Intervention de Michel Vaspart

Réunion du 11 janvier 2017 à 14h30
Littoral et changement climatique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart, rapporteur :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’océan couvre plus de 70 % de la surface du globe. Il est particulièrement affecté par le changement climatique, qui entraîne un réchauffement de la température de l’eau, une acidification de sa composition et une dilatation de son volume.

Ce dernier effet entraîne une élévation du niveau des mers d’autant plus rapide qu’elle se combine avec la fonte des glaciers de montagne et, dans les zones polaires, des calottes glaciaires. Les experts redoutent une élévation du niveau moyen des mers de 25 à 82 centimètres d’ici à 2100, ce qui aura d’importantes conséquences pour la frange littorale, où sera concentrée 80 % de la population mondiale en 2050.

La France métropolitaine et d’outre-mer ne sera pas épargnée, même si notre pays n’est pas dans la situation de subsidence que connaissent les Pays-Bas, pour lesquels un relèvement même mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d’une part conséquente de leur territoire national.

Cette élévation exposera davantage nos territoires aux risques de submersions marines et d’érosion côtière, risques dont nous devons dès aujourd’hui anticiper les conséquences.

Ainsi la politique de gestion du trait de côte a-t-elle progressivement évolué au cours des dernières années. Historiquement, on a tenté de maîtriser la nature par la construction d’ouvrages de défense contre la mer, de digues ou de brise-lames. Or ces ouvrages, qui recouvrent 20 % du linéaire côtier, se sont révélés coûteux et souvent peu efficaces, voire contre-productifs, car ils ont aggravé l’érosion à long terme ou l’ont déplacée.

Depuis les années quatre-vingt-dix, on est passé à une approche plus environnementale. On tente désormais de gérer les causes de l’érosion plutôt que ses effets en privilégiant l’anticipation, à travers, par exemple, le rechargement ou le drainage de plages et l’accompagnement de la mobilité des dunes.

En 2009, l’une des recommandations du Grenelle de la mer a été de doter la France d’une stratégie nationale et d’une méthodologie de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer. À l’issue des travaux d’Alain Cousin, député de la Manche, cette stratégie nationale a été adoptée le 2 mars 2012, puis mise en œuvre dans le cadre d’un premier plan d’action pour les années 2012-2015. Cette stratégie est notamment à l’origine de l’appel à projets pour la relocalisation des activités et des biens lancé en 2012 dans cinq territoires fortement menacés par ces risques.

Depuis le 22 janvier 2015, cette stratégie fait l’objet d’un suivi par un comité national présidé par deux de nos collègues de l’Assemblée nationale, Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane, également coauteurs de la présente proposition de loi, que Pascale Got a rapportée à l’Assemblée nationale.

Le premier axe de travail du comité du suivi a porté sur l’amélioration de la connaissance de l’évolution du phénomène d’érosion et des dynamiques hydrosédimentaires. Ce volet a été en partie traduit dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et a fait l’objet d’actions prioritaires. Ces dernières ont abouti à l’élaboration de la première cartographie nationale de l’évolution du trait de côte – une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée – et à la mise en place progressive d’un réseau national des observatoires du trait de côte.

Le second axe de travail porte sur l’élaboration de stratégies territoriales et se concrétise dans la proposition de loi que nous examinons, laquelle prévoit la mise en place d’un cadre juridique et d’outils d’aménagement du territoire prenant en compte la temporalité propre au phénomène du recul du trait de côte.

Au-delà de la nécessaire intégration de ces stratégies nationales et territoriales dans la hiérarchie des normes d’urbanisme, ce texte prévoit deux mécanismes pour concilier risques littoraux et maintien des logements et des activités dans les territoires menacés.

Le premier mécanisme est un zonage intermédiaire entre les zones rouges et les zones bleues des plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRNP : dans les nouvelles zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART, des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés, pour une durée déterminée en fonction du risque. Les modalités de préemption et de délaissement des biens dans ces zones sont adaptées afin de faciliter leur acquisition par la puissance publique et d’éviter les friches.

Le second mécanisme est un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral, dit « BRILI », lequel sera conclu dans les zones d’activité résiliente et temporaire. Ce bail permettra aux collectivités de céder la propriété temporaire d’un bien menacé à un preneur en lui concédant des droits réels.

La spécificité de ce contrat, conclu pour une durée comprise entre 5 et 99 ans, réside dans la mention du risque de recul du trait de côte et des obligations de démolition du bien en cas de réalisation de ce risque avant le terme du bail.

Ces dispositifs sont complexes, mais ils sont attendus. Ils apportent des premières réponses aux collectivités volontaires, aujourd’hui désarmées face au risque de recul du trait de côte.

Pour cette raison, notre commission a adopté une série d’amendements techniques visant à rendre plus opérationnels les mécanismes des ZART et des BRILI.

La commission s’est en revanche interrogée sur le volet financier, madame la ministre, en particulier sur la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte proposé par le Gouvernement. Le problème n’est pas tant la logique consistant à vouloir réserver le Fonds Barnier à des situations d’urgence causées par des risques naturels majeurs plutôt qu’au financement de mesures d’aménagement du littoral. Il tient davantage à l’absence de précisions sur les modalités de constitution de ce nouveau fonds, à quelques mois des prochaines échéances électorales.

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