Vous nous demandez quels sont les critères qui permettent d'assurer la réussite d'un projet de compensation. Nous en avons retenus cinq.
Premièrement, l'anticipation d'un projet nous semble importante. Elle nécessite une bonne connaissance préalable du territoire et des enjeux écologiques locaux.
Deuxièmement, les partenariats avec des organismes gestionnaires d'espaces naturels sont essentiels. Ils diffèrent selon les territoires : l'ONEMA, l'ONCFS, l'Office national des forêts (ONF), le Conservatoire du littoral, les conservatoires régionaux d'espaces naturels (CREN), les associations de protection de la nature, les naturalistes, les parcs régionaux, selon les cas.
Troisièmement, la réussite d'un projet repose aussi sur l'application de l'équivalence écologique, de l'additionnalité et de la mutualisation, des points fondamentaux qui vous intéressent.
Quatrièmement, la proximité géographique des mesures compensatoires est essentielle. Il est important de retrouver le caractère identique des habitats affectés ou détruits.
Cinquièmement, enfin, pour ce qui concerne notamment les projets les plus importants, la constitution d'un comité de suivi est capitale. Nous en reparlerons ultérieurement au sujet des grandes infrastructures, on voit la différence selon qu'il y a un comité de suivi ou non : l'exécution des mesures compensatoires, entre autres, est plus ou moins effective ; elle est pratiquement nulle sans comité de suivi.
Au titre des mesures compensatoires, j'évoquerai aussi la proximité géographique, qui est une garantie pour atteindre l'équivalence écologique. Ce point est important eu égard à la notion de compensation écologique introduite par la loi. Ce n'est pas l'un ou l'autre ; il faut vraiment considérer un mix.
La cinquième question du questionnaire que vous nous avez adressé portait sur les apports principaux de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Cette loi comprend des dispositions intéressantes, mais suscite aussi, vous le comprenez bien, des inquiétudes.
Je ne reviendrai pas sur la réparation du préjudice écologique, car cette disposition est intéressante. Il en est de même pour l'Agence française pour la biodiversité. Même si ces mesures n'ont pas une relation directe avec le sujet qui nous occupe, cette instance pourrait avoir un rôle important, que je ne développerai pas ici ; ce point sera peut-être abordé lors des questions.
La loi a permis de renforcer le cadre juridique de la démarche ERC, notamment l'obligation de l'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Cette disposition n'est pas nouvelle ; elle figure dans le guide méthodologique, mais l'inscrire dans la loi permettra aux instructeurs de dossiers de parvenir à des résultats intéressants.
L'obligation de résultat constitue également une disposition très importante, ainsi que la non-autorisation en l'état des projets si les mesures ERC proposées ne sont pas satisfaisantes. Là encore, inscrire cette disposition dans la loi apportera un fondement à nos avis : si les conditions ne sont pas remplies, nous pourrons nous opposer à un projet. À la suite d'avis défavorables du CNPN, des décisions visant à arrêter des projets vont être prises.
La géolocalisation des mesures compensatoires répond à l'un des voeux du CNPN ; cette mesure importante figurait dans nos conclusions de commissions faune et flore de 2015. La géolocalisation, au même titre que les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), changera le statut de ces espaces et permettra d'assurer un suivi. D'autres dispositions ont bien sûr été introduites, mais je me suis borné à évoquer les points importants.
Toutefois, je vois une ombre au tableau. Même si le besoin n'est pas énorme, on note un amaigrissement des effectifs au niveau national. Début 2016, outre la personne qui instruisait administrativement les dossiers, c'est le CNPN qui a vraiment fait le lien, sur la base du bénévolat. On atteint quasiment un niveau zéro en termes de moyens liés à l'instruction des dossiers. Cette situation constatée au niveau national est plus criante encore au niveau régional. En effet, les DREAL et les DDT doivent réaliser un travail important : il ne leur incombe pas seulement de vérifier que les dossiers sont bien instruits, certaines d'entre elles ont, en vertu du pouvoir réglementaire, un niveau d'exigence très important à l'égard des pétitionnaires. Je pourrais vous donner de nombreux exemples sur ce point, mais le temps nous manque.
En outre, nous déplorons la non-évaluation des mesures préconisées. L'année dernière, la commission faune a désigné six projets que nous souhaitons réexaminer dans cinq ans. De fait, nous nous sommes autosaisis de ces dossiers, sur lesquels nous avons donné le plus souvent un avis favorable sous conditions. Nous allons vérifier dans cinq ans ce qu'ils seront devenus. Mais, je le répète, cela se fait sur la base du bénévolat, sans aucune forme d'autorité. Nous ferons cette inspection avec l'assentiment ou a minima l'information du pétitionnaire et de l'administration. Il faudrait systématiser cette procédure, surtout pour ce qui concerne les dossiers les plus importants. Il est important de pouvoir suivre les avis émis par l'autorité environnementale, le CNPN. Actuellement, nous n'avons vraiment aucune garantie, sauf à visiter l'infrastructure par la suite.
Je vous l'ai dit, nous comptons sur la mise en place d'un comité de suivi. Or cette évaluation lui incomberait. On le voit bien pour la LGV Tours-Bordeaux, le rôle du comité de suivi essentiel.
Mais cela repose sur une volonté politique à tous les niveaux de l'État pour appliquer la loi adoptée.
J'insiste sur les petits moyens à maintenir ou à développer, et sur la nécessité d'instituer un niveau de contrôle à un temps donné : trois ans, par exemple, après les autorisations pour évaluer ce qui se passe sur le terrain.