Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’initiative qui a abouti au dépôt de la proposition de loi que nous allons examiner. Il s’agit, en effet, d’un texte essentiel qui mérite une attention toute particulière, puisque l’érosion côtière affecte 25 % de notre territoire métropolitain. Le territoire français compte près de 19 200 kilomètres de littoral, ce qui représente un réel atout naturel et économique, la longueur du trait de côte atteignant, quant à elle, environ 8 600 kilomètres.
Cette proposition de loi déposée par Pascale Got et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale vise à répondre, dans le cadre de la prévention du risque, « au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes ».
Alors que s’est conclue à Paris, il y a un peu plus d’un an, la plus grande conférence mondiale sur le climat jamais organisée, la réalité des conséquences du dérèglement climatique s’impose à nous. L’élévation inéluctable du niveau des eaux et l’augmentation des risques qui y sont liés, comme la submersion marine ou les inondations, en sont les manifestations visibles. Elles entraînent, en particulier, l’érosion côtière et, de fait, le recul du trait de côte.
Par ailleurs, le développement constant de l’activité humaine sur ces territoires fragilisés accentue les effets de ces phénomènes déjà prégnants. La pression exercée par la construction de logements est trois fois supérieure sur le littoral à la moyenne nationale. L’INSEE évalue ainsi que la population dans ces zones connaîtra une hausse de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040, ce qui doit nous interpeller.
Les conséquences de ces phénomènes sont nombreuses, particulièrement sur les plans humain et économique.
Ainsi, dans mon département, la Seine-Maritime, un pan de falaise représentant plusieurs milliers de mètres cubes s’est effondré, au Tréport, en 2000 et en 2001. Plus récemment, le 26 août dernier, 50 000 mètres cubes de roches se sont écroulés sur la plage de Saint-Martin-aux-Buneaux. À chaque fois, ces éboulements constituent une menace pour les personnes et les biens. Ils affectent également les activités touristiques.
C’est la raison pour laquelle on ne peut plus faire preuve de laxisme face au phénomène d’érosion côtière au prétexte que ses effets sont continus dans le temps et moins visibles immédiatement que ceux d’une inondation. Les risques afférents, qu’ils concernent les territoires, les biens ou les populations, sont réels et inquiétants, comme je viens de le souligner. Nous en avons, désormais, pleinement conscience. Il est donc de notre devoir d’anticiper les conséquences de cette évolution.
C’est pourquoi, comme le rappellent les auteurs de ce texte, « continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver les paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités implique aussi de vivre différemment et de s’adapter au phénomène de recul du trait de côte ».
L’intérêt de cet outil législatif est qu’il permet de pallier les actions et les décisions prises dans l’urgence, à la suite d’un aléa, et d’apporter une solution juridique aux élus confrontés à la problématique des relocalisations.
Certes, plusieurs textes ont déjà été mis en œuvre ces dernières années.
En effet, une « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » a été lancée en mars 2012, en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral, à la suite de la terrible tempête Xynthia.
Pour l’accompagner, un comité national de suivi, présidé par Chantal Berthelot et Pascale Got, a été mis en place le 22 janvier 2015. En octobre de cette même année, « quarante mesures pour l’adoption des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte » ont été élaborées.
Parallèlement, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a permis des avancées grâce à deux mesures phares, à savoir l’établissement annuel par l’État d’une cartographie fondée sur un indicateur national de l’érosion littorale et la reconnaissance juridique des stratégies régionales de gestion du trait de côte dans le cadre des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, ou des schémas d’aménagement régional, les SAR.
La présente proposition de loi s’articule autour de trois axes et comprend des mesures essentielles pour s’adapter à ce phénomène, ainsi que pour prévenir ses différentes conséquences.
Le premier axe est l’élaboration de politiques d’anticipation des conséquences du changement climatique sur le littoral, en inscrivant dans la loi la notion de stratégie de gestion intégrée du trait de côte et des risques liés à son recul.
Le deuxième axe est l’identification claire du risque lié à ce phénomène de recul du trait de côte par la détermination de critères d’évolution et de gestion intégrée de ce phénomène, conduisant en particulier à la création de zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART.
Je tiens à saluer l’initiative de la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale qui a abouti à l’introduction d’un article prévoyant la mise en place d’un régime transitoire d’indemnisation des interdictions d’habitations résultant d’un risque de recul du trait de côte. Cet article a notamment été inspiré par le cas de l’immeuble Le Signal à Soulac, en Gironde. Construit à 200 mètres du front de mer en 1967, il est interdit depuis janvier 2014, du fait de l’imminence du danger. Or, il ne fait pas, pour autant, l’objet d’un dispositif d’expropriation donnant lieu à une indemnisation à hauteur du prix du bien. Il est à noter que cette affaire fait toujours l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État.
Le troisième axe de ce texte est l’encouragement au développement durable des territoires littoraux par la création de nouveaux dispositifs, notamment un nouvel outil de gestion du trait de côte au sein des ZART, le bail réel immobilier littoral, le BRILI. Celui-ci a pour objet de maintenir l’activité humaine dans les zones concernées par le risque de recul du trait de côte. Son fonctionnement intègre la « temporalité » de ces activités, liée à la survenance du risque.
Cette proposition de loi, dont le champ couvre aussi bien la France métropolitaine que l’outre-mer, nous paraît nécessaire et justifiée, car elle prend en compte les attentes de tous les acteurs concernés par le phénomène d’érosion côtière et de recul du trait de côte, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales, des populations ou encore des agents économiques.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc dans un souci de protection, de solidarité et de responsabilité, à l’égard tant des territoires que des personnes, en particulier des générations futures, que mon groupe votera ce texte, qui marque un véritable progrès.