Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 12 janvier 2017 à 15h00
« faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? » — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si ce débat revêt, comme il a été dit, une très grande importance, c’est parce qu’il est le fruit de notre histoire. Dans quelques jours, le 25 mars prochain, nous fêterons les soixante ans du Traité de Rome. Depuis 1957, nous avons vécu soixante années de paix et de fondation d’une Europe politique.

Seulement, de traités en réformes institutionnelles, le pouvoir politique s’est laissé dépasser par le pouvoir économique. Le « technocratisme » et la surproduction normative ont entamé le processus de construction, qui s’est trouvé affaibli de manière exponentielle par la crise économique de 2008. Cette dernière a mis en évidence les limites de la gouvernance économique et politique de l’Union européenne, plus particulièrement de la zone euro. Malgré la volonté de réforme exprimée à la fois par les institutions de l’Union européenne et par des États membres, cette crise a révélé les lacunes de l’organisation de la zone euro.

La priorité donnée au renforcement de la gouvernance économique de l’Union économique et monétaire est compréhensible, mais n’a pas été accompagnée d’une réflexion sur la légitimité démocratique du régime politique de la zone euro. L’Europe et l’euro ont un sens pour les citoyens, qui attendent une Europe meilleure : plus proche, plus pragmatique et moins technocratique.

D’année en année, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, la Banque centrale européenne et le Conseil européen se sont imposés comme les acteurs majeurs de la politique économique, en liaison avec l’Eurogroupe. Aujourd’hui, la BCE apparaît comme la seule puissance centrale en matière économique. Elle a mené en 2015 et 2016 une politique de baisse des taux d’intérêt qui a profité aussi bien aux entreprises qu’aux ménages. Contenant la spirale déflationniste qui menaçait la zone euro, la politique monétaire et économique a également permis une baisse du chômage, mais, comme l’a souligné récemment l’OCDE, le creusement des inégalités s’est aggravé.

À présent, deux défis majeurs sont devant nous.

Tout d’abord, des élections se tiendront cette année dans trois pays, dont le nôtre. Or, le mois dernier, le sentiment des investisseurs s’est dégradé, à la suite des scrutins autrichien et italien. Les rendez-vous électoraux de 2017 créent de l’incertitude. En effet, pour l’indice de confiance des investisseurs Sentix, chacun des scrutins à venir est présenté comme un vote vital pour ou contre l’euro, ce qui perturbe les investisseurs et les entreprises, qui préfèrent avoir un horizon dégagé pour leurs décisions d’investissement.

Ensuite, les négociations sur le Brexit se dérouleront dans un contexte où les positions de la France et de l’Allemagne diffèrent : tandis que, pour notre pays, le Brexit est une occasion de bousculer les rapports de force au sein de l’Union européenne et de prendre l’initiative, l’Allemagne fixe ses conditions et exige une plus grande intégration de la zone euro, avec un changement des traités pour renforcer le contrôle sur la politique financière et économique – bref, une mise sous tutelle européenne des budgets nationaux.

Depuis des années, l’État français vit au-dessus de ses moyens. Son budget est en déficit permanent. Résultat : notre dette avoisine les 100 % du PIB. Notre politique actuelle consistant à augmenter les charges et les taxes ne dégraisse pas le mammouth ; elle le rend plus gourmand, puisque, plus l’État prélève de ressources fiscales, plus il dépense en fonctionnement et moins il investit.

Tel est le cercle vicieux dans lequel nous sommes entrés.

La France est en pleine déliquescence économique. Alors qu’elle bénéficie d’une nouvelle période de grâce pour la réduction de son déficit budgétaire, au grand dam de Bruxelles, elle s’enlise dans la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires à sa compétitivité. Les entreprises de notre pays réalisent des marges extrêmement faibles en termes de compétitivité et ne peuvent s’autoriser ni les embauches ni les investissements nécessaires à leur vitalité économique.

Les défis de la présidence maltaise de l’Union européenne sont aussi les nôtres : intéresser davantage les citoyens aux affaires européennes, rendre le travail institutionnel audible.

Aujourd’hui, la zone euro semble attendre son salut de l’extérieur, c’est-à-dire de la relance de la Chine et des États-Unis de Trump. C’est pourtant au sein même de l’Union européenne que doit se dessiner le leadership européen ! À cet égard, la France a un rôle évident à jouer.

La zone euro souffre d’un problème démocratique. Les Européens attendent de pouvoir se saisir politiquement et démocratiquement des enjeux européens. Cet idéal démocratique passe par la création d’un leadership politique clair, légitime et responsable, ainsi que par le renforcement démocratique des décisions européennes par les parlements nationaux et le Parlement européen. Il s’agit de donner pour interlocuteur à la Banque centrale européenne une gouvernance politique forte, un exécutif doté de la légitimité démocratique qui fait défaut à l’actuel Eurogroupe.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enjeu de la réforme du fonctionnement de la zone euro réside dans la dimension politique. En effet, comme le soulignait Philippe Séguin, qui fut l’élu de mon département, il est essentiel que le politique guide l’économie et dangereux que l’économie guide le politique. Il faut que le politique assume ses responsabilités !

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