Séance en hémicycle du 17 janvier 2017 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’hexagone
  • l’égalité
  • mayotte
  • outre-mer
  • ultramarin

La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 12 janvier 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Par lettres en date des 10 et 11 janvier 2017, M. Jean Desessard, président du groupe écologiste, et M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ont demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 26 janvier 2017, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Acte est donné de cette demande.

Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d’une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 25 janvier, à dix-sept heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, a demandé, le 10 janvier 2017, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 247, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau, et déposée le 20 décembre 2016.

Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 18 janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’ai reçu de Mme la Première vice-présidente de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 10 janvier 2017, un avis sur le projet de décret fixant pour les années 2014 et 2016 la quote-part des ressources du budget de la Polynésie française destinée à alimenter le Fonds intercommunal de péréquation.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (projet n° 19, texte de la commission n° 288, rapport n° 287, avis n° 279, 280, 281, 283 et 284).

Madame la ministre des outre-mer, mes chers collègues, en ouvrant cette séance consacrée à la discussion générale du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, je veux rappeler le profond attachement du Sénat à nos outre-mer et l’attention particulière que nous portons non seulement aux atouts des territoires ultramarins, mais aussi à leurs difficultés et à la prise en compte de leurs spécificités.

Dès 2011, notre assemblée a créé une délégation à l’outre-mer, dont la qualité des travaux est reconnue par tous, sous la conduite de ses deux présidents successifs : nos collègues Serge Larcher, puis, depuis octobre 2014, Michel Magras.

Afin de nous permettre de délibérer en toute connaissance de cause, la conférence des présidents a voulu, sur ma proposition, que le Sénat puisse recueillir l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi de programmation, conformément à notre souhait de renforcer nos liens avec cette institution. Nous entendrons donc dans quelques instants M. Christian Vernaudon, rapporteur du CESE sur ce texte.

Madame la ministre, le Sénat examinera avec la plus grande attention le projet de loi qui lui est soumis, en gardant toujours à l’esprit que les outre-mer constituent, comme le rappelaient dans leur rapport de 2009 Serge Larcher et Éric Doligé, un « défi pour la République » et une « chance pour la France ».

Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Christian Vernaudon.

M. le rapporteur de la section de l’aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le rapporteur de la section de l’aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre des outre-mer

Je vous remercie, monsieur le président, de vos propos en faveur des outre-mer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, il y a plus de soixante-dix ans, Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès défendaient ici, au sein du Parlement, avec panache et passion, l’inscription des outre-mer au cœur de la République. Le 19 mars 1946, les « quatre vieilles colonies » – la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane – devenaient officiellement des départements. Au-delà de ces territoires, cette avancée venait confirmer la pleine participation de l’ensemble des outre-mer au roman national.

Les outre-mer s’inscrivent fièrement dans la communauté de valeurs et d’idéaux qui définissent la France. En effet, notre pays n’est pas seulement un territoire, c’est avant tout un principe. Être Français, c’est vouloir participer aux destinées de ce pays ; c’est faire siennes les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ; c’est défendre une certaine idée de l’homme, attachée à sa dignité et à ses droits fondamentaux. Être français, c’est désirer vivre ensemble, tous, autant que nous sommes, par-delà les différences. Être Français, c’est continuer à construire la France, chaque jour, une France ouverte à tous, qui rayonne magnifiquement dans les trois océans.

Voilà notre vision de la Nation ! Voilà pourquoi il est possible d’être Français, tout en vivant dans l’océan Pacifique, Atlantique ou Indien ! Voilà pourquoi notre nation porte en son cœur même les valeurs de l’universel !

À l’heure où nous parlons, malheureusement, les promesses de la République ne sont encore que partiellement honorées. Permettez-moi de citer quelques chiffres.

Malgré une augmentation de l’emploi privé neuf fois supérieure à celle constatée dans l’Hexagone depuis 2012, le taux de chômage demeure deux fois plus élevé dans les outre-mer. Il y est même jusqu’à trois fois supérieur à Mayotte. Le taux de décrochage scolaire est également deux fois plus élevé dans les outre-mer. Quant au taux de mortalité infantile, il est actuellement, dans les DOM, égal à celui qui était observé dans l’Hexagone il y a vingt-trois ans. Ces statistiques officielles sont très alarmantes.

Ici, au sein de la Haute Assemblée, j’aimerais que chacune et chacun d’entre vous réalisent que près de 3 millions de nos concitoyens sont davantage exposés à l’échec scolaire, à la pauvreté ou au chômage. Pouvons-nous tolérer plus longtemps de telles inégalités ?

Je regrette que certains considèrent encore le sort des outre-mer avec désinvolture, jugeant l’examen de ce projet de loi « amusant », « léger ». Une telle attitude est vexante non seulement pour les parlementaires, notamment l’ensemble des députés et sénateurs ayant déployé une détermination qui mérite d'être saluée, mais aussi pour les populations ultramarines. La situation des outre-mer n’est-elle pas un motif de mobilisation pour nous tous, quelle que soit notre appartenance politique, nous, les enfants de la République ? Comment ne pas unir nos forces pour agir contre ces écarts insensés au sein même de notre pays ? Je le dis avec gravité, car je sais que nombreux sont nos concitoyens ultramarins qui nous observent aujourd’hui et attendent de nous des actes.

Quel que soit le territoire où ils vivent, nos compatriotes doivent disposer des mêmes droits et, au-delà, des mêmes opportunités de développement et d’épanouissement. C’est cela l’égalité réelle !

Je le dis à tous ceux qui ne connaissent pas les outre-mer : ces territoires sont riches d’atouts et de talents. Il nous faut dépasser les clichés et représentations erronées et renouveler en profondeur nos politiques publiques, afin de les adapter réellement aux spécificités des territoires. La dynamique que nous initions aujourd’hui s’inscrit dans une logique de long terme.

Je me félicite que notre ambition pour les outre-mer nous ait tous rassemblés : Parlement, Gouvernement et société civile. Nous avons tous exprimé fortement la volonté de créer les conditions de l’égalité réelle.

Le Président de la République, François Hollande, a initié cette dynamique en faveur de l’égalité réelle des outre-mer, en s’engageant en 2015 à l’impulser. Le chef de l’État a demandé à Victorin Lurel d’écrire un rapport à ce sujet. Ses travaux, remis en mars 2016 à l’issue d’une large concertation, ont constitué une solide base de travail pour ce projet de loi.

Je tiens également à saluer l’engagement constant du Premier ministre, Bernard Cazeneuve, ainsi que de son prédécesseur, Manuel Valls, en faveur de ce texte. Je souhaite bien évidemment remercier George Pau-Langevin, avec qui j’ai travaillé sur ce projet de loi.

Ce texte a également été largement enrichi par les contributions des assemblées locales, ainsi que du CESE, dont je salue le travail sur la notion d’égalité réelle.

Je me dois également de souligner les apports des nombreux citoyens, hexagonaux ou ultramarins, ayant contribué à la construction de ce texte. Près de 2 000 internautes nous ont fait part, grâce à la consultation numérique, de leurs préoccupations pour leur quotidien et leur territoire. Nous avons écouté chacun avec la plus grande attention.

Enfin, je souhaite sincèrement rendre hommage au travail des membres du Parlement. Comme je l’avais annoncé en commission et comme cela a été réalisé avec vos collègues députés, j’ai souhaité mener avec vous un véritable travail de coconstruction. Au sein de vos commissions, il fut particulièrement dense, ce dont je me félicite. Voilà la preuve de notre volonté partagée de travailler pour l’intérêt général et pour la République ! Plusieurs membres de votre assemblée ont plus particulièrement animé cette réflexion commune et méritent à ce titre mes remerciements.

Le travail que nous avons réalisé, sérieux, basé sur des évaluations précises et une très bonne connaissance des dossiers, est à l’écoute de la société civile.

Je salue le travail important mené par les rapporteurs, que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Je remercie M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois, …

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

… de son écoute constructive et son implication, et M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et président de la délégation à l’outre-mer, de ses connaissances pointues et de son intérêt constant. Je n’oublie pas non plus Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture, M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, et M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances.

C’est avec honneur que le Gouvernement, comme cette assemblée, initie une nouvelle dynamique pour les outre-mer, qui nous mobilisera au cours des prochaines années. Elle structurera les politiques publiques en faveur de nos territoires.

Je l’ai dit, il faut renouveler nos politiques pour créer les conditions de l’égalité réelle au sein des outre-mer. Il s’agit tout d’abord de les concevoir en partant des réalités locales. C’est toute l’ambition de ce projet de loi : les politiques publiques seront adaptées aux réalités et aux atouts de chaque territoire.

Il est nécessaire de porter une logique nouvelle pour les outre-mer, grâce à l’outil particulier que constituent les plans de convergence. Ils seront déterminés en partenariat entre l’État et les territoires, afin de définir des stratégies de développement au plus près du terrain. En effet, les priorités de Mayotte, de la Polynésie française ou de la Guadeloupe ne sont pas nécessairement les mêmes.

Ces plans de convergence permettront de rompre avec la logique assimilationniste pour s’adapter aux besoins réels des territoires. Le projet de loi incarne un véritable changement de méthode et de vision. Cette logique innovante et participative permettra à tous les acteurs d’avancer ensemble au service du progrès et du développement durable de leurs territoires. C’est ainsi que nous allons créer les conditions à même d’amplifier l’essor économique des outre-mer, pour répondre aux besoins de dignité par le travail.

Les stratégies différenciées et coconstruites qui seront mises en place projetteront ces territoires vers l’émancipation économique, culturelle et éducative dans le cadre de la République. C’est une grande avancée que nous portons ensemble !

Renouveler nos politiques, c’est également créer les conditions de l’égalité réelle. La convergence entre les outre-mer et l’Hexagone suscite toujours de nombreuses attentes de la part de nos concitoyens ultramarins. Bien sûr, cette longue marche vers le respect et la dignité est déjà entamée.

Je veux ici rendre hommage au Président François Mitterrand, qui avait obtenu l’alignement des allocations familiales sur les montants hexagonaux en 1993

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Cependant, il reste encore aujourd’hui à parachever l’égalité sociale. Les montants ou les conditions d’accès à certaines prestations sociales diffèrent toujours entre l’Hexagone et les outre-mer. Certaines prestations n’y existent tout simplement pas, en dépit de besoins importants. Ces écarts ne peuvent pas être acceptés au sein de notre République. Imagine-t-on les Vosges bénéficier d’une prestation sociale, alors que la Haute-Vienne en serait exclue ?

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Les outre-mer ne quémandent rien ; ils n’exigent que l’égalité. Grâce au soutien résolu du Président de la République, qui s’est engagé à mettre en œuvre ce projet de loi en 2017, et à celui du Premier ministre, les montants de nombreuses prestations sociales seront harmonisés à terme avec ceux de l’Hexagone, afin de lutter contre la pauvreté qui frappe encore sévèrement les familles ultramarines.

Dès avril 2017, les plafonds de ressources du complément familial seront augmentés : 2 400 familles modestes supplémentaires pourront ainsi en bénéficier.

L’alignement progressif de l’assurance vieillesse pour les parents au foyer garantira à 5 000 personnes supplémentaires une continuité dans leurs droits à la retraite.

Enfin, un effort accru a été entrepris concernant Mayotte, département le plus pauvre de France, qui a grandement besoin de bénéficier pleinement de la solidarité nationale. Le rythme de convergence des allocations familiales sera significativement accéléré.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Voilà plus d’un siècle et demi, votre prédécesseur Victor Schœlcher, affirmait : « La République n’entend plus faire de distinction dans la famille humaine. Elle n’exclut personne de son immortelle devise : Liberté – Égalité - Fraternité. » À nous, héritiers de Schœlcher, de respecter et réaliser pleinement ce vœu !

Renouveler nos politiques, c’est aussi élargir notre conception de la mobilité. Plus de 15 000 jeunes Ultramarins partent tous les ans dans l’Hexagone pour leurs études supérieures. Plus de la moitié d’entre eux sont toujours dans l’Hexagone six mois après la fin de leur formation. Ce phénomène est d’autant plus regrettable que les territoires ont besoin du retour des talents pour nourrir leur vitalité économique et sociale.

Notre soutien à la mobilité porte aujourd’hui principalement sur les trajets des outre-mer vers l’Hexagone. C’est important, mais je propose également que la mobilité soit désormais conçue comme allant dans le sens inverse, celui du retour. J’ai ainsi souhaité que les jeunes ayant suivi leurs études ou leur stage dans l’Hexagone puissent bénéficier d’aides jusqu’à cinq ans après la fin de leur formation pour revenir dans leur territoire d’origine s’ils le souhaitent. Ces mesures s’inscrivent dans une politique globale de mobilité qui profitera pleinement aux outre-mer et valorisera l’embauche de talents locaux. C’est un véritable progrès pour nos territoires ; c’est même un changement structurant pour les outre-mer.

D’autres progrès sont à noter en matière de lutte contre la vie chère.

Ce texte permettra également de lutter contre les discriminations. Il est ainsi rappelé que le refus d’une personne à raison de sa domiciliation bancaire hors de l’Hexagone constitue bien une discrimination.

Enfin, le dispositif « cadres d’avenir » à Mayotte aidera des personnes à se former dans l’Hexagone ou à La Réunion, à condition qu’elles reviennent ensuite au sein de leur département d’origine. Cette mesure, inspirée par le dispositif porté par Michel Rocard en Nouvelle-Calédonie, permettra d’élever le niveau de compétences local.

Je ne doute pas que le travail intense qui aura lieu dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer permettra de nouvelles avancées. Nous pourrons évoquer ces points au cours de nos échanges.

Ce projet de loi appellera sans doute d’autres mesures dans les mois ou les années qui viennent : le combat pour l’égalité ne s’achève pas ici et maintenant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, parce que je suis ministre des outre-mer, parce que je suis ultramarine et que mon histoire personnelle, comme nombre de nos concitoyens, et mon engagement politique sont marqués par ce combat pour l’égalité, c’est avec une émotion particulière que je vous présente ce projet de loi. Pour moi, pour les Ultramarins, la solidarité nationale a un sens profond.

