financement de l’enseignement supérieur, je considère que la répartition qu’ils préconisent entre financements public et privé est malheureusement irréaliste.

Le troisième point, à savoir l’exclusion des dépenses d’enseignement supérieur et de recherche du calcul des déficits publics, est plus financier et technique.

Depuis son entrée en vigueur en 1997, le pacte de stabilité et de croissance fixe respectivement à 3 % et à 60 % du PIB les valeurs de référence pour le déficit budgétaire annuel et l’endettement public. Le pacte laisse cependant à la Commission et au Conseil une marge d’appréciation pour évaluer la viabilité des finances publiques à la lumière des circonstances spécifiques à chaque pays.

C’est ainsi que la Commission a pu réserver un traitement particulier, en 2015, aux dépenses liées à l’accueil des réfugiés, aux dépenses de sécurité de la France ou encore aux dépenses liées aux tremblements de terre en Italie.

Ces dérogations à l’application des règles du pacte sont cependant très loin de faire l’unanimité, parmi les États membres comme parmi les experts internationaux, et le Conseil les a fortement encadrées depuis fin 2015.

La commission des affaires européennes du Sénat a, pour sa part, adopté récemment une proposition de résolution européenne pour déplorer la multiplication, depuis 2015, de ces clauses de flexibilité qui renforcent, selon elle, l’opacité autour du pacte.

À la suite de la commission des affaires européennes, la commission de la culture n’a pas estimé souhaitable de demander la création d’une nouvelle dérogation à l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance.

C’est pourquoi la commission de la culture vous propose de ne pas adopter la proposition de résolution européenne qui nous est soumise, même si nos préoccupations sont en partie convergentes avec celles de ses auteurs.

Le Gouvernement a déposé hier soir un amendement – je le rappelle pour mémoire, même s’il s’agit d’un fait récent

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