Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 19 décembre 2016 à 15h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • prélèvement
  • rectificative
  • réduction

La réunion

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La réunion est ouverte à 15 h 30.

La commission examine le rapport en nouvelle lecture de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de finances pour 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La commission mixte paritaire qui s'est réunie le 13 décembre dernier n'étant pas parvenue à établir un texte commun, ce qui ne vous étonnera pas, nous examinons le projet de loi de finances pour 2017 en nouvelle lecture.

Le texte transmis au Sénat comportait 161 articles. L'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, maintenu son texte dans la rédaction issue de la première lecture pour 106 articles, modifié son texte par rapport à la rédaction issue de la première lecture pour 54 articles, supprimé un article et adopté deux articles additionnels.

Nos collègues députés ont heureusement renoncé, à l'article 13, à supprimer l'exonération d'imposition de plus-value immobilière pour la première cession d'un logement autre que la résidence principale lorsque tout ou partie du prix est réemployée pour acquérir ou construire un logement affecté à l'habitation principale dans un délai de vingt-quatre mois. C'est une bonne chose !

Il ont de même supprimé en première partie l'extension de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux opérations intra-journalières prévue à l'article 11 bis et l'aménagement du régime fiscal et social applicable aux attributions d'actions gratuites prévue à l'article 4 bis, la première mesure ne pouvant s'appliquer dès 2017 et la seconde encourant la censure du Conseil constitutionnel du fait de son caractère rétroactif, comme je l'avais démontré dans mon rapport.

Cependant, on ne peut vraiment se réjouir, puisque l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels 38 ter et 38 quater en deuxième partie sur ces mêmes dispositifs, en aménageant, mais très légèrement, le second.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a maintenu la hausse du taux de la TTF de 0,2 % à 0,3 % dès 2017. Nous en reparlerons lorsque nous nous interrogerons sur la compétitivité de la place de Paris.

De nouveaux ajustements ont été apportés à l'article 17 sur les plafonnements de taxes affectées ; les modifications portent sur plusieurs organismes, notamment sur les chambres de commerce et d'industrie pour lesquelles le plafond de taxe affectée est relevé de 60 millions d'euros.

Nombre de corrections font écho à des observations techniques que nous avions formulées sur de nombreux articles, vous en trouverez mention dans mon rapport de nouvelle lecture.

Pour autant, les députés ont conservé un très grand nombre de dispositions dont nous ne voulons pas. Je citerai parmi celles-ci le mécanisme dit « anti-abus » concernant le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune à l'article 4, l'aménagement du régime d'imposition des indemnités de fonction perçues par les élus locaux à l'article 5, la modification du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises à l'article 7, l'institution d'un acompte pour le paiement de la majoration de taxe sur les surfaces commerciales, la Tascom, à l'article 8, et l'acompte de prélèvement forfaitaire à l'article 9.

Sur le fameux article 38 relatif au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, l'Assemblée nationale a adopté 20 nouveaux amendements, dont certains sont rédactionnels ou de précision et l'autre moitié plus substantiels. Selon moi, un si grand nombre d'amendements...

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Vous auriez pu vous aussi déposer des amendements...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous proposions au contraire de supprimer le prélèvement à la source et de mettre en place une imposition contemporaine des revenus par l'administration fiscale.

Le « choc de complexité » que je dénonçais se vérifie : à chaque stade de l'examen du texte, il faut y apporter des correctifs innombrables. L'Assemblée nationale a découvert de nouveaux défauts et problèmes, qui suscitent des amendements qui ne sont pas exclusivement techniques.

En particulier, un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement tend à ce qu'il soit appliqué un abattement égal à la moitié du montant mensuel du Smic lorsque le montant de la retenue à la source est déterminé sur la base de la « grille de taux par défaut » pour les salaires versés au titre d'un contrat à durée déterminée dont le terme initial n'excède pas deux mois ou est imprécis. Lors des auditions, tous nos interlocuteurs ont souligné la complexité du système fiscal français, « familialisé », comportant des abattements, des réductions d'impôts qui le rendent difficilement compatible avec un système de prélèvement simple sur chaque individu.

Le dispositif adopté tend à introduire une dérogation, alors qu'il est censé faciliter la vie des contribuables modestes. À bien y regarder, on y trouve tout de même le taux par défaut et le taux conjugalisé : tout cela est une véritable usine à gaz !