Ceux qui croient que les outre-mer peuvent encore attendre se trompent lourdement. Il est urgent d’agir ; il est crucial de changer radicalement notre stratégie.

Le général de Gaulle, dans le discours qu’il prononça à Basse-Terre, en Guadeloupe, affirmait : « La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c’est d’être petit… » N’ayons pas peur de la grandeur pour nos outre-mer ! Portons-nous à la hauteur des espoirs et des attentes légitimes de nos compatriotes. Soyons fiers, tous, autant que nous sommes, de ce que nous allons accomplir pour rétablir la fierté des Ultramarins !

Le progrès que nous portons n’est pas uniquement destiné aux outre-mer : il concerne la République tout entière. Il honore notre pays, ses principes et ses valeurs. Car la France n’est la France que lorsqu’elle lutte pour l’égalité. La France n’est la France que lorsqu’elle s’accepte telle qu’elle est, océanique, riche de sa diversité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le rapporteur de la section de l’aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental.

Debut de section - Permalien
Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l’aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, permettez-moi, au nom de l’institution que je représente ici, de saluer l’initiative du président du Sénat de convier le Conseil économique, social et environnemental à exposer devant cette assemblée son avis sur le projet de loi qui lui est soumis aujourd’hui.

Je rappelle que, conformément à l’article 70 de la Constitution, le Premier ministre a saisi, le 14 juin 2016, le CESE pour avis sur le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Dans le respect de la lettre de saisine, nos travaux n’ont porté que sur le titre Ier du projet de loi et sur son étude d’impact. Les membres du CESE ont adopté le 12 juillet 2016 en séance plénière l’avis qu’en tant que rapporteur je suis chargé de vous présenter.

Depuis lors, ce projet de loi a significativement évolué et s’est considérablement étoffé. Pour autant, nos constats et recommandations restent, je le crois, d’actualité pour éclairer vos débats.

Dans son avis, le CESE a tout d’abord rappelé l’extrême hétérogénéité des onze collectivités ultramarines françaises. Cette diversité sans égale se manifeste tant par la géographie et l’histoire que par des situations démographiques, environnementales, économiques, sociales, culturelles et sociétales singulières. Elle existe, nous l’avons souligné, au sein même de plusieurs de ces collectivités.

Nous avons en outre constaté qu’il y avait aujourd’hui autant de statuts différents que de collectivités ultramarines, conséquence d’évolutions institutionnelles allant dans le sens d’une logique décentralisatrice et témoignant de la volonté du législateur de prendre en compte toute la diversité des outre-mer. C’est pourquoi il est question non plus de l’outre-mer, mais des outre-mer. Malgré l’éloignement avec l’Hexagone, le lien qui les unit est bien leur appartenance commune à la Nation et leur attachement aux valeurs de la République et à la France, qu’ils contribuent à faire rayonner dans le monde entier. C’est l’esprit même de l’article 72-3 de la Constitution, qui dispose que « la République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ».

Dans un deuxième temps, le CESE s’est attaché à répondre à la question de la justification d’une nouvelle loi de programmation pour les outre-mer.

Comme le fait le Gouvernement dans son étude d’impact, comme vous l’avez fait, mesdames, messieurs les sénateurs, au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer avec le rapport d’information des sénateurs Éric Doligé et Michel Vergoz du 9 juillet 2014 intitulé Les niveaux de vie dans les outre-mer : un rattrapage en panne ?, le CESE constate dans plusieurs de ces territoires des écarts de développement encore majeurs avec l’Hexagone, mais aussi en leur sein.

Au cours de nos travaux, nous avons établi que les écarts de développement les plus criants relèvent de problématiques d’accès à l’éducation, d’accès aux services publics et de la vie courante, d’accès aux soins, ainsi que d’accès à l’activité et à l’emploi.

Les indicateurs qui, par l’ampleur de leur écart avec la norme nationale, nous ont le plus interpellés sont les taux d’illettrisme, les taux de jeunes sans diplômes, les taux de chômage tant de l’ensemble de la population que des jeunes, ainsi que les taux de pauvreté. Tous se situent à des niveaux extrêmement préoccupants dans une grande partie des outre-mer.

Par conséquent, pour le CESE, ces cinq domaines – l’accès aux principaux services de la vie courante, l’accès à l’éducation, l’accès au travail, la pauvreté et la précarité des jeunes – justifient à eux seuls le projet de loi de programmation en faveur des Ultramarins.

Par ailleurs, le CESE s’est interrogé sur le concept d’« égalité réelle » et sur les conditions de son application à la pluralité des situations ultramarines. Nous avons à cet effet réuni en séminaire des personnes-ressources issues de nos territoires et des spécialistes des questions ultramarines. Lors de ces débats, plusieurs intervenants, dont Alain Christnacht et Pierre Steinmetz, ont rappelé qu’appliquer les mêmes moyens à des situations inégalitaires aux causes différentes ne permettait pas nécessairement d’atteindre réellement l’égalité et qu’il pouvait arriver un moment où l’égalité formelle devenait contraire à l’égalité réelle.

Le CESE a conclu que, eu égard à la diversité des situations des collectivités ultramarines, le principe d’égalité édicté par la Constitution ne peut pas être entendu et appliqué comme devant conduire à une égalité formelle en toutes circonstances, en toutes matières et en tous lieux de la République, et que c’est la conciliation du principe d’égalité avec ceux de liberté, de libre administration des collectivités territoriales, d’autonomie de gestion renforcée pour certaines d’entre elles, qui doit permettre de tendre vers un objectif d’égalité dans le respect de la diversité. Aussi, nous nous félicitons que le projet de loi, par application du principe de subsidiarité, valorise les possibilités d’habilitations législatives et d’expérimentations, ainsi que les propositions de modification ou d’adaptation de la réglementation.

Le CESE appelle à favoriser l’utilisation de ce type d’instruments, qui doit notamment permettre de lutter contre une prolifération de normes inadaptées à l’échelle territoriale, source à la fois de gaspillage de moyens financiers et d’obstacle au développement.

Les objectifs de la méthode, tels qu’exposés dans l’étude d’impact, à savoir une « intervention transverse de long terme et au plus près des réalités locales se traduisant par l’élaboration de plans de convergence élaborés et contractualisés à l’échelle de chaque territoire », nous semblent pertinents.

Dans cet esprit, le CESE recommande de retenir une méthode en quatre étapes, à respecter pour chacune des onze collectivités, dans le strict respect de leurs statuts, comprenant l’établissement d’un diagnostic partagé, l’élaboration d’un projet stratégique de développement durable, l’élaboration d’un plan de convergence et la négociation de contrats de convergence, ainsi que le suivi et l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre pour les contrats de convergence.

Pour l’ensemble du processus, nous préconisons le recours à des démarches de démocratie participative associant l’ensemble des acteurs locaux concernés : l’État, tous les niveaux de collectivités territoriales, la société civile organisée.

L’ensemble de la démarche doit intégrer les dimensions économiques, sociales, environnementales et culturelles, dans le respect des objectifs de développement durable et des engagements internationaux pris par la France, lors de la COP 21 notamment. Il faut aussi impérativement intégrer un objectif de réduction des inégalités non seulement externes, entre chaque collectivité et l’Hexagone, mais aussi internes, au sein de chaque collectivité.

Enfin, le CESE préconise fortement que la loi précise les modalités d’articulation des plans et contrats de convergence avec les divers outils de programmation existants, notamment avec les contrats de plan État-régions pour les DROM et les contrats de développement pour les COM.

Le CESE a souligné la nécessité d’avoir deux niveaux d’indicateurs de suivi : d’une part, des indicateurs communs pour la mesure de la convergence comprenant notamment les dix nouveaux indicateurs de richesse prévus par la loi du 13 avril 2015, mais aussi quelques indicateurs communs, déjà disponibles, qui permettent de se comparer à l’échelle régionale et internationale ; d’autre part, des indicateurs de suivi et d’évaluation de chaque politique publique mise en œuvre dans chaque territoire.

Pour le CESE, les constats interpellent sur la nécessité de revisiter dans tous les outre-mer le modèle de développement durable apte à créer suffisamment de richesses supplémentaires et suffisamment d’occasions de travail pour réduire les taux de chômage.

Dans ce monde en plein bouleversement, les défis à relever sont immenses, mais les possibilités le sont également. Chaque collectivité ultramarine dispose d’une richesse patrimoniale naturelle et humaine exceptionnelle, qu’il convient non seulement de préserver, mais aussi de valoriser.

Le CESE a approuvé l’esprit de la méthode d’élaboration du projet de loi, consistant à définir à l’échelle de chaque collectivité ultramarine un projet de société à long terme, dans le cadre d’une démarche de démocratie participative, et en application du principe de subsidiarité. Aussi, l’enjeu principal pour la présente loi de programmation est non seulement de rappeler que les populations des outre-mer ont droit à l’égalité réelle au sein du peuple français, mais aussi de définir avec la plus grande clarté la bonne méthode et les bons outils pour que ce droit devienne demain plus réalité qu’aujourd’hui.

Je terminerai en reprenant cette citation concluant le rapport sur l’état de la France 2016 du CESE : « Le pays doit assumer ses contradictions, développer ses atouts pour les transformer en richesses futures, croire toujours en la France et l’aimer. »

Je vous remercie de nouveau d’avoir permis au Conseil économique, social et environnemental d’exposer devant vous son avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, dans leur rapport de 2014 rédigé au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur les niveaux de vie dans les outre-mer, Éric Doligé et Michel Vergoz résumaient la situation actuelle des territoires ultramarins en ces termes : « Îlots de prospérité dans leurs environnements régionaux respectifs grâce aux politiques publiques menées depuis la Libération, les outre-mer, à des degrés divers, accusent cependant un net retard de développement par rapport à l’hexagone, retard qui se mesure parfois en dizaines d’années et dont la résorption se ralentit aujourd’hui, voire pour certains territoires tend à se creuser à nouveau. »

Ce constat est ancien et constant. Certes, au sein de leur environnement régional, nos territoires ultramarins, quels que soient leur statut institutionnel au sein de notre République et leur situation géographique, représentent un îlot de prospérité en comparaison de leurs voisins. Cependant, les écarts de niveaux de vie entre les populations ultramarines et la population hexagonale demeurent importants. Cette injustice est d’autant plus mal perçue que les Ultramarins bénéficient des mêmes droits que leurs concitoyens de l’Hexagone. Les événements sociaux dans les Antilles en 2008 et, plus récemment, à Mayotte en 2011 et à La Réunion en 2012 témoignent d’une certaine exaspération des populations ultramarines et de leur volonté de parvenir à un niveau de vie équivalent.

Pouvons-nous accepter qu’un peu moins de 3 millions de nos concitoyens ultramarins ne bénéficient pas des mêmes droits économiques et sociaux que ceux qui vivent dans l’Hexagone ? Bien sûr que non ! Il convient dès lors de fixer un socle juridique et économique opérationnel, afin d’aider les territoires ultramarins à définir les voies de leur développement qui leur paraissent les plus adaptées. Il convient d’être attentif aux propositions formulées par notre collègue rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Victorin Lurel, dans le cadre d’une mission destinée à réfléchir – vous y faisiez référence, madame la ministre – aux moyens de parvenir à une égalité réelle entre les territoires ultramarins et l’Hexagone. Ce projet de loi, que nous examinons à partir d’aujourd’hui, tente d’y apporter une réponse.

Cette recherche d’une égalité réelle entre territoires ultramarins et territoire hexagonal, que vous appelez de vos vœux, madame la ministre, est évidemment partagée par le Sénat. On peut cependant regretter que ce projet de loi arrive tardivement, en fin de législature, éveillant chez certains de nos collègues un soupçon d’affichage à la veille des prochaines échéances électorales.

Par ailleurs, le fort enrichissement de ce texte par l’Assemblée nationale a affaibli la portée initiale du projet de loi, en y intégrant des « cosmétiques » législatifs, souvent sans portée normative. D’autres ajouts sont satisfaits par le droit en vigueur. Enfin, plusieurs, sous couvert d’apporter à nos concitoyens ultramarins des dispositifs ambitieux, soulèvent d’importantes questions juridiques, souvent d’ordre constitutionnel.

Voilà pourquoi la commission des lois a souhaité redonner un souffle à ce projet de loi, qui en avait perdu à la suite de son adoption par l’Assemblée nationale. Elle a suivi deux directions.

La première a consisté à supprimer toutes les dispositions inutiles, non normatives ou déjà satisfaites par le droit en vigueur. La commission a également supprimé les dispositions qui soulèvent de nombreux risques d’inconstitutionnalité, à titre conservatoire, afin que le Gouvernement puisse déposer des amendements solides, ce que vous avez fait, madame la ministre.

Ainsi, à propos des dix-huit demandes de rapport du Gouvernement au Parlement, votre commission des lois a estimé que ces rapports ne sont pas toujours remis au Parlement, a fortiori dans les délais impartis. Le Gouvernement devrait plutôt se doter d’outils statistiques nécessaires pour suivre dans la durée l’évolution de la situation des collectivités ultramarines plutôt que d’encombrer l’administration centrale de demandes de rapports à remettre au Parlement au moment où les actions de convergence sont prioritaires. La commission a néanmoins conservé les deux rapports présentant un intérêt dans le cadre des plans de convergence prévus par le présent projet de loi, en matière de prospérité économique, d’une part, et de connectivité dans les domaines des transports et des déplacements, d’autre part. Elle a en revanche supprimé toutes les autres demandes de rapport.

Sa position a été identique à l’article 17, relatif à la discrimination en matière de domiciliation bancaire, qui remettrait en cause la récente harmonisation des critères de discrimination opérée dans les champs civil et pénal.

