Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 11 janvier 2017 à 14h30
Enseignement supérieur — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la conférence mondiale sur l’enseignement supérieur au XXIe siècle, organisée en 1998 à Paris, l’UNESCO défendait ce qui devrait être l’un des cadres prioritaires de toute action en la matière : « Le soutien public à l’enseignement supérieur et à la recherche reste essentiel pour que les missions éducatives et sociales soient assurées de manière équilibrée. »

Près de vingt ans plus tard, ce soutien public ne s’est pas démenti, mais, alors que la dépense publique moyenne en matière d’enseignement supérieur, au sein de l’Union européenne, demeure inférieure à 1, 3 % du PIB, la stagnation, voire, pour certains États membres, la diminution des crédits, tend à l’emporter dans le choix des politiques publiques.

Depuis 1975, le nombre d’étudiants inscrit dans l’enseignement supérieur a pourtant plus que doublé dans les principaux pays de l’OCDE, notamment en France.

Mieux, selon l’UNESCO, à l’échelle mondiale, le nombre d’étudiants devrait s’élever à 262 millions en 2025, contre seulement 97 millions en l’an 2000. Face au défi que représentent l’intégration et la formation de ces étudiants, notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin et l’ensemble des membres du groupe CRC nous invitent à une réflexion salutaire sur l’avenir de l’enseignement supérieur au sein de l’Union européenne et sur les moyens d’en assurer un financement et une démocratisation durables. C’est ce qui ressort de l’examen de cette proposition de résolution européenne visant à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement d’avenir.

Garantir un financement pérenne de l’enseignement supérieur, c’est assurer la recherche, l’innovation et l’intelligence de demain ; chacun s’accorde là-dessus. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’éducation fait partie des cinq objectifs de la stratégie Europe 2020, adoptée le 17 juin 2010 par le Conseil européen, « en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ». Dont acte à mi-parcours. Il est probable que l’objectif de 40 % soit atteint en 2020 malgré des disparités de genre et des écarts au sein des pays membres. Mais comment maintenir cet objectif sur le long terme quand l’afflux d’étudiants ne cesse de croître ?

Nos collègues du groupe CRC proposent deux mesures de nature largement incitatives qui devraient susciter un débat plus large que la stricte discussion autour du pacte de stabilité et de croissance.

La première vise à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir et, ce faisant, à lui octroyer un objectif de 2 % du PIB des États membres à l’horizon 2025. Certes, l’action de l’Union européenne en matière d’éducation ne relève que d’une compétence d’appui, ainsi que l’ont rappelé nos rapporteurs, mais le processus de Bologne, initié en 1998, a montré que l’Union pouvait tout de même œuvrer à l’harmonisation et au rapprochement des systèmes d’enseignement supérieur, par exemple à travers la réforme licence-master-doctorat, ou LMD. Par ailleurs – faut-il le rappeler ? –, à l’heure où l’Union européenne essuie des critiques de toutes parts, le programme Erasmus concentre, lui, les louanges et demeure le seul à incarner cette notion de citoyenneté européenne, qui fait tant défaut à l’Europe. Voilà quelques jours, Le Monde y consacrait un dossier, rappelant que près de 4 millions d’étudiants européens sont partis à l’étranger, en université ou en stage depuis 1987, conférant à ce programme une réputation largement enviable au sein de l’Union européenne.

En outre, cet objectif de 2 % du PIB n’est pas une illusion, puisqu’il fait partie des préconisations issues de la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce document est également pour le maintien d’un financement essentiellement public de l’enseignement, afin de garantir une offre plurielle et un accès pour tous. Nous qui sommes si prompts à ériger les pays scandinaves et nordiques en modèle, ayons bien à l’esprit que trois d’entre eux, la Norvège, la Finlande et le Danemark, ont un financement presque entièrement public de l’enseignement supérieur, de l’ordre de 95 % ou plus, quand la France oscille autour de 82 %.

La seconde mesure consisterait à extraire les dépenses d’enseignement et de recherche du calcul des déficits publics. C’est le cas – mais de manière circonstancielle, à la faveur de dérogations octroyées par la Commission européenne – des dépenses de sécurité de la France pour 2015 et 2016 ou des dépenses liées aux tremblements de terre en Italie. J’entends bien les questionnements que suscite la multiplication des dérogations au pacte de stabilité et de croissance, dont notre commission des affaires européennes s’est d’ailleurs saisie voilà peu. L’amendement du Gouvernement s’en fait également l’écho.

Mais peut-on tout de même – et c’est peut-être l’un des mérites de cette résolution – s’interroger sur ce qui n’est plus, aujourd’hui, un totem ? N’oublions pas que, du Fonds monétaire international à l’OCDE, en passant par l’Observatoire français des conjonctures économiques ou du G20, de plus en plus nombreux sont ceux qui plaident pour une adaptation du pacte de stabilité et de croissance à l’aune de politiques de relance des investissements publics afin de favoriser la croissance.

En ce sens, le soutien public à l’enseignement supérieur, préparant de surcroît l’avenir des pays européens, ne pourrait-il pas gagner à faire partie d’une nouvelle génération de réformes structurelles soutenant l’investissement ?

Vous l’aurez compris, parce que cette proposition de résolution nous exhorte à soutenir un domaine crucial, elle aura le soutien de la grande majorité des membres du RDSE.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion