Dans l’attente de détails concrets sur ce nouveau fonds, sur le niveau et l’assiette de son financement, sa gestion quotidienne, son entrée en vigueur et les critères d’éligibilité, la commission a privilégié le recours au Fonds Barnier, qui présente l’avantage d’exister et dont la situation financière conduit à penser qu’il pourrait prendre en charge les dépenses induites par la gestion du risque lié au recul du trait de côte.
Madame la ministre, je m’étonne du double discours du Gouvernement. D’un côté, il souhaite limiter le recours au Fonds Barnier, s’agissant pourtant de la gestion d’un risque naturel, de l’autre, il prélève 125 millions d’euros sur les ressources de ce fonds en loi de finances afin de tenir ses objectifs en matière de déficit public !
De plus, notre commission regrette que le calendrier d’examen du texte conduise le législateur à se prononcer sur le financement d’un dispositif alors qu’il n’en mesure pas réellement l’ampleur. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, a déterminé un premier ordre de grandeur pour le bâti susceptible d’être affecté à différents horizons temporels – 2026, 2040 et 2100. Il estime que 800 bâtiments pourraient être impactés en 2040 et 4 000 à l’horizon 2100, soit 10 000 logements et 1 000 locaux d’activité. Des études plus fines étant en cours au CEREMA, il aurait été judicieux d’attendre leurs résultats.
Par ailleurs, je regrette que le calendrier d’examen de cette proposition de loi ne nous laisse pas le temps d’expertiser la situation outre-mer. En Guadeloupe et en Martinique, on dénombre toujours plusieurs milliers d’occupations sans titre de la zone des cinquante pas géométriques par des populations durablement installées, parfois depuis plus d’un siècle. Or, cette zone étant par définition la plus menacée par l’élévation du niveau de la mer, le BRILI pourrait être judicieusement utilisé pour accompagner la régularisation foncière. Qu’envisagez-vous à ce sujet, madame la ministre ?
Enfin, notre commission a estimé que cette proposition de loi ne saurait être complète sans évoquer la question de la loi Littoral. Vieille de plus de trente ans, celle-ci a été rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n’étaient pas pris en compte. Elle constitue aujourd’hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte. On se retrouve dans la situation paradoxale où des collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l’érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en œuvre, alors qu’elles ont répondu aux appels à projets du Gouvernement sur la relocalisation ! C’est notamment le cas à Lacanau.
Nous avons par conséquent introduit une série de dérogations à la règle d’urbanisation en continuité afin de permettre le recul stratégique des activités en autorisant notamment l’urbanisation des dents creuses dans les hameaux, la création de ZART en discontinuité ou le recul des installations agricoles, forestières et des cultures marines.
Nous avons également procédé à un alignement sur la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne, afin de permettre la construction d’annexes de taille limitée.
Toutes ces dérogations sont encadrées par de nombreux garde-fous. Elles ne sont pas applicables dans les espaces proches du rivage, c’est-à-dire en covisibilité avec la mer. Il s’agit non pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de l’adapter aux nouveaux enjeux des espaces littoraux et de prendre en compte les graves risques juridiques encourus par les maires et les collectivités du littoral.
Je tiens à remercier Philippe Bas, président de la commission des lois et rapporteur pour avis de ce texte, d’avoir accepté la rédaction par les deux commissions d’un amendement identique sur l’urbanisation des dents creuses.
Au total, notre commission a adopté trente et un amendements, dont quinze sont présentés par la commission des lois, signe d’une collaboration de qualité, et ce dans des délais extrêmement contraints.