Votre commission a supprimé à titre conservatoire l’article 19, prévoyant un Small Business A ct, en ce qu’il soulevait un problème de constitutionnalité. Je remercie le Gouvernement des réponses qu’il a apportées à nos interrogations, et je me félicite du travail effectué par notre collègue Michel Magras ; nous soutenons son amendement.

Tout en partageant l’objectif de renforcement du dispositif de lutte contre le fléau de l’orpaillage illégal en Guyane, votre commission a supprimé à titre conservatoire l’article 29 bis, qui confère aux officiers de police judiciaire, ainsi qu’aux agents de police judiciaire, dans le seul cadre du dispositif de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, le pouvoir de procéder à des confiscations et destructions de biens ayant servi à une exploitation minière illégale. Ces décisions relèvent exclusivement de la compétence des autorités judiciaires. Les dispositions retenues par l’Assemblée nationale se révèlent donc contraires à la Constitution. Or, pour combattre le fléau de l’orpaillage clandestin, on ne peut pas se contenter de dispositions d’affichage : il nous faut adopter des dispositifs pleinement opérationnels et solides juridiquement.

Enfin, la commission a supprimé l’article 48, estimant qu’une telle disposition était dénuée de portée juridique et que cadastrer l’ensemble du territoire guyanais, outre les moyens colossaux que cela nécessiterait, présentait un intérêt fiscal limité.

Le deuxième axe qui a irrigué les travaux de notre commission des lois a consisté à renforcer la cohérence juridique des dispositifs proposés.

Ainsi, à l’article 3 bis, la commission a supprimé la disposition selon laquelle la continuité territoriale devrait être assurée « indépendamment de l’obtention d’une quelconque autorisation préalable émanant d’un État tiers », estimant que cette précision portait atteinte à la souveraineté des États concernés.

À l’article 4, elle a simplifié l’architecture du dispositif des plans de convergence, en s’inspirant des propositions formulées par M. Lurel dans son rapport du mois de mars 2016. Les plans de convergence prévoiraient ainsi dès leur signature le choix du dispositif contractuel mis en œuvre et les actions à entreprendre, ainsi que leur programmation financière, à charge pour les signataires de les préciser dans des contrats de plus courte durée. Ce dispositif permet de concilier programmation à long terme et souplesse.

Enfin, à l’heure où nous parlons d’égalité réelle, je souhaite que soit aussi évoquée la différenciation territoriale, chère à notre collègue Michel Magras ; elle fait la richesse de notre pays, à condition qu’il se saisisse de cette chance. Notre défi est de prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins pour, en fonction des situations, tirer chaque fois le meilleur parti de leurs atouts, tout en corrigeant leurs faiblesses. C’est à cette condition que nous parviendrons à réduire les différences et à avoir une convergence entre outre-mer et Hexagone.

Tels sont les principaux apports de la commission des lois du Sénat, qui clarifient un texte dont nos concitoyens d’outre-mer sont en droit d’attendre moins de postures que de dispositions efficaces et applicables.

Je tenais à remercier Mme la ministre de son écoute permanente. Je me félicite du travail que nous avons pu réaliser avec l’ensemble des rapporteurs pour avis. Mes remerciements s’adressent également à M. le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’à M. le président de la commission des lois.

Enfin, je remercie M. le président du Sénat d’avoir permis la création de la délégation à l’outre-mer, donnant ainsi l’occasion aux sénatrices et aux sénateurs de l’Hexagone qui le souhaitent de travailler utilement sur ces dossiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La délégation à l’outre-mer a été créée sous la présidence de Jean-Pierre Bel !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est en quelque sorte un aboutissement. Il permettra de reprendre des dispositions importantes du rapport relatif au foncier – c’est un problème épineux ! – que nous avons rédigé sous la présidence de Michel Magras. Je crois que nous avons là un bel exemple du pragmatisme que vous avez appelé de vos vœux, madame la ministre, en citant le général de Gaulle.

Le Sénat a montré qu’il était plus que jamais la voix des territoires, de tous les territoires !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président, en ma qualité d’Ultramarin, mais également de président de la délégation à l’outre-mer, je souhaite vous remercier de vos propos introductifs. Ils témoignent, s’il en était besoin, de la fidélité et de la force de votre engagement au service des outre-mer. Je crois que nos populations et nous tous dans cet hémicycle vous en sommes particulièrement reconnaissants.

Saisie des vingt-cinq articles du volet économique de ce projet de loi, la commission des affaires économiques s’est efforcée non seulement d’en améliorer la cohérence et le réalisme, mais aussi de lui donner un peu plus de « percussion ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Chacun l’a constaté, ce projet de loi a changé de volume et de nature après son passage chez nos collègues députés. Pour tirer le meilleur parti de cette rafale de 116 mesures, six commissions sénatoriales ont été saisies.

Pour notre part, nous faisons observer que le socle juridique opérationnel pour le législateur dans le domaine économique, c’est l’adaptation aux réalités et la différenciation. Nous avons entendu les propos de M. le rapporteur de la commission des lois à cet égard.

Sur cette base, notre approche de ce volet économique répond à trois lignes directrices.

D’abord, nous avons approuvé sans modification ou en nous limitant à des correctifs rédactionnels plusieurs dispositions pour favoriser les échanges de courriers entre les outre-mer et l’Hexagone, la continuité territoriale et l’aide à la formation des jeunes Ultramarins. Encore faut-il que ces aides n’alimentent pas une hausse des prix des billets d’avion.

Ensuite, pour ce qui concerne les modifications du code de commerce et l’enjeu fondamental de la formation des prix dans les outre-mer, nous avons d’abord remis de la cohérence entre des dispositions contradictoires, les unes visant à lutter contre la vie chère et les autres contre les denrées alimentaires à bas prix. Attention ! Pour protéger les producteurs locaux, on nous propose un remède miracle : endiguer les importations de denrées alimentaires à bas prix. Mais les consommateurs pauvres qui les achètent n’ont de toute manière pas vraiment les moyens de choisir autre chose.

Par conséquent, je souligne que, pour véritablement aider l’agriculture locale, il faut aussi, et surtout, lutter contre les ravageurs et contre toutes les normes qui nous sont appliquées outre-mer, pénalisant considérablement la production locale. En ce sens, à la suite d’un excellent rapport réalisé en son sein, notre délégation a proposé une résolution, que le Sénat a adoptée à l’unanimité et qui fait son petit chemin auprès de la Commission européenne, pour tenter d’adapter les normes européennes aux réalités de nos territoires.

Il est également impératif de trouver le bon curseur pour l’intervention de l’administration dans la fixation des prix en outre-mer. L’automaticité et l’ampleur du rôle dévolu au préfet nous ont paru un peu excessives dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Dans le même temps, souvenons-nous que les prix à la consommation sont un sujet explosif. L’État doit y être attentif et pouvoir utiliser au bon moment des moyens d’action efficaces et bien ciblés, sans pour autant tomber dans l’interventionnisme systématique.

Enfin, nous vous proposons de faire preuve d’audace en soutenant l’idée d’une expérimentation d’un Small Business A ct ultramarin et en fortifiant le dispositif.

Certes, nous avons bien conscience que le juge constitutionnel est attentif au respect du principe de libre accès à la commande publique, mais, d’une part, nous proposons une expérimentation limitée à cinq ans et, d’autre part, les outre-mer bénéficient en droit européen et en droit français de larges possibilités d’adaptation. Je me permets de faire référence à la récente décision judiciaire européenne connue sous le nom d’arrêt Mayotte, qui a montré que l’article 349 du traité fondateur de l’Union européenne n’était pas suffisamment appliqué, alors que ce dispositif offre des possibilités particulièrement intéressantes d’adaptation du droit européen aux réalités de nos territoires.

Plus fondamentalement, il nous a semblé impératif de favoriser l’émergence de nouveaux candidats susceptibles, au final, de fortifier la libre concurrence. De ce point de vue, nous estimons qu’il serait dommage que le législateur s’autocensure en se pliant par avance à une conception selon moi trop statique du principe de libre accès à la commande publique.

Une telle initiative doit favoriser les réseaux de micro-entreprises ultramarins. De tels réseaux, qui ont une réactivité exceptionnelle, ont fait de l’Italie du Nord la deuxième région industrielle de l’Europe. Nos outre-mer pourraient s’en inspirer !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – MM. Jeanny Lorgeoux et René Vandierendonck applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a été saisie pour avis sur vingt-neuf articles du projet de loi, dont vingt-cinq nous ont été délégués au fond.

Je dois vous dire qu’il m’est assez difficile de vous donner une vision d’ensemble du volet social de ce texte, tant les sujets abordés sont divers. Sur l’assurance maladie et la santé, sur la politique familiale, sur l’assurance vieillesse, sur la solidarité et le logement et, enfin, sur l’emploi et la formation professionnelle, les dispositions sont éparpillées, souvent adoptées dans la précipitation ; elles ne sont parfois que de complaisance et ne sont pas toujours assorties d’une étude d’impact. Par exemple, sur le volet famille, nous avons pour plusieurs prestations sociales, comme le complément familial, une série de revalorisations ciblées et d’extensions partielles, sans réflexion préalable ni remise à plat de dispositifs qui se sont empilés et complexifiés au fil du temps.

Voilà pourquoi la commission des affaires sociales vous propose de supprimer plusieurs dispositions du texte transmis par l’Assemblée nationale ; nous les avons considérées comme étant trop peu normatives ou déjà satisfaites par d’autres pans du droit, ou comme ayant un simple objectif d’affichage. Ces propositions de suppression, il est vrai nombreuses, ne constituent cependant pas une posture politique. Nous sommes ainsi favorables à l’adoption de plusieurs des amendements extérieurs présentés sur le texte dès lors qu’ils nous semblent répondre de manière satisfaisante à un problème qui se pose effectivement dans les territoires ultramarins.

Nous avons par ailleurs souhaité enrichir nous-mêmes le texte en déposant un amendement visant à une convergence progressive, sur dix ans, du taux de la cotisation sociale sur les boissons alcooliques entre les outre-mer et l’Hexagone. En effet, s’il doit y avoir un domaine où l’égalité parfaite est la seule acceptable, c’est bien celui de la santé. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de débattre en profondeur de cette disposition.

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur la notion d’« égalité réelle ». Bien que l’expression ait déjà été actée dans le titre d’un autre texte du quinquennat, je vous avoue ici ma grande perplexité. Cela signifierait-il donc qu’il pourrait exister a contrario une égalité qui ne serait que de principe, sans se traduire dans les faits ? Ce serait là, me semble-t-il, reconnaître l’impuissance des textes que nous adoptons, ainsi que des politiques publiques menées dans notre pays. Face pourtant aux défis majeurs auxquels doivent faire face plusieurs de nos territoires, je crois que nous devrions ici, sans nous attacher à des concepts qui ne sont bien souvent que d’affichage, privilégier une approche plus claire et sans doute plus adaptée aux diverses situations de ces territoires.

Je m’interroge également sur l’application de la notion d’égalité réelle à l’ensemble des outre-mer. Il me semble en effet que l’objectif n’est pas ici d’aboutir à une uniformité complète entre ces territoires et l’Hexagone. De toute manière, cette uniformité serait chimérique, tant les enjeux et les situations de développement sont contrastés. Je crois au contraire que nous devons prendre en compte ces différences et définir, en tenant compte des spécificités de chaque territoire, une dynamique de convergence plutôt qu’un objectif d’égalité parfaite, en tout état de cause inatteignable.

Madame la ministre, je vous remercie de votre écoute attentive. Nos échanges ont été fructueux. Nous partageons, je crois, une même ambition pour les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, au titre de sa compétence en matière d’éducation, de langue française et de communication audiovisuelle, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis de sept articles. Aucune de ces dispositions ne figurait dans le projet de loi initial ; trois sont toutefois issues d’amendements du Gouvernement. L’examen de quatre de ces dispositions nous a été délégué au fond par la commission des lois, les trois autres ne faisant l’objet que d’un simple avis.

L’article 13 C, qui prévoit d’étendre le champ des activités financées par le Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS, aux échanges scolaires dans l’environnement régional des territoires ultramarins, et l’article 13 E, qui habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à une révision des dispositions de nature législative du code de l’éducation spécifiques à l’outre-mer, ne posent pas de difficulté particulière. C’est pourquoi notre commission a proposé à la commission des lois de les adopter avec une modification rédactionnelle à l’article 13 C.

L’essentiel des débats au sein de la commission de la culture a porté sur l’article 13 bis, qui permet au Gouvernement de rendre, à titre expérimental, et pour une durée de trois ans, l’instruction obligatoire pour les enfants de trois à dix-huit ans dans les départements et régions d’outre-mer. Cette disposition constitue une réponse symbolique à l’illettrisme et au décrochage scolaire, qui présentent une acuité particulière en outre-mer. Sans méconnaître ces problèmes, notre commission a estimé que cette mesure n’était pas pertinente.

S’agissant de l’abaissement à trois ans de l’obligation d’instruction, le premier obstacle à la scolarisation des enfants âgés de trois à six ans est la faiblesse de l’offre dans certains territoires, et non son caractère facultatif. En effet, aux Antilles et à La Réunion, comme en métropole, la quasi-totalité des enfants concernés sont scolarisés, sans qu’il existe d’obligation à ce sujet. Là où elle n’est pas encore la règle, cette obligation paraît peu réaliste, en particulier à Mayotte, où l’on peine à scolariser dans des conditions dignes tous les enfants déjà soumis à l’obligation scolaire, c’est-à-dire âgés de six à seize ans.

De plus, étendre l’obligation de scolarité de seize à dix-huit ans pose de nombreux problèmes. La poursuite d’études dans l’enseignement supérieur peut-elle revêtir un caractère obligatoire ? Est-ce pertinent de contraindre les jeunes décrocheurs, qui sont souvent en rupture avec l’école ou souhaitent entrer rapidement dans la vie active, à demeurer dans le système scolaire jusqu’à leur dix-huitième anniversaire ?

