Intervention de Éricka Bareigts

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Éricka Bareigts, ministre des outre-mer :

Je vous remercie, monsieur le président, de vos propos en faveur des outre-mer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, il y a plus de soixante-dix ans, Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès défendaient ici, au sein du Parlement, avec panache et passion, l’inscription des outre-mer au cœur de la République. Le 19 mars 1946, les « quatre vieilles colonies » – la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane – devenaient officiellement des départements. Au-delà de ces territoires, cette avancée venait confirmer la pleine participation de l’ensemble des outre-mer au roman national.

Les outre-mer s’inscrivent fièrement dans la communauté de valeurs et d’idéaux qui définissent la France. En effet, notre pays n’est pas seulement un territoire, c’est avant tout un principe. Être Français, c’est vouloir participer aux destinées de ce pays ; c’est faire siennes les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ; c’est défendre une certaine idée de l’homme, attachée à sa dignité et à ses droits fondamentaux. Être français, c’est désirer vivre ensemble, tous, autant que nous sommes, par-delà les différences. Être Français, c’est continuer à construire la France, chaque jour, une France ouverte à tous, qui rayonne magnifiquement dans les trois océans.

Voilà notre vision de la Nation ! Voilà pourquoi il est possible d’être Français, tout en vivant dans l’océan Pacifique, Atlantique ou Indien ! Voilà pourquoi notre nation porte en son cœur même les valeurs de l’universel !

À l’heure où nous parlons, malheureusement, les promesses de la République ne sont encore que partiellement honorées. Permettez-moi de citer quelques chiffres.

Malgré une augmentation de l’emploi privé neuf fois supérieure à celle constatée dans l’Hexagone depuis 2012, le taux de chômage demeure deux fois plus élevé dans les outre-mer. Il y est même jusqu’à trois fois supérieur à Mayotte. Le taux de décrochage scolaire est également deux fois plus élevé dans les outre-mer. Quant au taux de mortalité infantile, il est actuellement, dans les DOM, égal à celui qui était observé dans l’Hexagone il y a vingt-trois ans. Ces statistiques officielles sont très alarmantes.

Ici, au sein de la Haute Assemblée, j’aimerais que chacune et chacun d’entre vous réalisent que près de 3 millions de nos concitoyens sont davantage exposés à l’échec scolaire, à la pauvreté ou au chômage. Pouvons-nous tolérer plus longtemps de telles inégalités ?

Je regrette que certains considèrent encore le sort des outre-mer avec désinvolture, jugeant l’examen de ce projet de loi « amusant », « léger ». Une telle attitude est vexante non seulement pour les parlementaires, notamment l’ensemble des députés et sénateurs ayant déployé une détermination qui mérite d'être saluée, mais aussi pour les populations ultramarines. La situation des outre-mer n’est-elle pas un motif de mobilisation pour nous tous, quelle que soit notre appartenance politique, nous, les enfants de la République ? Comment ne pas unir nos forces pour agir contre ces écarts insensés au sein même de notre pays ? Je le dis avec gravité, car je sais que nombreux sont nos concitoyens ultramarins qui nous observent aujourd’hui et attendent de nous des actes.

Quel que soit le territoire où ils vivent, nos compatriotes doivent disposer des mêmes droits et, au-delà, des mêmes opportunités de développement et d’épanouissement. C’est cela l’égalité réelle !

Je le dis à tous ceux qui ne connaissent pas les outre-mer : ces territoires sont riches d’atouts et de talents. Il nous faut dépasser les clichés et représentations erronées et renouveler en profondeur nos politiques publiques, afin de les adapter réellement aux spécificités des territoires. La dynamique que nous initions aujourd’hui s’inscrit dans une logique de long terme.

Je me félicite que notre ambition pour les outre-mer nous ait tous rassemblés : Parlement, Gouvernement et société civile. Nous avons tous exprimé fortement la volonté de créer les conditions de l’égalité réelle.

Le Président de la République, François Hollande, a initié cette dynamique en faveur de l’égalité réelle des outre-mer, en s’engageant en 2015 à l’impulser. Le chef de l’État a demandé à Victorin Lurel d’écrire un rapport à ce sujet. Ses travaux, remis en mars 2016 à l’issue d’une large concertation, ont constitué une solide base de travail pour ce projet de loi.

Je tiens également à saluer l’engagement constant du Premier ministre, Bernard Cazeneuve, ainsi que de son prédécesseur, Manuel Valls, en faveur de ce texte. Je souhaite bien évidemment remercier George Pau-Langevin, avec qui j’ai travaillé sur ce projet de loi.

Ce texte a également été largement enrichi par les contributions des assemblées locales, ainsi que du CESE, dont je salue le travail sur la notion d’égalité réelle.

Je me dois également de souligner les apports des nombreux citoyens, hexagonaux ou ultramarins, ayant contribué à la construction de ce texte. Près de 2 000 internautes nous ont fait part, grâce à la consultation numérique, de leurs préoccupations pour leur quotidien et leur territoire. Nous avons écouté chacun avec la plus grande attention.

Enfin, je souhaite sincèrement rendre hommage au travail des membres du Parlement. Comme je l’avais annoncé en commission et comme cela a été réalisé avec vos collègues députés, j’ai souhaité mener avec vous un véritable travail de coconstruction. Au sein de vos commissions, il fut particulièrement dense, ce dont je me félicite. Voilà la preuve de notre volonté partagée de travailler pour l’intérêt général et pour la République ! Plusieurs membres de votre assemblée ont plus particulièrement animé cette réflexion commune et méritent à ce titre mes remerciements.

Le travail que nous avons réalisé, sérieux, basé sur des évaluations précises et une très bonne connaissance des dossiers, est à l’écoute de la société civile.

Je salue le travail important mené par les rapporteurs, que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Je remercie M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois, …

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