Par ailleurs, sur l'initiative de Marc Le Fur et de plusieurs de nos collègues députés, un amendement a été adopté pour autoriser un employeur à demander à l'administration fiscale de « prendre formellement position sur le traitement fiscal applicable aux éléments de rémunération versés » au titre de l'année 2017. Le principe du prélèvement à la source réalisé par les entreprises n'est pas remis en cause - or nous sommes en désaccord sur ce point. En dépit de tous les aménagements successifs, certains répondant à des préoccupations soulevées dans mon rapport d'information, d'autres s'apparentant plus à des rustines, ce dispositif ne peut être accepté.

À l'article 10, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à rétablir la suppression de la condition de ressources pour bénéficier du cumul du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et de l'éco-prêt à taux zéro. Cela va encore augmenter le coût de la dépense fiscale.

Ont également été confirmés les très nombreux élargissements de crédits d'impôts ou de réductions d'impôts - C'est Noël ! - comme pour les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) à l'article 4 ter, les jeux vidéo aux articles 46 sexies et 46 septies ou le crédit d'impôt cinéma international aux articles 7 nonies et 46 octies. L'Assemblée nationale a confirmé aussi les nouveaux crédits d'impôt pour les associations et pour inactifs recourant à des services à la personne ainsi que la prolongation du CITE, qui pèseront sur les finances publiques... à compter de 2018 !

Enfin, à l'article 2 relatif à la réduction d'impôt sur le revenu, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement - la presse s'en est fait l'écho - visant à anticiper de septembre à janvier 2017 les effets de la réduction d'impôt sur le revenu, en réduisant les montants des mensualités et des acomptes provisionnels dès janvier. On comprendra tout l'intérêt de cette disposition en période électorale.

Au total, à l'issue de cette nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, le déficit budgétaire est estimé à 69,3 milliards d'euros, soit un montant stable par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances tel qu'il a été présenté par le Gouvernement. L'absence de modification globale du solde résulte de plusieurs mouvements à la hausse et à la baisse.

Les recettes fiscales nettes de l'État sont minorées de 406 millions en raison notamment de la révision à la baisse, par l'Insee, de ses prévisions de croissance pour 2016. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales sont majorés de 100 millions d'euros, principalement en raison de la diminution de 160 millions d'euros de la minoration des variables d'ajustement, afin de réduire l'effort demandé aux régions -100 millions d'euros - et au bloc communal - 60 millions d'euros.

Par ailleurs, à l'article 60, le Gouvernement a modifié le fonctionnement de la dotation politique de la ville (DPV), afin de tenir compte de la nouvelle géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en créant une garantie, pendant quatre ans, en faveur des communes qui perdent leur éligibilité à cette dotation en 2017.

Le prélèvement sur recettes de l'État au profit de l'Union européenne est en revanche minoré de 400 millions d'euros, si bien que le solde n'est pas dégradé.

Quant aux dépenses du budget de l'État, elles demeurent stables par rapport à la première lecture. La majoration de 55 millions d'euros des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », de 30 millions d'euros des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et la répartition des crédits de la dotation d'action parlementaire sont compensées par la réévaluation à la baisse de la charge de la dette pour un montant de 212 millions d'euros, qui s'expliquerait par les hypothèses plus favorables de taux à court terme prévues dans le collectif budgétaire - soit, mais attendons de savoir ce que fera la Réserve fédérale américaine.

La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, même si elle résout certains défauts techniques des dispositions de première lecture, ne modifie en rien les grands équilibres et les orientations du budget pour 2017. Je vous propose donc de confirmer la position du Sénat par l'adoption d'une nouvelle motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué l'application anticipée, de septembre à janvier 2017, de la réduction de l'impôt sur le revenu. L'impact budgétaire de cette mesure a-t-il été évalué, et dans quel article ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cette question relève de l'article 2 relatif à l'impôt sur le revenu, mais elle n'a fait l'objet d'aucune estimation.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cela n'aura effectivement pas d'impact sur le solde budgétaire. Concrètement, au lieu de percevoir cette réduction d'impôt avec l'avis de tiers provisionnel du mois de septembre, autrement dit après les élections, les contribuables la percevront bien avant, dès janvier.

L'objectif est d'anticiper dès le mois de janvier la baisse du barème, ce qui ne dégradera pas le solde du budget de l'État, mais seulement la trésorerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

C'est une sacrée gymnastique, car on ne sait pas quel montant les ménages vont déclarer pour les revenus de l'année précédente. On va afficher une diminution dès le mois de janvier, puis, en fonction de leur déclaration, des réajustements seront effectués !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je pense à ceux dont les revenus augmenteront : n'ayant pas encore rempli leur déclaration, ils profiteront par anticipation de la réduction d'impôt sur la base du barème de l'impôt payé sur l'année n-1 et recevront un avis d'imposition indiquant un montant moins élevé ; puis, en septembre, après les élections, ils recevront un rappel...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Les contribuables qui ont choisi le paiement mensualisé connaissent cela par coeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Les contribuables, mensualisés ou non, font leur déclaration au printemps puis reçoivent l'avis d'imposition avec le montant exact de l'impôt. Là, on anticipe sur le montant de la déclaration. C'est extraordinaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les impôts des redevables mensualisés sont fixés sur la base des revenus perçus l'année n-1, avant d'être recalculés.