Ces raisons ont déterminé notre commission à proposer la suppression de cet article. Au-delà de l’affichage, il s’agit d’une mesure irréaliste et impraticable, du fait de l’absence d’une réflexion d’ensemble sur l’architecture du système éducatif.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la culture, la commission s’est vue déléguer l’examen de l’article 21 et s’est saisie pour avis des articles 20 et 21 bis.

À l’article 21, notre commission a supprimé les dispositions relatives à la valorisation des cultures des outre-mer et à la représentation de la diversité, par coordination avec les dispositions de l’article 46 du projet de loi Égalité et citoyenneté et par cohérence.

Elle n’a émis aucune objection à la possibilité d’éditer des documents d’état civil – à l’instar des livrets de famille – rédigés en français et dans une langue régionale, pourvu que seule la version française fasse foi. Elle a également émis un avis favorable à l’institution d’un grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges auprès de la collectivité territoriale de Guyane.

Enfin, s’agissant des dispositions relatives aux médias, notre commission a adopté un amendement à l’article 34 bis, qui étend aux médias privés l’obligation de rendre compte des résultats des élections générales, afin que les territoires d’outre-mer ne soient pas oubliés, comme cela a pu être le cas dans le passé.

Comme vous pouvez le voir, mes chers collègues, notre commission a œuvré dans le sens d’une amélioration des dispositions du projet de loi qui lui ont été soumises, en recherchant toujours la concision et la simplification. Comme tant d’autres, ce projet de loi en a bien besoin ! À ce titre, nous saluons le travail réalisé par la commission des lois, qui vise à recentrer le projet de loi sur son ambition initiale, en se défaisant des dispositions inutiles. Je voudrais également remercier Mme la ministre de son écoute.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis de ce texte, afin d’en analyser les dispositions qui relèvent de son champ de compétences. Elle s’inscrit ce faisant dans la continuité du travail qu’elle a déjà mené à ce sujet en 2015. Jérôme Bignon et Jacques Cornano avaient alors remis un rapport d’information consacré aux outre-mer face au défi climatique, élaboré avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui avait été l’occasion de débats approfondis.

Pour examiner le présent projet de loi, la commission s’est penchée sur quatre axes : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel ; les énergies renouvelables ; les transports et la mobilité outre-mer ; la gestion des déchets. Malheureusement, si la promesse faite dans l’intitulé du projet de loi est ambitieuse, les dispositifs proposés dans chacun de ces domaines ne le sont pas.

Premier axe : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel.

Vous le savez, mes chers collègues, les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité nationale, 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France. Des risques importants pèsent sur cette biodiversité : quatre des cinq points chauds français se situent dans les outre-mer. Pourtant, le projet de loi ne comporte aucune disposition relative à la reconquête de la biodiversité.

Quatre articles du texte issu de l’Assemblée nationale traitent indirectement de la protection du patrimoine naturel en prévoyant le renforcement des dispositifs de contrôle. Cependant, ils apparaissent anecdotiques au regard des dispositifs existants, nationaux ou locaux. La commission des lois en a d’ailleurs supprimé deux en raison de leur fragilité juridique.

Les initiatives locales ne manquent pourtant pas dans ce domaine. Je pense, par exemple, au programme de lutte contre les espèces exotiques envahissantes mené par le gouvernement de la Polynésie française, qui a pour objectif de former les populations. La réserve nationale naturelle de Saint-Martin a également été à l’origine de la création de l’Institut caribéen de la biodiversité insulaire.

Deuxième axe : les énergies renouvelables.

L’indépendance énergétique est un enjeu stratégique majeur pour les régions insulaires. Elles disposent des énergies renouvelables parmi les plus avancées : hydroélectricité, photovoltaïque, éolien ou biomasse issue de la bagasse de canne à sucre. Pourtant, la consommation d’énergie primaire des territoires ultramarins reste très dépendante des énergies fossiles. Or on ne trouve aucune disposition à ce sujet dans le projet de loi. Cela est particulièrement regrettable lorsqu’on constate, par exemple, que 80 000 Guyanais ne sont pas raccordés au réseau et que 12 000 d’entre eux doivent produire eux-mêmes leur électricité, à l’aide de groupes électrogènes.

Troisième axe : la mobilité et les transports.

Le développement des infrastructures, comme des services de transport, est un enjeu fondamental pour renforcer l’attractivité des outre-mer et favoriser leur développement économique et touristique, en aidant certains territoires à sortir de leur enclavement. Les outre-mer possèdent en moyenne moins de deux kilomètres de voirie départementale pour 1 000 habitants, contre 5, 8 kilomètres pour 1 000 habitants dans l’Hexagone. Les services collectifs de transport ne sont pas suffisamment développés. Le constat n’est guère plus encourageant pour les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Face à cette situation, le texte ne prévoit aucune mesure concrète, à part la remise de rapports du Gouvernement au Parlement.

Quatrième axe : le traitement des déchets, un enjeu sanitaire et environnemental capital en outre-mer.

Si des progrès importants ont été réalisés depuis une vingtaine d’années, avec la fermeture de nombreuses installations non autorisées, les décharges y seront partout saturées d’ici à deux ou trois ans. Aucun territoire, hormis la Martinique, n’est doté d’une installation d’incinération ou de méthanisation des déchets.

L’article 22, qui inscrit dans la loi le principe d’actions et de soutiens spécifiques dans les outre-mer pour améliorer l’efficacité des filières de recyclage, n’emporte pas d’effet réel. Ce qu’il prévoit est d’ailleurs déjà pris en compte par les nouveaux cahiers des charges des éco-organismes des filières papier et emballages issus des arrêtés des 21 octobre et 2 novembre 2016. Nous avons la même analyse pour l’article 24 bis sur la valorisation énergétique des déchets, qui a été supprimé par la commission des lois.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donc exprimé des réserves sur l’efficacité d’un tel empilement de mesures : elles sont peu normatives et souvent illisibles ; elles n’emportent pas d’effet juridique et, surtout, consacrent une trop faible part aux enjeux de développement durable et d’aménagement du territoire. Malgré ce manque d’ambition, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi de nature transversale.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, la France possède le deuxième domaine maritime mondial, grâce à la très importante longueur de côtes de l’Hexagone et, aussi et surtout, à ses onze territoires d’outre-mer, qui constituent effectivement une grande richesse. Ce domaine maritime recèle un potentiel économique considérable pour la France ; il représente un espoir de développement significatif. C’est pourquoi le présent projet de loi est aussi important à nos yeux : il vise à permettre, cela a été dit par les orateurs précédents, le développement des territoires ultramarins, dont chacun voit bien les différences avec la situation dans l’Hexagone. Il convient donc, par ce texte, de les corriger.

Le mouvement a cependant été lancé il y a déjà plusieurs années. Il y a plus de trente ans, la loi Pons a conduit à la mise en place de programmes spécifiques en direction des territoires ultramarins. Ces programmes furent corrigés en 2001 par la loi Paul, qui en a restreint les avantages, et en 2003 par la loi Girardin, qui a de nouveau accru l’importance des dispositifs dédiés.

Cet ensemble d’actions à destination des outre-mer est tout à fait significatif. On peut évaluer à 4 milliards d'euros l’effort fourni par la France en direction des outre-mer, dont 800 millions d'euros pour ce qui a trait aux dispositifs intéressant particulièrement la commission des finances. Je pense notamment aux dispositifs de déduction fiscale ou de défiscalisation – au nombre de quatre actuellement –, mais aussi aux politiques spécifiques de crédit d’impôt, qui ont été étendues au fil des années.

De quinze articles qu’il contenait dans la version du Gouvernement, le projet de loi qu’il est donné au Sénat d’examiner ce jour ressort des discussions à l’Assemblée nationale à cent seize. C’est dire l’étendue de l’inflation législative qu’il revient au Sénat de corriger, ce à quoi la commission des finances, saisie de quinze articles, s’est attelée. Nous avons ainsi proposé la suppression de deux articles, ainsi que la modification à la marge de certaines mesures contenues dans les autres.

Sept des quinze articles que nous avons examinés portent sur les dispositifs de défiscalisation, huit sur des dispositifs divers, ayant trait à des actions spécifiques en direction des outre-mer : l’octroi de mer, les zones franches d’activité, le fonds d’investissement de proximité, les frais de garderie au titre de l’Office national des forêts… Bref, un éventail assez large de dispositions issues des travaux de l’Assemblée nationale.

Beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, ont formulé des propositions complémentaires que, pour la plupart, nous ne pourrons retenir. Il nous faut en effet aller à l’essentiel, mettre en place des dispositifs dotés d’une efficacité réelle, ce qui n’est pas le cas, si j’en crois l’analyse de certains rapports sur ce sujet, de certains dispositifs décidés par nos prédécesseurs. Il appartient donc à notre assemblée de corriger l’ensemble de ces dispositifs et d’en adopter de nouveaux qui permettent un développement réel des territoires ultramarins. Par « développement réel » j’entends « développement économique » : les entreprises doivent pouvoir croître sur ces territoires, qui doivent devenir autonomes et fournir les emplois qui maintiendront sur place les populations.

Les questions de logement ne sont bien sûr pas absentes de ce débat, et différents dispositifs fiscaux ont été mis en œuvre en ce sens. Cependant, j’en reste là, car nous aurons l’occasion d’examiner l’ensemble de ces sujets lors de nos débats.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les territoires d’outre-mer sont marqués depuis des décennies par des difficultés sociales et économiques, par des inégalités héritées de l’histoire coloniale que la République peine à résoudre. Les taux de chômage y sont deux fois plus élevés que dans l’Hexagone : 21, 3 % en Guyane en 2013, par exemple, et 29 % à La Réunion, selon l’Observatoire des inégalités. Les problèmes éducatifs, sanitaires, économiques, d’accès aux droits, d’accès aux services publics, d’accès à l’emploi sont régulièrement dénoncés par les habitants, les associations et les élus de ces territoires. Pourtant, les choses avancent peu.

Le projet de loi vise à répondre à une partie de ces problèmes. Il est donc attendu. Lorsque nous en avons pris connaissance, nous nous sommes d’abord interrogés sur le sens de son intitulé. Que pouvait bien vouloir dire le concept d’« égalité réelle » ? Serait-il possible d’imaginer que l’égalité soit autre chose que réelle ?

Dans la présentation du projet de loi, il est indiqué que l’égalité réelle est comprise dans le sens que lui donne Amartya Sen, qui a redéfini l’égalité à la fin des années quatre-vingt-dix. Elle s’étudie, selon lui, en regardant comment l’accès aux biens et aux services est converti en ce qu’il appelle des « capabilités », c'est-à-dire des possibilités d’action, des réalisations personnelles, des accomplissements. Lorsque l’on parle des outre-mer, on voit immédiatement que ces « capabilités » sont entravées, qu’elles ne sont pas les mêmes que dans l’Hexagone.

Cela fait écho à de nombreux exemples dont nous ont fait part les communautés amérindiennes que nous avons rencontrées en septembre dernier, la députée Marie-Anne Chapdelaine et moi-même, lors de notre mission en Guyane. Au cours de cette mission parlementaire sur l’épidémie extrêmement préoccupante de suicides des jeunes Amérindiens de Guyane, signe d’un mal profond, nous avons en effet rencontré des habitants de tous âges, beaucoup de jeunes et de femmes, des villages de l’intérieur. Ils sont volontaires, ils ont de nombreux projets, mais leurs actions et leur motivation ne trouvent que trop peu d’écho.

Pourquoi ne pas développer davantage les formations, les apprentissages et les emplois utiles sur place, au plus près des gens ? Lors de notre déplacement en Guyane – exemple représentatif –, la mission locale de Maripasoula était fermée depuis un an et demi, pour une durée indéterminée et sans raison explicite.

Les problèmes sont nombreux. Le projet de loi et les treize titres qui le composent montrent bien l’étendue de la tâche. Le plan de convergence qu’il propose est plein de bonnes intentions. Ce texte nous semble donc aller dans le bon sens, mais encore faut-il que les objectifs soient atteints. Il faut pour cela mettre en place les mécanismes nécessaires.

La République est unique et diverse, c’est son indubitable richesse. Mais c’est là que réside aussi la difficulté, par exemple lorsqu’il faut mettre en place des politiques publiques. Il n’est pas possible de calquer ce qui est mis en place dans l’Hexagone de façon indifférenciée en outre-mer. Vous venez d’insister sur ce point, madame la ministre. Vous avez également indiqué vouloir encourager des stratégies différenciées et coconstruites. Il nous semble que cette démarche va dans le bon sens.

Nous avons déposé des amendements s’inscrivant dans cette ligne et portant notamment sur l’accès à l’éducation en langue maternelle, sur l’information des jeunes en matière de santé, sur le renforcement de la représentation institutionnelle des populations autochtones, notamment sur la transformation du Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenges en grand conseil coutumier, auquel nous proposons de donner un pouvoir et une capacité d’initiative beaucoup plus importants. Nous proposons également – nous insistons sur ce point – la création d’un observatoire du suicide en Guyane, pour s’attaquer enfin, de façon spécifique et au plus près du territoire, à ce problème grave, douloureux, insupportable. C’est tout à fait nécessaire pour créer rapidement les conditions d’un mieux-être pour tous ces jeunes qui n’ont plus d’espoir en l’avenir.

Nous souhaitons par ailleurs réintégrer l’article instaurant un jour de commémoration nationale de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, ainsi qu’une journée en hommage aux victimes de l’esclavage colonial.

Enfin, nous proposons de réintégrer des mesures supprimées en commission au Sénat visant à lutter contre l’orpaillage illégal, dont nous avons vu les ravages en Guyane, tant sur la sécurité que sur la santé des habitants, le mercure utilisé par les orpailleurs illégaux étant rejeté dans les cours d’eau.

Pour aller plus encore au fond des choses, le groupe écologiste regrette que certaines mesures structurelles, dont nous avons demandé la mise en place à plusieurs reprises, ne soient toujours pas proposées sur plusieurs sujets majeurs.

