Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 11 janvier 2017 à 14h30
Littoral et changement climatique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à dire que nous regrettons l’absence d’avis du Conseil d’État et d’étude d’impact sur un texte de cette importance. Je suis d’accord avec le président de la commission des lois, M. Bas : nous ne sommes pas là pour faire du dogmatisme. Cela étant dit, il est nécessaire d’être guidé par des principes généraux. Même si nous comprenons bien sûr l’urgence d’agir, cet avis et cette étude manquent à notre réflexion.

Sur le fond, l’objectif de cette proposition de loi est légitime et juste. Il s’agit d’offrir à l’État et aux élus locaux de nouveaux instruments pour faire face au recul du trait de côte lié à l’avancée de la mer. Les anticipations réalisées par le CEREMA démontrent l’ampleur du phénomène. Le législateur doit donc se saisir de ces questions. C’est urgent.

La stratégie nationale mise en place nous semble cohérente – il s’agit d’observer et d’anticiper – et il est souhaitable de lui trouver des traductions législatives. D’ailleurs, comme cela est souligné dans cette proposition de loi, les plans locaux d’urbanisme et les plans de prévention des risques naturels sont des outils très importants d’anticipation et de connaissance. Ils doivent donc être confortés.

Cette proposition de loi a largement été remaniée par la commission au Sénat, souvent pour la rendre plus opérationnelle. Même si je n’ai pas toujours été d’accord avec ce qui s’est dit en commission lors des votes des amendements, force est de constater que ce texte contient globalement des améliorations.

L’objectif est non pas d’empêcher la construction ou le maintien de constructions dans les zones touchées par les phénomènes d’érosion et de montée des eaux, mais bien de créer les conditions de l’aménagement de ces zones de manière sécurisée d’un point de vue juridique, à la fois pour les habitants et pour les élus. Or, nous le savons tous, l’aménagement de ces territoires n’est que très provisoire. Les questions essentielles restent donc la relocalisation des activités et les conditions de départ des habitants.

Nous approuvons les dispositifs favorisant une meilleure information des habitants. À cet égard, nous regrettons la suppression par la commission de l’article 8 bis, qui concerne l’information donnée par les professionnels de l’immobilier. J’ai entendu les arguments du rapporteur sur ce point, mais, honnêtement, il aurait été préférable de le conserver.

Nous approuvons la modification effectuée par le Sénat : les nouvelles zones créées doivent l’être à la demande des collectivités concernées. Pourtant, il est important que le préfet conserve un rôle déterminant dans la procédure. C’est une question de cohérence nationale et de sécurité.

Au fond, l’équation restera cependant la même : le dispositif préconisé ne fonctionnera que si les collectivités s’engagent et préemptent les terrains concernés. Cela suppose des moyens. Or, loi de finances après loi de finances, les moyens des collectivités sont amputés. Cet outil est nécessaire, mais les collectivités auront sans doute les plus grandes difficultés à s’en saisir. Concrètement, les communes et les intercommunalités, aujourd’hui en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite la compétence GEMAPI, auront-elles la capacité de préempter des biens menacés et de les remettre à la disposition des particuliers via un bail réel immobilier littoral ?

Nous avons également des doutes sur les nouvelles responsabilités confiées au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, lequel aurait la charge du financement de l’ensemble de ces mesures.

À ce sujet, le rapporteur s’étonnait, avec raison, de la position du Gouvernement, qui, d’un côté, souhaite limiter le recours au Fonds Barnier, s’agissant pourtant de la gestion d’un risque naturel, et, de l’autre, prélève sur les ressources de ce fonds afin d’atteindre ses objectifs en matière de déficit public.

Plus globalement, nous notons que le budget consacré aux risques hydrauliques et naturels a été réduit entre 2012 et 2015. Le désengagement de l’État est réel. J’espère que, d’année en année, nous continuerons de dire qu’il ne faut pas puiser dans les fonds spécifiques dédiés, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? Il y a donc un hiatus important entre les déclarations d’intention, les compétences données au Fonds Barnier et l’implication réelle du Gouvernement pour lutter contre les risques naturels.

Nous avions pour notre part proposé, sur la question du trait de côte, la création d’un établissement foncier permettant notamment l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations pour gérer la problématique liée à la maîtrise foncière. Or l’État a refusé de s’engager plus avant. Nous le regrettons.

Par ailleurs, nous déplorons qu’au détour de ce texte, la commission ait ouvert la boîte de Pandore de la remise en cause de la loi Littoral, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

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