Nous proposions au contraire de supprimer le prélèvement à la source et de mettre en place une imposition contemporaine des revenus par l'administration fiscale.
Le « choc de complexité » que je dénonçais se vérifie : à chaque stade de l'examen du texte, il faut y apporter des correctifs innombrables. L'Assemblée nationale a découvert de nouveaux défauts et problèmes, qui suscitent des amendements qui ne sont pas exclusivement techniques.
En particulier, un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement tend à ce qu'il soit appliqué un abattement égal à la moitié du montant mensuel du Smic lorsque le montant de la retenue à la source est déterminé sur la base de la « grille de taux par défaut » pour les salaires versés au titre d'un contrat à durée déterminée dont le terme initial n'excède pas deux mois ou est imprécis. Lors des auditions, tous nos interlocuteurs ont souligné la complexité du système fiscal français, « familialisé », comportant des abattements, des réductions d'impôts qui le rendent difficilement compatible avec un système de prélèvement simple sur chaque individu.
Le dispositif adopté tend à introduire une dérogation, alors qu'il est censé faciliter la vie des contribuables modestes. À bien y regarder, on y trouve tout de même le taux par défaut et le taux conjugalisé : tout cela est une véritable usine à gaz !
Par ailleurs, sur l'initiative de Marc Le Fur et de plusieurs de nos collègues députés, un amendement a été adopté pour autoriser un employeur à demander à l'administration fiscale de « prendre formellement position sur le traitement fiscal applicable aux éléments de rémunération versés » au titre de l'année 2017. Le principe du prélèvement à la source réalisé par les entreprises n'est pas remis en cause - or nous sommes en désaccord sur ce point. En dépit de tous les aménagements successifs, certains répondant à des préoccupations soulevées dans mon rapport d'information, d'autres s'apparentant plus à des rustines, ce dispositif ne peut être accepté.
À l'article 10, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à rétablir la suppression de la condition de ressources pour bénéficier du cumul du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et de l'éco-prêt à taux zéro. Cela va encore augmenter le coût de la dépense fiscale.
Ont également été confirmés les très nombreux élargissements de crédits d'impôts ou de réductions d'impôts - C'est Noël ! - comme pour les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) à l'article 4 ter, les jeux vidéo aux articles 46 sexies et 46 septies ou le crédit d'impôt cinéma international aux articles 7 nonies et 46 octies. L'Assemblée nationale a confirmé aussi les nouveaux crédits d'impôt pour les associations et pour inactifs recourant à des services à la personne ainsi que la prolongation du CITE, qui pèseront sur les finances publiques... à compter de 2018 !
Enfin, à l'article 2 relatif à la réduction d'impôt sur le revenu, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement - la presse s'en est fait l'écho - visant à anticiper de septembre à janvier 2017 les effets de la réduction d'impôt sur le revenu, en réduisant les montants des mensualités et des acomptes provisionnels dès janvier. On comprendra tout l'intérêt de cette disposition en période électorale.
Au total, à l'issue de cette nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, le déficit budgétaire est estimé à 69,3 milliards d'euros, soit un montant stable par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances tel qu'il a été présenté par le Gouvernement. L'absence de modification globale du solde résulte de plusieurs mouvements à la hausse et à la baisse.
Les recettes fiscales nettes de l'État sont minorées de 406 millions en raison notamment de la révision à la baisse, par l'Insee, de ses prévisions de croissance pour 2016. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales sont majorés de 100 millions d'euros, principalement en raison de la diminution de 160 millions d'euros de la minoration des variables d'ajustement, afin de réduire l'effort demandé aux régions -100 millions d'euros - et au bloc communal - 60 millions d'euros.
Par ailleurs, à l'article 60, le Gouvernement a modifié le fonctionnement de la dotation politique de la ville (DPV), afin de tenir compte de la nouvelle géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en créant une garantie, pendant quatre ans, en faveur des communes qui perdent leur éligibilité à cette dotation en 2017.
Le prélèvement sur recettes de l'État au profit de l'Union européenne est en revanche minoré de 400 millions d'euros, si bien que le solde n'est pas dégradé.
Quant aux dépenses du budget de l'État, elles demeurent stables par rapport à la première lecture. La majoration de 55 millions d'euros des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », de 30 millions d'euros des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et la répartition des crédits de la dotation d'action parlementaire sont compensées par la réévaluation à la baisse de la charge de la dette pour un montant de 212 millions d'euros, qui s'expliquerait par les hypothèses plus favorables de taux à court terme prévues dans le collectif budgétaire - soit, mais attendons de savoir ce que fera la Réserve fédérale américaine.
La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, même si elle résout certains défauts techniques des dispositions de première lecture, ne modifie en rien les grands équilibres et les orientations du budget pour 2017. Je vous propose donc de confirmer la position du Sénat par l'adoption d'une nouvelle motion tendant à opposer la question préalable.