Sur le plan énergétique, d’abord. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a évoqué la question : comment se fait-il, alors que les ressources naturelles sont particulièrement favorables, qu’un plan ambitieux de promotion des énergies renouvelables ne soit pas encouragé ? Solaire, éolien, biomasse : dans tous ces territoires, il y a des possibilités énormes. Nous proposons donc de renforcer l’autonomie énergétique, de développer des filières modernes et d’offrir, à tous les niveaux, des formations et des emplois dans ces secteurs à une population dont vous avez relevé, madame la ministre, les atouts et le talent.

Sur le plan économique, ensuite : pourquoi ne pas encourager davantage les productions locales en agriculture et en aquaculture ? Pourquoi ne pas plus valoriser la pêche et toutes les industries de transformation ?

Sur le plan environnemental, enfin : des menaces graves pèsent sur la biodiversité, dans des régions où elle est souvent fragile, les territoires insulaires notamment. Je pense aux coraux en Nouvelle-Calédonie, à la forêt amazonienne, menacée par l’orpaillage, au mercure dans l’eau des fleuves en Guyane. Je pense aussi aux dangers de l’exploitation minière si elle est insuffisamment encadrée.

Il faut aborder ces enjeux immenses, structurels, si l’on veut renforcer la lutte contre le chômage, contre la pauvreté, contre la vie chère. De nombreux produits alimentaires ou industriels sont importés, à très haut prix, notamment de l’Hexagone, alors qu’un développement plus endogène permettrait d’avoir un impact environnemental moindre, des prix plus doux et une production locale au service de l’emploi et de l’initiative des habitants.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte d’une extrême importance pour nos territoires d’outre-mer, car il vise à réduire les écarts de développement sociaux et économiques entre les populations ultramarines et de métropole. En effet, des écarts significatifs de niveau de vie persistent toujours malgré, je veux le souligner, une réelle dynamique de rattrapage économique et des politiques de développement volontaristes menées par ce gouvernement. Entre pauvreté, logements insalubres, décrochage scolaire, taux de chômage bien plus élevé que dans l’Hexagone ou encore PIB par habitant de 30 % à 80 % inférieur, ces inégalités de développement entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone restent patentes.

Ce texte se fixe comme objectif ambitieux de parvenir à l’égalité réelle et de mettre en œuvre l’un des soixante engagements de campagne de François Hollande, auquel les Ultramarins ont massivement fait confiance en 2012.

Certains s’interrogent sur le choix de cette sémantique, opposant selon eux égalité réelle et égalité virtuelle. Il ne s’agit bien évidemment pas de cela. Il s’agit de combattre ici et pour l’avenir des inégalités qui sont incontestablement réelles. Il ne s’agit pas non plus d’égalitarisme. Il s’agit, bien au contraire, de concilier notre conception républicaine unitaire de l’égalité avec l’extrême diversité de nos territoires.

La rédaction du projet de loi a été inspirée par les conclusions du rapport de Victorin Lurel, remis en mars 2016 au Premier ministre et par les avis et propositions de citoyens – membres d’associations, acteurs économiques, élus, étudiants, retraités, artistes, sportifs – d’outre-mer et de l’Hexagone, recueillis au terme d’une large consultation participative. Il répond à une demande forte, ancienne et légitime de ces territoires lointains.

Parmi les apports majeurs de ce texte, je relève la mise en place de plans programmés et pluriannuels de convergence propres à chaque territoire, déterminant un objectif de rattrapage avec la métropole en dix ou vingt ans. Le volet social visant la convergence des droits sociaux vers les standards nationaux, initialement consacré à Mayotte, a été étoffé. Il renforce notamment, et je m’en réjouis, la protection des Mahorais en matière de prestations familiales et d’assurance vieillesse. Enfin, d’autres mesures visent l’égalité réelle en matière d’accès aux opportunités économiques et à l’initiative entrepreneuriale.

Le texte contient également des dispositions en faveur du renforcement de la concurrence, de l’investissement dans le capital humain, de l’accès aux droits économiques et de la lutte contre la vie chère.

Initialement composé de quinze articles, ce texte nous est revenu de l’Assemblée nationale enrichi – je préfère utiliser ce terme – d’une centaine d’articles supplémentaires, modifiant ainsi son envergure, de même que son ambition. Ainsi, des dispositions en faveur de l’égalité hommes-femmes, pour lutter contre l’illettrisme, l’obésité et l’alcoolisme, pour l’accès aux soins, la représentativité des syndicats locaux ou encore la préservation de l’environnement ont été introduites. La mobilité et la continuité territoriale et numérique n’ont pas été oubliées et font désormais l’objet d’un titre entier au profit de la jeunesse ultramarine étudiante ou en formation.

Madame la ministre, nous vous proposerons également d’enrichir ce texte en séance afin de traiter de l’ensemble des problématiques soulevées par l’objectif d’égalité réelle. Je laisse à mes collègues le soin de présenter en détail les amendements relatifs à leur territoire pour me concentrer sur celui que je connais le mieux : Mayotte.

Tout d’abord, je me félicite de ce que la commission des lois du Sénat ait adopté quatre de mes amendements pour ce territoire.

Les employeurs particuliers pourront désormais bénéficier de la déduction forfaitaire patronale de cotisations de sécurité sociale liée à l’emploi d’une personne à domicile, qui atteindra le niveau en vigueur dans les autres départements d’outre-mer d’ici à 2036, afin de ne pas créer un avantage indu, les prélèvements sociaux et les cotisations sociales étant pour l’heure plus bas qu’ailleurs.

L’économie sociale et solidaire pourra pleinement s’appliquer dans le département de Mayotte, puisque l’ordonnance du 7 avril 2016 a été ratifiée.

En outre, l’erreur survenue lors de la recodification des dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime, qui avait écarté l’applicabilité outre-mer du titre relatif aux baux emphytéotiques, sera corrigée et l’état antérieur du droit positif rétabli.

Enfin, la composition de la juridiction d’assises à Mayotte sera modifiée et son fonctionnement de fait amélioré, de manière à tenir compte de la situation particulière de notre île, tout en garantissant l’égalité devant la loi pénale pour les personnes résidant outre-mer.

En revanche, je regrette que trois de mes amendements, relatifs à la fiscalité locale et l’adaptation du droit du sol à Mayotte, aient été repoussés. La spécificité et l’insoutenabilité de la situation de l’île en matière fiscale et migratoire les rendaient pourtant indispensables. C’est la raison pour laquelle j’ai redéposé ces amendements en séance. J’y reviendrai donc plus longuement au moment de leur discussion, car il me semble qu’un véritable débat doit être engagé sur ces questions devant la représentation nationale.

Nous en avons tous pleinement conscience, il faudra du temps et de la patience pour mettre en œuvre toutes ces dispositions. D’une part, parce que nos territoires sont très différents les uns des autres en matière de géographie, de climat ou encore d’histoire institutionnelle. D’autre part, parce qu’il faudra échelonner ces mesures afin de ne pas surcharger le budget de l’État en ces temps difficiles.

Néanmoins, ce projet de loi, très attendu par les 2, 75 millions de Français qui vivent en outre-mer, assurera, j’en suis convaincu, la convergence de nos territoires avec l’Hexagone. Il témoigne d’une réelle prise de conscience du retard accumulé et de l’urgence à y apporter des réponses. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain du Sénat votera en faveur de ce texte.

J’en terminerai en remerciant la ministre pour la qualité de son écoute, le rapporteur et les rapporteurs pour avis pour la qualité de leur travail et les sénateurs qui ont participé – et cela ne fait que commencer – à l’enrichissement de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les populations de ce qu’on appelait « les quatre vieilles colonies » – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion – étaient dans un état de misère effroyable du fait des années de guerre, bien sûr, mais aussi et surtout du fait de leur statut colonial. Les progressistes de ces pays devenus parlementaires, Césaire, Bissol, Monnerville et Vergès, ont fait voter à l’unanimité une loi qui mettait fin officiellement au régime colonial et donnait à ces colonies le statut de département.

Cette loi d’intégration votée le 19 mars 1946 était proclamée comme une loi d’égalité. Elle prévoyait dans son article 2 que, au 1er janvier 1947, toutes les lois sociales existantes en France seraient étendues à tous les habitants de ces nouveaux départements. On connaît la suite.

Cette loi a été trahie par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1946, et cela, quelle qu’ait été leur couleur politique. Il a, par exemple, fallu attendre plus de cinquante ans, après des luttes populaires acharnées, pour obtenir l’égalité sociale dans les DOM au niveau tant du SMIC, des allocations familiales que d’autres prestations sociales.

Mais l’égalité n’est pas seulement sociale. D’autres marqueurs doivent être pris en compte, tels que le PIB par habitant, l’IDH, voire l’indice de Gini. De ce point de vue, l’égalité est loin d’être réalisée, et les écarts entre les départements d’outre-mer et la France sont considérables. C’est ce constat unanimement reconnu qui ont conduit le Président de la République et le Gouvernement à présenter le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer que nous avons à examiner.

Malheureusement, ce projet de loi ne donne pas la définition exacte de l’égalité réelle. L’exposé des motifs dit qu’elle est multidimensionnelle et qu’elle vise à combler les écarts constatés entre les outre-mer et la France hexagonale dans les droits économiques et sociaux des populations. Soulignons quelques-uns de ces écarts.

Quand le taux de chômage est de 9 % en France, il est de près de 30 % à La Réunion, ce qui correspondrait à 11 millions de chômeurs en France. Ramener le taux de chômage de La Réunion à celui de la France nécessiterait de créer 13 000 emplois dans l’île chaque année pendant dix ans, alors que La Réunion n’en crée pas 3 000 par an.

À La Réunion, près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Rapporté à la France, ce taux correspondrait à 30 millions de pauvres. On pourrait continuer de la sorte cette énumération…

Le projet de loi qui nous est proposé permet-il de combler tous ces retards et inégalités ? On peut raisonnablement se poser la question. Comment croire que ce qui n’a pas été fait pendant soixante-dix ans pourra l’être en dix, ce qui correspond à la durée du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer ? Difficile d’y croire, d’autant plus que la situation décrite plus haut va s’aggraver du fait des événements qui vont bouleverser le monde et impacter inévitablement La Réunion et les autres DOM.

Je veux citer les effets du réchauffement climatique, la démographie, la révolution technologique et les échanges économiques mondialisés. Ces derniers feront ressentir leurs effets à La Réunion dès l’année prochaine du fait de la fin des quotas et du prix garanti du sucre. C’est toute la filière canne à sucre qui est menacée, avec pour conséquence la menace sur l’emploi de 15 000 personnes. De même, les accords de partenariat économique entre les pays ACP et l’Union européenne procèdent de ces échanges économiques concurrentiels mondialisés et représentent une grave menace sur toute notre production.

Personne ne peut nier que la loi de 1946 a apporté en son temps, les luttes populaires aidant, des réponses à des problèmes auxquels nos populations étaient confrontées. Je pense à la santé, à la misère, à l’éducation, à l’absence d’infrastructures notamment. On ne peut nier les acquis dans ces domaines.

Cependant, soixante-dix ans après, la situation dans nos pays, caractérisée par un taux de chômage record, un niveau de pauvreté élevé, un nombre de personnes mal logées et frappées d’illettrisme qui ne baisse pas, montre que cette loi a atteint ses limites. Elle n’est plus en mesure de régler les problèmes présents et, à plus forte raison, de relever les nouveaux défis auxquels nos pays sont confrontés.

Cela est si vrai que nombreux sont ceux, à La Réunion comme aux Antilles et en Guyane, qui pensent que nos peuples aspirent à une véritable émancipation. Ils pensent aussi que le cadre mis en place en 1946 a atteint ses limites et qu’il convient désormais de le dépasser. L’appel à la responsabilité des populations, en leur offrant selon les lois de la République plus de compétences, plus d’autonomie, serait de mon point de vue la réponse appropriée à la situation que connaissent aujourd’hui les outre-mer. Il s’agit pour ces populations, en tenant compte du contexte mondial et régional, de relever le défi du développement durable dans les domaines économique, social, environnemental, culturel, éducatif, identitaire et institutionnel.

Un des enjeux majeurs de ce développement réside dans la nécessité d’une double insertion de nos pays dans la France et l’Union européenne, ainsi que dans leur environnement géographique.

L’histoire nous a liés dès le départ avec la France, d’abord, puis avec l’Union européenne. Il convient de consolider les acquis obtenus dans ce cadre. Cependant, nos environnements géographiques connaissent des bouleversements sur le plan tant démographique qu’économique et nos pays ne peuvent pas se tenir à l’écart de ces grands bouleversements qui s’opèrent à leurs portes.

Il est donc vital pour La Réunion comme pour tous les outre-mer de disposer de compétences élargies pour pouvoir passer avec leurs voisins des accords de coopération et de codéveloppement solidaire dans des domaines aussi divers que le commerce, la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation, la recherche, les énergies renouvelables, la lutte contre les effets du réchauffement climatique, etc.

Une nouvelle politique pour les outre-mer consisterait à les aider à relever tous ces défis. Le projet de loi qui nous est présenté le permet-il réellement ? Sincèrement, je ne le pense pas, car il reste dans le schéma classique de la loi d’intégration de 1946. Il ne tire pas toutes les leçons et les enseignements de son application pendant soixante-dix ans, notamment des inégalités créées. Il n’arme pas les outre-mer pour relever tous les défis auxquels ils doivent faire face, pas plus qu’il ne permet, comme le souhaitait le candidat François Hollande en 2012, de mettre en place ce qu’il appelait « un nouveau modèle de développement pour les outre-mer ».

Force est cependant de reconnaître que, sur le plan social, ce projet de loi corrige certains retards accumulés pendant soixante-dix ans. Compte tenu de l’état de désespérance dans lequel se trouvent beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens, il n’est pas pensable de les priver de ces nouvelles avancées sociales. Si celles-ci ne sont pas remises en cause durant nos débats, nous voterons ce texte, nonobstant toutes les réserves que je viens de formuler.

