Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présente tout d’abord mes meilleurs vœux.
Je me félicite que le Sénat puisse débattre d’un texte spécifique aux territoires littoraux et au changement climatique.
Je ferai tout d’abord un constat. Nous assistons à une situation antagoniste : d’une part, la population vivant ou souhaitant vivre sur la côte est en augmentation ; d’autre part, l’érosion côtière a les conséquences que l’on connaît en termes de sécurité des populations et des biens, de développement économique et de l’environnement. Les enjeux pour les territoires côtiers sont donc considérables.
Nos territoires littoraux, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, représentent 5 800 kilomètres de côtes métropolitaines, mais aussi, côté ultramarin, 4 500 kilomètres de côtes en Polynésie, 3 300 kilomètres en Nouvelle-Calédonie, 1 380 kilomètres dans les Antilles et en Guyane et 460 kilomètres à La Réunion.
Mon collègue Guillaume Arnell a d’ailleurs souligné en commission qu’il était urgent de prendre en compte la diversité des problématiques des territoires d’outre-mer, lesquels sont soumis, par exemple, aux phénomènes cycloniques.
Il est donc de notre responsabilité, en métropole comme en outre-mer, d’anticiper sans excès – sans ouvrir le parapluie – une stratégie de développement durable pour notre littoral.
Dans les Pyrénées-Orientales, où nous subissons depuis plusieurs années des aléas météorologiques plus nombreux et plus intenses, les acteurs locaux prennent petit à petit la mesure des enjeux.
Ainsi, je salue les élus et les acteurs du littoral qui se sont engagés dans la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls, gérée par le département, dans le Parc naturel marin du golfe du Lion, présidé par Michel Moly, et dans le Parlement de la mer, à l’échelon régional, lequel avait été mis en place par Christian Bourquin.
Les territoires littoraux sont à la fois dynamiques et vulnérables. Alors comment concilier un développement harmonieux de ces territoires attractifs avec l’inéluctable érosion côtière ?
La proposition de loi déposée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale vise à faire évoluer la loi Littoral de janvier 1986 sur le point précis du recul du trait de côte.
D’un point de vue réglementaire, tout d’abord, le texte introduit des avancées importantes : la reconnaissance juridique du recul du trait de côte, une meilleure anticipation et adaptation des territoires et des communes au repli stratégique, la reconnaissance des stratégies nationales, régionales et locales de gestion intégrée du trait de côte et leur nécessaire articulation avec les plans de prévention des risques naturels et les documents d’urbanisme.
Cette proposition de loi prévoit également la création de trois dispositifs.
Elle institue tout d’abord des zones d’activité résiliente et temporaire. En cas de risque de recul du trait de côte, une collectivité territoriale pourra proposer la création d’une ZART dans laquelle des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations pourront être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés durant une durée maximale.
La proposition de loi crée ensuite un bail réel immobilier littoral, le BRILI, pour les collectivités publiques et les particuliers. Ce bail permettra la jouissance temporaire des biens situés dans une ZART.
Enfin, le texte crée des zones de mobilité du trait de côte, des ZMTC, pour protéger les écosystèmes et réguler les ouvrages de défense contre la mer – pour ma part, je trouve l’expression « contre la mer » mal choisie… Dans ces zones, la procédure de création de zones de préemption propres est simplifiée au profit du Conservatoire du littoral.
D’un point de vue financier, le texte propose la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte alimenté par les collectivités territoriales, l’État et les assureurs ; la constitution d’une garantie financière par le preneur d’un bail pour permettre la démolition de nouvelles constructions ; une indemnisation des interdictions d’habitation dues au recul du trait de côte. Ces nouveaux outils sont les bienvenus. Ils permettront aux collectivités et aux particuliers de disposer de moyens plus efficaces pour anticiper le recul du trait de côte.
Permettez-moi toutefois, au nom du groupe du RDSE, de vous livrer quelques interrogations.
L’article 9A vise à supprimer les dents creuses. Prenons garde à l’urbanisation non contrôlée ! Il faut trouver le meilleur équilibre possible entre le déploiement d’activités, la sécurité des personnes et des biens et la protection de l’environnement. Quelques possibilités et perspectives intéressantes ont été évoquées à cet égard.
Le texte tel qu’il résultait des travaux de l'Assemblée nationale prévoyait la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte, lequel a été retiré du texte par le Sénat. Faut-il créer un fonds spécifique ou bien faut-il s’en remettre au Fonds Barnier ? Qui doit payer ? L’État, les collectivités ? Sous quelle forme ? Quelles sont les modalités d’éligibilité au fonds ? Ces réponses n’ont pour l’heure pas encore reçu de réponses précises.
Ne vaudrait-il pas mieux prendre le temps de réfléchir à l’élaboration d’un mécanisme pérenne, en s’appuyant sur des études d’impact qui nous permettraient de travailler plus sérieusement ?
Dans le même ordre d’idée, l’article 9B évoque expressément la notion de « submersion marine ». Sur quels critères juridiques va-t-on s’appuyer pour caractériser cette notion ?
Des zones d’ombre subsistent sur toutes ces questions. Il me semble important de les clarifier. Le RDSE a un a priori plutôt positif sur ce texte, mais il choisira de le voter ou non à la lumière des débats qui vont suivre.