J'espérais que les conditions dans lesquelles nous avons examiné le projet de loi de finances rectificative - plus de 500 amendements en trois jours, un vrai débat - vous inciteraient à faire de même pour le projet de loi de finances pour 2017. Je suis surpris et déçu que vous mainteniez votre refus de toute discussion. Il aurait été intéressant de débattre de la TTF par exemple, et de nombreux autres articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je suis à la disposition du Sénat pour débattre de tout cela si certains d'entre vous le souhaitent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Lors de la discussion du projet de loi initiale, le rapporteur général avait beaucoup insisté sur une surestimation des recettes. Est-elle encore d'actualité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'ai dit que la révision du taux de croissance pour 2016, qui est maintenant officielle, et les mesures du projet de loi de finances rectificative, nous imposaient déjà de constater une surestimation des recettes pour 2017 de près de 400 millions d'euros.

Imaginons que nous voulions procéder à une nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative : je ne vois pas, matériellement, comment cela serait possible. Concrètement, nous devrions regarder sur la chaîne parlementaire dans la nuit de mardi à mercredi le débat à l'Assemblée nationale, puis nous réunir mercredi matin en commission. Mais il y a ensuite le délai pour le dépôt des amendements...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'année dernière, nous avons suivi le débat à la télévision pour savoir sur quelle base travailler. En pratique, il est assez difficile de déposer des amendements ou de rédiger à nouveau un rapport complet dans ces conditions. Notre rythme est incompatible avec l'organisation d'une nouvelle lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Sommes-nous obligés de déposer une motion tendant à opposer la question préalable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Non, car sur le projet de loi de finances, nous avons un peu de temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Sur les méthodes de travail, je partage très largement les propos du rapporteur général. Examiner en commission autant d'amendements en si peu de temps était déraisonnable : je n'arrivais même pas à tourner les pages tellement le rythme était rapide !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Votons une loi organique pour changer la date de Noël !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai fait valoir ces inconvénients à la dernière conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ce matin, lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative, nos collègues de l'Assemblée nationale l'ont volontiers reconnu. À mon sens, un projet loi de finances rectificative devrait être ramené à ce qu'il est vraiment, à savoir un texte destiné à intégrer les ajustements de fin d'année et non des mesures fiscales nouvelles. L'année dernière, nous avons dû nous prononcer sur des réformes substantielles. Même chose pour l'article relatif aux valeurs locatives des locaux industriels cette année. De telles mesures devraient nous être soumises en projet de loi de finances, non en collectif. Tout le monde en joue, y compris le Gouvernement qui fait présenter ses mesures par des parlementaires pour contourner le Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La méthode est employée des deux côtés...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

C'est aussi le cas des dispositions relatives à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Bien sûr, mais nous avons décidé de reporter d'un an la nouvelle répartition de la CVAE des groupes qui a des incidences importantes, notamment sur l'Île-de-France et Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ce matin, en commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale disposait des simulations sur l'incidence de l'article 23 octies du projet de loi de finances rectificative. Or nos soupçons étaient bien fondés, dans la mesure où auront bien lieu un transfert de l'Île-de-France vers la province, et des mouvements au sein de l'Île-de-France. Nous sommes en train de faire des choix dont on ne mesure pas exactement les conséquences ; nous décidons d'une nouvelle répartition alors que la baisse des dotations sur les recettes de fonctionnement a été calibrée en incluant le montant de CVAE. Il semblerait cependant qu'un report est prévu en 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L'an prochain cela se passera sans doute beaucoup mieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour les raisons déjà exposées, les membres du groupe socialiste et républicain voteront contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Et nous, quitte à désespérer Richard Yung qui, depuis de nombreuses semaines, en commission et en séance, nous reproche de ne pas examiner ce projet de loi de finances, nous voterons la question préalable. Je ne vois pas comment nous pourrions faire autrement dans un temps si contraint.

La commission des finances décide de proposer au Sénat l'adoption d'une motion tendant à opposer, en nouvelle lecture, la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

La réunion est close à 16 heures.