Je conclurai mon propos en évoquant le cœur du texte, lequel repose sur les plans de convergence.

Aux termes du projet de loi, l’égalité réelle serait atteinte grâce aux politiques publiques qui seraient mises en œuvre par l’État et les collectivités concernées à travers l’élaboration des plans de convergence, laquelle repose sur les dispositifs d’expérimentation, en vertu des articles 37-1 et 72 de la Constitution, ainsi que d’adaptation et d’habilitation, aux termes de l’article 73 de la Constitution.

Pour l’expérimentation, toutes les collectivités de l’Hexagone et d’outre-mer peuvent mobiliser le dispositif ; pour l’habilitation et l’adaptation, La Réunion est la seule des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution à ne pouvoir y prétendre, aux termes de l’alinéa 5 dudit article : La Réunion ne peut donc ni adapter les lois ni produire ses « propres lois ».

Se pose alors une question de constitutionnalité. Si La Réunion ne peut pas disposer d’outils nécessaires pour l’élaboration de ces plans de convergence, cette loi s’applique-t-elle à La Réunion ? La question est posée : elle est d’ordre constitutionnel. Dans ces conditions, madame la ministre, la prudence nous commande de nous abstenir sur les articles concernés.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le proclame : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Or force est de constater que partout des inégalités demeurent. C’est le cas entre les territoires ultramarins, entre ces territoires et l’Hexagone, et parfois même au sein d’un même territoire.

Sans en faire un débat philosophique, comment appréhender ce concept d’« égalité réelle » ? Devons-nous, nous, Ultramarins, accepter ces inégalités comme une fatalité, essayer de tout aligner sur les indicateurs nationaux ou devons-nous concevoir qu’il est impératif de réduire les écarts là où c’est encore possible et accepter que nos territoires soient différents et évoluent dans des aires géographiques différentes ? Comme le disait très justement Aimé Césaire lors des débats relatifs à la loi de départementalisation de 1946, « il n’y a pas d’égalité “adaptée”, il n’y a pas d’égalité “globale”. L’égalité est ou n’est pas ».

Dès à présent, je tiens malgré tout à souligner que, pour un sujet de cette importance, la procédure accélérée ne me semble pas avoir sa place. Une réflexion d’ensemble sur les inégalités et les écarts de niveau de vie dans les outre-mer aurait mérité une discussion sereine et plus approfondie ; les remarques sur le calendrier de l’élection présidentielle à venir auraient ainsi été évitées.

Le défi à relever aujourd’hui est celui de la persistance de retards nombreux et divers, malgré un nombre important de politiques volontaristes engagées ces dernières décennies ; sans être exhaustif, je peux citer la loi de programme de 1986, la LOOM, la loi d’orientation pour l’outre-mer, ou encore la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer.

Ce projet de loi, présenté en conseil des ministres au cours de l’été 2016, fait suite au rapport du député et ancien ministre des outre-mer Victorin Lurel sur l’égalité réelle outre-mer, remis au Premier ministre le 18 mars 2016 et qui a largement inspiré le présent texte. Cependant, comme l’ont souligné tous les rapports des six commissions du Sénat saisies, le texte a fait l’objet d’évolutions substantielles lors des discussions à l’Assemblée nationale, passant de 15 à 116 articles.

Lors de son examen en commissions au Sénat, il a de nouveau fait l’objet de profondes modifications, soit parce qu’elles relevaient du domaine réglementaire et non de la loi, soit parce que le Sénat, fidèle à sa ligne de conduite, s’est prononcé afin de se recentrer sur l’essentiel, notamment en supprimant les trop nombreux rapports votés par l’Assemblée nationale.

La diversité des dispositions du texte reflète bien les différents domaines dans lesquels doit être donnée une dynamique nouvelle, qu’il s’agisse du logement, de la mobilité, de la continuité territoriale, de l’éducation, de la fiscalité, de l’environnement, de l’agriculture, et j’en passe. Dans la plupart de ces domaines, les inégalités et les écarts sont notables, et il y a même parfois urgence à agir. C’est le cas notamment en matière économique. Le PIB moyen par habitant est partout inférieur à celui de l’Hexagone : 31 % pour la Martinique, 38 % pour la Guadeloupe et jusqu’à 73 % pour Mayotte ; à Saint-Martin, en l’absence de statistiques récentes, il est de l’ordre de 45, 6 %. Idem pour ce qui concerne le taux de pauvreté, en moyenne deux fois plus important que dans l’Hexagone.

Le taux de chômage est trois fois supérieur dans la plupart des collectivités ultramarines. En matière socio-sanitaire, 24, 5 % des ménages perçoivent le RSA socle, contre 4, 4 % en métropole ! En matière de logement, d’après le rapport Letchimy, 13 % des logements sont insalubres. Le taux de mortalité infantile est compris entre 4, 5 ‰ en Nouvelle-Calédonie et 16, 1 ‰ à Mayotte, alors qu’il est de 3, 6 ‰ en France hexagonale.

En matière d’éducation, selon les chiffres de la journée défense et citoyenneté, 9, 9 % des jeunes sont en difficulté de lecture en France métropolitaine, alors que ce taux varie entre 27, 7 % à La Réunion et 74, 6 % à Mayotte. Le décrochage scolaire atteint également des sommets intolérables.

Tous ces chiffres constituent des indicateurs révélateurs de précarité. Quel élu accepterait sur son territoire de tels écarts de richesse, de santé ou d’éducation sans être révolté ?

Ainsi, même si ce texte n’est pas parfait et même si des inégalités persistent après son adoption, il constitue indiscutablement une avancée de plus. Toute amélioration est bonne à prendre ! D’ailleurs, notre rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Deseyne, a bien cerné la difficulté : « Il semble en effet que l’objectif n’est pas ici d’aboutir à une uniformité complète entre ces territoires et l’hexagone, qui serait de toute façon chimérique, tant ils font face à des enjeux et des situations de développement contrastées. »

C’est donc vers une dynamique de convergence qu’il faut tendre.

Lors des débats, chaque territoire trouvera donc un défenseur en son représentant, qui évoquera ses difficultés propres. Aussi, en ce qui me concerne, j’insisterai particulièrement sur la situation de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter.

Sans revenir sur le passé et sans trahir la vérité, je peux dire, en présence de Jacques Gillot, ancien président du conseil départemental de la Guadeloupe, que des disparités existaient déjà entre la Guadeloupe et Saint-Martin. Malgré l’évolution institutionnelle que nous avons choisie, la compensation financière intégrale des charges liées au transfert de compétences n’existe toujours pas et, au final, des disparités se sont encore accrues si l’on tient compte des compétences nouvelles ajoutées depuis 2012, là encore sans compensation financière aucune.

De plus, Saint-Martin manque toujours d’équipements structurants, indispensables à son développement économique, tels qu’un port, un aéroport, des routes. Il n’existe pas de structure d’accueil pour les personnes âgées, pour les personnes privées de liberté, en situation de handicap, pour les femmes victimes de violence, il n’y a aucun cursus post-bac pour nos lycéens, et peu ou pas de continuité territoriale…

Le nombre de demandeurs d’emploi est sans cesse en augmentation. Le taux de chômage demeure situé à plus de 30 % ; les jeunes et les femmes sont les plus concernés sur mon territoire : ces dernières représentent près de 60 % des chômeurs.

L’IEDOM souligne également que le secteur du BTP est en difficulté depuis 2009 en raison de la carence de la commande publique, ce qui induit des conséquences sur l’offre de travail.

Pour toutes ces raisons, je prendrai une part active aux débats et je défendrai des amendements visant à améliorer le texte en ce qui concerne, notamment, mon territoire. Certains de ces amendements trouveront un écho favorable, d’autres peut-être moins. Je m’efforcerai de porter des revendications légitimes, tout en étant conscient que ce merveilleux territoire dispose également de réelles potentialités qui ne demandent qu’à s’exprimer, pour que Saint-Martin trouve sa juste place au sein de la République et contribue au rayonnement international de la France.

Il me semble utile de le souligner, je me rends compte avec joie que mes collègues sénateurs sont de plus en plus nombreux à s’intéresser et à connaître les problématiques ultramarines, peut-être aussi grâce au travail de notre délégation à l’outre-mer, sous les présidences de Serge Larcher, puis de Michel Magras.

Le groupe du RDSE, profondément attaché aux droits et libertés fondamentaux, approuvera ce texte en ce qu’il constitue une avancée supplémentaire vers une société davantage faite de justice et d’équilibre entre les territoires.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, je le dis ici avec force, et je sais que certains collègues partageront mon analyse, je ne serai pas complice d’une loi de pur affichage, qui, sous couvert de définir une stratégie ambitieuse pour les outre-mer, ne pourra avoir aucun autre effet que celui de les maintenir dans une situation d’inégalité et de précarité bien plus réelle que la prétendue égalité que le Gouvernement s’obstine à défendre.

C’est tout d’abord votre méthode que je conteste, madame la ministre. Comment espérez-vous nous faire croire que les outre-mer constituent réellement une priorité pour la République, quand la seule loi, que vous qualifiez « d’ampleur », qui leur est consacrée nous arrive dans les tout derniers mois d’un quinquennat à bout de souffle ? Mais certes fort opportunément dans la perspective des prochaines élections législatives et sénatoriales… On a les priorités que l’on se donne !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Qui plus est, vous avez choisi la stratégie du passage en force en engageant la procédure accélérée sur un texte qui, comme toute loi de programmation digne de ce nom, aurait pourtant mérité un débat en profondeur auquel les représentants des territoires ultramarins auraient dû se voir pleinement associés. Au lieu de cela, nous voilà face à une loi fourre-tout, bricolée à la hâte, qui a enflé sans aucune cohérence lors de son passage à l’Assemblée nationale, et qui voudrait traiter de tous les sujets sans en résoudre aucun. Plus grave encore, la plupart de ses dispositions ne sont assorties d’aucune étude d’impact et n’ont fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les acteurs des territoires.

Vous n’avez pas su tenir votre majorité à l’Assemblée nationale, madame la ministre ; vous avez assurément manqué de méthodologie et de pédagogie, et le résultat en est cet OVNI législatif qui ne convainc personne, à part peut-être vous-même.

Sur le fond, cette méthode s’explique tout simplement par le fait que ce texte ne constitue en rien une loi de programmation. Au demeurant, c’est peut-être une bonne chose, car cette notion d’égalité réelle que vous brandissez comme la solution étendard à tous nos problèmes n’est en réalité adaptée ni à la situation ni aux aspirations des territoires ultramarins.

Sans doute l’ignorez-vous, les Français d’outre-mer n’aspirent nullement à l’assimilation parfaite avec leurs concitoyens hexagonaux. Nos collègues de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie ou encore des régions ultrapériphériques de l’océan Indien et des Antilles, pour ne citer qu’eux, insistent pourtant suffisamment régulièrement sur la reconnaissance et le respect de leurs singularités à la fois historiques, culturelles et géostratégiques pour que nous en soyons tous bien conscients.

Sur l’identité de la France, Fernand Braudel avait une formule admirable que je veux reprendre ici : « La France se nomme diversité. » Pour ma part, c’est cette France-là à laquelle je crois.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Je passe sur le caractère très problématique de la notion même d’égalité réelle, qui a été excellemment souligné par mes collègues rapporteurs de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. J’y ajoute simplement que cette passion de l’égalité, qui vire ici à l’idéologie égalitariste, avait déjà été dénoncée par Montesquieu et Tocqueville comme l’un des plus grands dangers pour la démocratie… Sans doute vaudrait-il mieux retenir cette leçon que de manier des concepts creux et définir des objectifs inatteignables.

Sans nul doute, des efforts de rattrapage et d’ajustement sont encore à réaliser sur certains sujets pour les outre-mer, bien sûr, comme pour certains territoires métropolitains. C’est incontestable. Je pourrais citer ici l’accès pour le plus grand nombre à des écoles d’excellence et à des filières de formation de qualité, encore trop souvent réservées de fait aux jeunes de l’Hexagone et des grandes villes. Je pourrais citer encore l’accès démocratisé à toutes les chaînes de télévision nationales dans tous les territoires ultramarins. Je pourrais citer aussi la nécessité d’imposer plus de justice et d’équité dans la préparation aux concours, quel que soit le lieu de résidence. Je pourrais citer, enfin, l’opportunité réelle que l’on doit à chacun de pouvoir à un moment de son parcours professionnel regagner sa ville, son île, son territoire.

En tout état de cause, nous ne sommes pas dupes : cette notion d’égalité réelle vous sert en réalité d’écran de fumée pour masquer le vide et l’indigence de vos propositions, qui ne répondent en rien à la situation d’urgence à laquelle font face la plupart des territoires ultramarins. §Je n’en citerai que deux, qui me paraissent particulièrement emblématiques de la manière dont vous entendez procéder.

En premier lieu, l’une de vos mesures phares, ce sont ces « plans de convergence » définis aux articles 4 et 5 du projet de loi. Après une lecture attentive du texte, et au vu des débats à l’Assemblée nationale, il ne fait guère de doute que leur pilotage, leur définition et leur méthodologie seront directement gérés par l’État, ce qui aboutira immanquablement à enfermer les collectivités territoriales dans un rôle de figuration et de simples associées. Laissez-moi vous rappeler, madame la ministre, que les actes de tutelle de l’État sur les collectivités territoriales n’ont plus lieu d’être et sont considérés comme inconstitutionnels.

En second lieu, les mesures éparses, creuses et limitées que vous nous proposez sur la continuité territoriale ne sauraient faire oublier la démarche de destruction systématique de cette politique menée par le Gouvernement tout au long du quinquennat. Permettez-moi de rappeler ici que c’est bien le gouvernement auquel vous appartenez qui a diminué les crédits de la continuité territoriale de 25 % au cours du quinquennat, pénalisant ainsi des milliers d’Ultramarins et participant à supprimer des programmes entiers de formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Ce texte aurait pourtant été l’occasion d’une refondation de ce dispositif primordial pour l’unité de la République. Il aurait ainsi permis de doter la France d’une politique de continuité territoriale digne de porter ce nom, comme cela peut être le cas aujourd’hui en Espagne et au Portugal pour les Canaries, Madère et les Açores. Mais il faut croire que les lointaines populations de l’outre-mer sont priées d’y rester…

Comment, en effet, ne pas s’interroger encore lorsque l’on constate que nos amis corses bénéficient, pour 320 000 habitants, de 186 millions d’euros au titre de la continuité territoriale, contre seulement 40 millions d’euros pour les 2, 5 millions d’Ultramarins ?

À La Réunion, comme vous le savez fort bien, madame la ministre, c’est désormais le conseil régional et non plus l’État qui supporte la quasi-totalité de l’action en faveur de la mobilité territoriale et qui continuera à le faire aussi longtemps que possible ; car préserver la continuité territoriale, c’est aussi miser sur la formation des jeunes générations pour assurer le développement économique du territoire et, surtout, assurer la traduction concrète du principe de libre circulation pour tous les Français sur l’ensemble du territoire national.

Je souhaite plus largement souligner l’incohérence des proclamations que vous faites dans le cadre de ce texte, avec la baisse de crédits que vous avez par ailleurs vous-même engagée dans le cadre du budget pour 2017 pour l’outre-mer.

Cette année, pour la première fois depuis le début du quinquennat, les outre-mer rejoignent la cohorte des politiques soumises à la diète budgétaire. Sans doute est-ce là ce que vous entendez vraiment par « l’égalité réelle »… Je crois pourtant que nous partageons tous ici le sombre constat d’une situation économique, sanitaire et sociale qui reste dégradée pour l’ensemble des outre-mer. Or vous avez ouvert la voie au désengagement financier de l’État sur ces territoires, tout en proclamant de généreux principes dans le cadre de ce projet de loi. Il est vrai que les déclarations d’intention, elles, ne coûtent rien ; c’est certainement pourquoi vous en êtes si prolixe, et c’est sans doute ce qui explique que nous soyons amenés à nous prononcer sur ce texte d’un vide sidéral, en dépit de sa longueur et de ses bavardages.

La vérité, c’est que l’outre-mer n’a jamais été la priorité du Gouvernement au cours des cinq dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Ce dont les territoires ultramarins ont cruellement besoin est pourtant simple : un texte clair, pragmatique et concentré autour de quelques dispositifs assortis des moyens correspondants, qui permettrait d’assurer un véritable développement au service de l’emploi, une véritable dynamique économique respectueuse de notre environnement, en définissant clairement le point d’équilibre entre économie, croissance et écologie pour un développement qui prenne véritablement en compte la biodiversité exceptionnelle des territoires d’outre-mer et la démarche d’exemplarité sur la question des énergies renouvelables. C’est là, me semble-t-il, la condition indispensable d’un véritable renouvellement du pacte républicain en faveur des outre-mer.

Le nouveau modèle de développement que nous sommes un certain nombre à revendiquer aujourd’hui repose non pas sur davantage d’égalité, mais sur une plus grande liberté laissée aux acteurs locaux, ceux du secteur privé comme les collectivités locales.

Il faut libérer les entreprises du carcan étouffant d’une fiscalité inadaptée, libérer les entreprises des normes et du cadre juridique vieillots et dépassés au regard des enjeux liés à la coopération régionale et à l’ouverture à l’international, libérer l’aménagement des territoires ultramarins en refusant une application mécanique de la législation et de la réglementation nationales, comme c’est le cas aujourd’hui avec la loi Montagne, par exemple, un texte qui limite terriblement nos moyens d’action pour le développement du tourisme dans nos territoires.

Bien loin de cette « loi-caddie » dans laquelle il semble que l’on ait voulu faire entrer tout et surtout n’importe quoi, dans la précipitation et l’impréparation les plus complètes, je fais ici le vœu d’un grand texte élaboré par et pour l’outre-mer. Je fais le vœu d’une loi adaptée aux réels besoins de nos territoires qui privilégie les résultats concrets aux dispositions incantatoires. Je fais le vœu de la véritable loi de programmation dont nos territoires ont tant besoin, de la réforme fiscale qui nous fait tant défaut pour restaurer, avec pédagogie, la confiance et la solidarité entre les territoires de la République. Il semble cependant que ce ne sera pas pour cette fois.

Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, comme à chaque fois, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Je demande également à chaque intervenant de respecter le temps de parole qui lui est imparti, afin de permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Après l’incapacité des pouvoirs publics à faire face à l’épidémie de grippe, le risque de coupure en matière énergétique illustre encore une fois les dégâts d’une politique qui n’a de cesse de casser nos services publics. Pourtant, cela fait deux ans que RTE alerte sur les difficultés que pourrait rencontrer notre système électrique. Comment la France peut-elle se retrouver dans une telle situation ?

Accuser le nucléaire et la maintenance des centrales est une solution de facilité. Le véritable problème vient du fait que la France a perdu en capacité de production garantie et en réactivité.

Quand le Gouvernement va-t-il enfin imposer une politique de renforcement des moyens de production permettant une puissance garantie, ce que les énergies renouvelables, hors hydrauliques, ne peuvent par définition fournir ? Quand l’actionnaire majoritaire imposera-t-il à EDF-Enedis de ne plus fermer des tranches thermiques considérées comme non rentables ? Quand allons-nous revenir à une politique nationale de long terme pour répondre aux besoins énergétiques de tous nos concitoyens ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Louis Tourenne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations

Une vague de froid entraîne une consommation accrue d’électricité. Nous devons donc tous faire attention. Mais, rassurez-vous, monsieur le sénateur, le travail est fait pour éviter les risques de coupures. De nombreuses actions mises en œuvre grâce à la loi relative à la transition énergétique contribuent à notre sécurité d’approvisionnement. Je rappelle que l’éolien et le photovoltaïque apportent désormais une puissance équivalente à 6 gigawatts à la pointe de midi, en augmentation de 10 % par rapport à l’hiver dernier, ce qui représente la production de six réacteurs nucléaires.

Le développement de l’effacement des consommations pourrait apporter une contribution d’au moins 3 gigawatts grâce à la décision du ministère d’augmenter le volume des appels d’offres pour l’effacement et l’interruptibilité des industriels.

Ségolène Royal §a par ailleurs engagé en décembre une campagne de mobilisation citoyenne sur les consommations d’électricité à l’approche de l’hiver.

Revenons à des gestes de bon sens pour réduire notre consommation en période de pointe. Par exemple, éteindre les appareils en veille permettrait d’économiser la production d’un réacteur nucléaire. De même, si tous les Français acceptaient de baisser d’un degré la température du chauffage à leur domicile lorsqu’il fait froid, c’est la production de deux réacteurs nucléaires qui serait économisée. Ne pas utiliser sa machine à laver entre dix-sept heures et vingt heures permettrait d’économiser la production de deux réacteurs nucléaires.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations

Concernant les risques de coupures, RTE, le gestionnaire de transport, se mobilise chaque jour pour anticiper les différents scénarios possibles et s’y préparer. À ce jour, il y a un risque de tension entre mardi et vendredi. Nous déclencherons à partir de mercredi les premières mesures pour soulager le système électrique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’État

En l’état des prévisions, RTE n’anticipe pas de coupures de courant, qui relèvent d’une mesure de dernier recours.

Mesdames, messieurs les sénateurs, des informations transparentes vous seront fournies si la situation venait à se dégrader.

Applaudissements sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Madame la secrétaire d’État, vous demandez à nos concitoyens de faire des efforts, alors que douze millions d’entre eux sont en situation de précarité énergétique et que beaucoup vivent dans des passoires thermiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Vous leur demandez de s’effacer sans contrepartie, alors que, dans le même temps, les entreprises, elles, sont rémunérées.

Vous en appelez à la responsabilité individuelle comme si nos concitoyens gaspillaient, alors qu’ils font des efforts considérables face à la hausse constante et injustifiée de leur facture.

Cette politique est dangereuse ; elle veut masquer la responsabilité des gouvernements successifs et de l’État actionnaire. Ce n’est pas le froid, mais la libéralisation, la spéculation, la vente à la découpe de pans entiers de la filière énergétique qui conduisent à cette situation !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur la situation budgétaire de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il nous a été donné hier de connaître du déficit de l’exercice 2016, qui s’établit à 68, 9 milliards d’euros, contre 72, 8 milliards d’euros inscrits dans la loi de finances pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Devant ce bon résultat, tout laisse à penser que l’objectif d’un déficit de 3, 3 % du PIB sera atteint en 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce résultat, encourageant pour notre pays, doit être souligné, car il vient répondre au scepticisme qui a pu s’exprimer sur le sujet de la part tant de l’opposition, qui avait dénoncé un certain nombre de cadeaux non financés – en réalité, ils l’ont été, on le voit bien ! –, que de la Cour des comptes, qui n’avait pas manqué de mettre en avant des risques de dérapage de nos finances publiques.

Ce chiffre, qui est une très bonne nouvelle pour la France, doit être comparé à un autre. Rappelez-vous, mes chers collègues, à la fin de 2010, le déficit de la France était de 148 milliards d’euros, contre 68 milliards d’euros aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment analysez-vous les résultats de 2016 et de quelle façon anticipez-vous l’exécution de la loi de finances pour 2017 ? Sur ce dernier point aussi, le scepticisme était perceptible ici, au Sénat. Certains ont même considéré que le budget était insincère et qu’il ne fallait pas l’examiner. Êtes-vous optimiste pour 2017 ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Le scepticisme que vous soulignez, monsieur le sénateur, est consubstantiel à l’opposition, quelle qu’elle soit. Il appartient à la majorité, lorsqu’elle essaye de bien faire son travail, de le lever en adoptant une démarche rigoureuse et en faisant preuve de pédagogie.

Rires

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

sur les travées du groupe Les Républicains.) Je constate que vous êtes tout à la joie de me voir faire cet exercice devant vous…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

L’an dernier, le déficit budgétaire de l’État était de 1, 5 milliard d’euros supérieur à ce qui a été constaté ce matin. Aujourd’hui, il s’élève à 69 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros inférieur à ce qui était prévu en loi de finances. Ce chiffre signifie que, compte tenu de l’effort de maîtrise de la dépense de l’État et de réduction de son déficit, nous serons en mesure de respecter l’objectif de 3, 3 % de déficit public pour 2016 sur lequel nous nous sommes engagés devant les institutions européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je constate que des cris de satisfaction s’expriment sur les travées de l’opposition, et je voudrais remercier très sincèrement ceux qui les font entendre avec cette spontanéité…

Souriressur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Cela nous place en situation d’atteindre l’objectif fixé pour 2017. Si nous avons obtenu ces résultats, c’est parce que nous avons diminué la dépense publique. Je voudrais rappeler quelques chiffres simples, que chacun doit avoir bien à l’esprit : entre 2007 et 2012, les dépenses publiques ont augmenté de 170 milliards d’euros, soit une hausse de 3, 3 %. Le rythme d’augmentation de la dépense publique a été divisé par trois. La dette était passée de 69 % du PIB à près de 95 %. Nous étions alors face à une explosion de la dette publique, que nous avons contenue. Si elle a augmenté de 25 points de PIB pendant le quinquennat précédent, elle n’aura augmenté que de 7 points pendant ce quinquennat, précisément parce que ces efforts ont été faits.

On pourrait également se pencher sur le déficit des comptes sociaux : il était de 17 milliards d’euros en 2012, alors que nous sommes aujourd’hui presque à l’équilibre, avec un déficit de 400 millions d’euros.

Je voudrais dire à la majorité sénatoriale, qui est notre opposition, que nous avons fait tout cela sans remettre en cause aucune des priorités que nous nous étions fixées. Nous avions comme objectifs de rehausser les effectifs des forces de sécurité – 13 000 emplois avaient été supprimés ; nous en aurons créé 9 000 – et de l’éducation nationale : nous avons créé 60 000 postes là où il en avait été supprimé 80 000. Nous avons restauré la formation des maîtres là où elle avait été supprimée. Nous aurons consacré 10 milliards d’euros aux investissements dans les hôpitaux pour les moderniser ; nous aurons créé 31 000 postes de personnels soignants dans les hôpitaux.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cela ne signifie pas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, que tout va bien, mais que l’on peut maîtriser la dépense publique et diminuer les déficits sans détruire, comme vous le proposez, les services publics et la protection sociale, à savoir ce qui fait la force et la cohésion de la société française lorsqu’elle est confrontée aux défis de la crise.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Ce qui compte pour ce gouvernement, ce n’est pas simplement de réussir le redressement de nos comptes ; c’est de le faire pour nous redonner des marges de manœuvre qui permettent de garantir dans notre pays ce à quoi les Français tiennent le plus : la solidarité nationale, la protection sociale ainsi que le développement et la modernisation des services publics.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Un processus de paix et de désarmement de l’ETA visant à régler définitivement un conflit extrêmement préoccupant est en cours depuis 2011 au Pays basque, notamment français. Ce processus de paix exige du temps, de la volonté et du courage ainsi qu’une analyse approfondie de la situation.

Ces jours derniers, l’actualité a mis en lumière la complexité de ce processus, au travers des arrestations de militants nationalistes non violents qui se sont impliqués pour la restitution d’armes appartenant à l’organisation ETA. Ces événements sont la conséquence naturelle du refus de l’État français d’ouvrir des négociations.

Depuis octobre 2011 et le séminaire d’Aiete à Saint-Sébastien, le processus de paix est en marche. Nous savons aujourd’hui que le dépôt définitif des armes se réglera dans le même temps que le problème des prisonniers.

Les acteurs locaux, l’ensemble des parlementaires notamment, sont très fortement engagés dans ce processus de paix. Je considère pour ma part qu’une absence d’implication de l’État français conduira inévitablement à des évolutions non maîtrisées, à une altération dramatique de la recherche de paix et à un gâchis historique irresponsable.

Depuis plus de cinq ans, les attentats ont cessé : c’est bien la preuve d’une réelle volonté.

Monsieur le ministre, je vous ai adressé un courrier le 20 décembre dernier afin de m’entretenir avec vous sur ce sujet. Cette demande est à ce jour restée sans réponse.

Je fais partie des acteurs locaux exerçant des responsabilités au Pays basque depuis longtemps. Je vous demande très solennellement que l’État français prenne à bras-le-corps, car il y va de sa responsabilité, ce problème extrêmement important et qu’il crée les conditions de dialogue entre nos deux États, espagnol et français, sur le sujet du désarmement et des prisonniers basques.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur

Je veux vous répondre de la façon la plus claire possible que le processus de paix dont vous faites état, monsieur le sénateur, est unilatéral et n’est pas celui qui doit permettre de récupérer les armes, les explosifs et les munitions encore en circulation. Si le mouvement le souhaitait, ce matériel pourrait être rendu simplement en désignant les endroits où il se trouve.

La semaine dernière, je recevais Juan Ignacio Zoido, le ministre espagnol de l’intérieur, non seulement pour faire le point sur notre stratégie pour combattre le terrorisme, mais aussi pour évoquer la fin des caches d’armes de l’ETA qui se trouvent encore sur notre territoire.

Vous parlez de la question des prisonniers, mais n’oublions pas les centaines de morts – militaires, policiers, civils – dont il faudra rendre compte. Il n’est pas possible que des personnalités, qu’elles viennent de la société civile ou d’ailleurs, puissent se mettre en travers de la volonté de nos deux États, l’Espagne et la France, de récupérer des armes qui ont pu servir à commettre ces attentats. C’est à la justice de se prononcer et à elle seule.

Je me félicite de la coopération existant entre le pôle antiterroriste de Paris et l’Audience nationale espagnole. Ils conduisent un travail de coopération très fort, que nous n’arrêterons pas, monsieur le sénateur, à moins que, de façon unilatérale, sans qu’il y ait de négociations, notamment sur la question des policiers, ceux qui ont commis des attentats pendant beaucoup trop d’années se décident enfin à dire où sont les armes, les explosifs, les munitions, afin que nous puissions les récupérer. Il n’est pas nécessaire que des personnalités, dont je suis sûr qu’elles le font avec bonne foi, se mettent en travers de ce processus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le ministre, je suis très déçu par votre réponse. Lorsqu’il existe des occasions comme celle-ci, des preuves de réelle volonté, je crois qu’il faut savoir s’adapter à la situation nouvellement créée et ne pas répondre, comme vous le faites, par une fin de non-recevoir.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose un intermède sous forme de bulletin météo : on nous annonce une vague de grand froid pour demain et après-demain ; l’affolement s’entend sur tous les médias, avec les recommandations des présentateurs météo des chaînes télévisées.

Je ne comprends pas, car nous avons déjà connu une vague de froid très intense voilà cinq ans, une dizaine de jours entre la fin du mois de janvier et le début du mois de février. La consommation journalière d’électricité a été supérieure de 10 % à celle qui est annoncée pour cette semaine. Pour autant, tout a bien fonctionné. Aussi, je m’adresse au Gouvernement : pourquoi y aurait-il un problème aujourd’hui ? Pourquoi cet affolement ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité

De l’affolement, je ne sais pas où vous en voyez, monsieur le sénateur ! En tout cas, il n’y en a pas du côté du Gouvernement.

Le rôle du Gouvernement est de veiller à sécuriser notre approvisionnement en électricité. C’est ce que nous avons fait avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et en préconisant des mesures simples et de bon sens.

Nous devons diversifier notre bouquet énergétique et développer les énergies renouvelables, qui sont les énergies d’avenir et dont la production est déjà aujourd’hui l’équivalent de six réacteurs nucléaires.

Nous devons aussi revenir sur certaines erreurs du passé, notamment des constructions qui sont des passoires énergétiques et engendrent beaucoup de gaspillage. Pour lutter contre le gaspillage, nous avons notamment mis en place un plan de rénovation thermique des bâtiments qui a, en plus, le mérite de créer non seulement de nombreux emplois locaux, non délocalisables, pour nos artisans, mais aussi de nouvelles filières de production d’électricité, qui, elles aussi, sont fortement pourvoyeuse d’emplois.

Comme vous le voyez, nous prenons des précautions, mais nous considérons que tout le monde doit être associé à cette politique, y compris les citoyens. En effet, c’est tous ensemble que nous réussirons. Il est évident que maintenir des appareils en veille produit un gaspillage complètement inutile. Il ne paraît donc pas complètement aberrant de recommander un certain nombre de bonnes pratiques.

RTE nous le dit, il n’y a aujourd’hui aucune prévision de coupure. S’il devait y avoir un problème, vous seriez bien évidemment informés.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement prend en main cette question, travaille pour l’avenir, crée de l’emploi grâce aux nouvelles énergies.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’État

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Bref, nous faisons face.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marie Bockel et Mme Chantal Jouanno applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la secrétaire d’État, je veux à la fois vous remercier et féliciter le Gouvernement.

Je vous remercie de nous avoir expliqué que, si le cap difficile annoncé est surmonté, c’est grâce à nos outils de production, notamment au nucléaire

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… qui constitue la base de notre approvisionnement.

Je vous remercie également d’avoir dit précédemment qu’abaisser d’un ou deux degrés le chauffage permet d’économiser deux réacteurs. Cela laisse entendre que nous avons de l’influence sur la température.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Or nous la subissons, et nous aurons bien sûr à en tirer des conséquences.

Enfin, je souhaite féliciter le Gouvernement. La loi relative à la transition énergétique prévoyait de fermer d’ici à 2025 entre vingt et vingt-quatre réacteurs.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je le félicite de ne pas respecter l’engagement du chef de l’État, qui prévoyait la fermeture de Fessenheim en 2016.

Mêmes mouvements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Heureusement, nous continuerons d’avoir la puissance nécessaire pour alimenter les usagers !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Ma question a trait au développement de l’économie touristique. Je veux évoquer ici l’inquiétude de plusieurs acteurs de l’économie touristique ainsi que de certaines communes rurales concernant les gîtes de France et les bistrots de pays.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a conforté les départements dans leurs actions en matière de politiques culturelle, sportive et touristique, en insistant sur la mission de solidarité territoriale. Légitimité leur est donc donnée pour accompagner les projets et les équipements dans les territoires ruraux. Pour autant, cette même loi NOTRe, en mettant fin à la clause de compétence générale, a supprimé l’aide financière directe aux entreprises.

Les gîtes de France et les bistrots de pays, que nous avons particulièrement développés dans les Pyrénées-Orientales, représentent une activité tout à la fois économique et touristique, dont le développement et la pérennité sont bien souvent conditionnés par l’aide que leur apportent les départements.

Ma question est donc double : les gîtes de France et les bistrots de pays sont-ils considérés comme des entreprises ou, plus précisément, comme de l’immobilier d’entreprise ? Pouvons-nous, en tant que départements, toujours accompagner les acteurs touristiques, particulièrement dans les zones rurales ?

Applaudissements sur les travées du RDSE. – MM. Jean-Louis Carrère et Simon Sutour applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Estelle Grelier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales

Vous l’avez dit, madame la sénatrice, une réforme territoriale importante a été conduite durant ce quinquennat : les régions, dont la taille et les compétences ont été élargies, s’occupent des questions de développement économique ; les départements, vous l’avez rappelé, ont été recentrés sur leurs compétences sociales et sur l’ingénierie territoriale ; les intercommunalités ont été adossées aux bassins de vie des habitants – elles sont d’ailleurs, au 1er janvier 2017, au nombre de 1 266, contre 2 062 au 1er janvier 2016 – ; quant aux communes, elles disposent de la clause de compétence générale.

Lors des débats parlementaires – je rappelle que la loi NOTRe a été adoptée par la Haute Assemblée –, vous avez décidé qu’un certain nombre de compétences seraient partagées, au premier rang desquelles le tourisme. Les départements peuvent ainsi s’engager dans des actions de développement économique, dès lors – c’est le point important – que leur intervention ne constitue pas une aide directe. En effet, dans le cadre de la clarification des compétences, les aides directes sont du ressort des régions. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a octroyé, pour la prise en charge de ces interventions, 450 millions d’euros aux régions.

Toutefois, les départements demeurent compétents pour mener des actions de promotion dans le domaine touristique, par le biais des comités départementaux du tourisme. Ils peuvent également créer des équipements sportifs et touristiques, dont ils sont propriétaires. Un département peut ainsi exploiter lui-même ou via un syndicat mixte un gîte rural, une base de loisirs ou une station de ski. La distinction se fait sur la qualification d’aide directe afin de savoir si, oui ou non, le département peut intervenir en soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

La difficulté vient du fait que les régions ne se sont pas positionnées sur le tourisme rural…

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Mme Hermeline Malherbe. … que représentent les gîtes de France et les bistrots de pays. Dans les territoires, le problème reste entier. En 2017, il faudra trouver le moyen de partager les choses de la façon la plus efficace possible.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Jamais depuis sa création, il y a bientôt soixante ans, l’Union européenne n’aura fait l’objet d’une telle entreprise de déstabilisation et encouru un tel risque de désintégration. Elle n’est en effet plus seulement en proie à des divisions internes, des réactions nationalistes et des accès de populisme, elle fait aussi l’objet d’attaques croisées, de la part tant de la Russie que désormais des États-Unis, au travers des propos très vigoureux prononcés par leur nouveau président élu qui, après s’être félicité du Brexit, appelle dorénavant d’autres pays à suivre la voie du Royaume-Uni.

M. Trump, puisqu’il faut le nommer, s’est également livré ce week-end à une charge inédite contre l’OTAN.

Il devient ainsi évident que les États-Unis, sans abandonner le commandement de l’OTAN, entendent exiger des États membres qu’ils rehaussent leurs dépenses militaires conformément à leur engagement d’y consacrer 2 % de leur PIB d’ici à 2025.

Aussi, dans ce contexte qui s’accompagne d’un changement profond de stratégie géopolitique de notre allié historique, peut-on, monsieur le ministre, faire plus longtemps l’économie d’une véritable armée commune européenne ? Certes, la France et l’Allemagne ont, le 11 septembre dernier, proposé la mise en œuvre d’une coopération structurée permanente en matière de défense. Elle a été présentée lors du dernier Conseil européen, mais les échanges sur ce sujet ne figurent malheureusement pas dans les conclusions.

Plus récemment, lors de ses vœux aux forces armées, le Président de la République a proposé de porter notre effort de défense à 2 % du PIB, mais sans évoquer de contribution spécifique à la défense européenne.

Alors, monsieur le ministre, la France et l’Allemagne entendent-elles à présent développer plus avant leur proposition lors de la tenue, le 3 février prochain, du sommet européen de Malte consacré à l’Europe ? Il y a, je crois, vraiment urgence en la matière.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser la question de la sécurité en Europe, de celle des Européens. Il faut appréhender cette question avec beaucoup de clairvoyance, car le monde change et de nouvelles menaces apparaissent. Je pense à la menace terroriste, mais également à toute une série d’évolutions technologiques, comme les cybermenaces, qui nécessitent sur l’ensemble des flancs d’assurer notre sécurité en Europe, notamment avec l’OTAN. Cela a été décidé en juillet dernier à Varsovie lors du dernier sommet de l’OTAN, où étaient présents les États-Unis.

L’Europe doit prendre sa part de façon complémentaire, non pas en se substituant. Vous avez évoqué la perspective des 2 % : il est effectivement nécessaire d’augmenter l’effort de défense au sein de l’Europe.

Pendant longtemps, le sujet a été tabou. Je ne reviendrai pas sur les débats relatifs à la Communauté européenne de défense, car cela nous ramènerait trop loin. Il est vrai que, jusqu’à présent, de nombreux pays étaient réticents. Mais, face à la nouvelle donne internationale et à l’attitude américaine – une certaine forme de désengagement –, une prise de conscience a eu lieu. Elle a permis au Conseil européen d’adopter, le 15 décembre dernier, une orientation en matière de défense.

Vous avez raison, l’Allemagne et la France ont pris leur part pour préparer les conditions de cet accord politique. J’ai fait, avec mon homologue Frank-Walter Steinmeier, des propositions ; Jean-Yves Le Drian en a fait de même avec Ursula von der Leyen. Nous avons été moteurs dans cette affaire.

Nous avons maintenant les grands axes d’une ligne stratégique, d’une autonomie de décision. Dans le même temps, le principe d’un fonds de financement a été décidé, qu’il faudra bien sûr débloquer pour mettre en œuvre une politique de recherche et d’armement. Il est très important de préserver notre autonomie.

Nous en sommes là ; nous avons fait de considérables bonds en avant, mais, en effet, le moment est venu de réaffirmer la nécessité de la cohésion et de la solidarité européennes.

Vous avez eu, au début de votre propos, des mots assez durs…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … lorsque vous avez évoqué les adversaires de l’Europe. Ils existent, certes, et nous les connaissons depuis longtemps ; toutefois, il me semble que la meilleure réponse ne réside pas dans la polémique, mais dans l’unité et la cohésion de l’Europe, au travers, par exemple, d’engagements concrets en matière de défense, qui en sont une très belle illustration.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le 15 janvier dernier, la France a accueilli, à Paris, soixante-dix pays et organisations internationales pour une conférence internationale pour la paix au Proche-Orient. Cette conférence a été l’occasion de réaffirmer solennellement l’attachement de la communauté internationale à une solution à deux États – Israël et la Palestine – vivant côte à côte en paix et en sécurité, prérequis indispensable pour permettre la reprise des négociations bilatérales entre les parties, gelées depuis avril 2014.

Néanmoins, au terme de cette conférence, qu’il convient de saluer, s’ouvre une lourde période d’incertitudes. Le futur président américain, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, a fait connaître sa volonté de revenir sur le statu quo observé par les pays occidentaux en transférant l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Forte de ce soutien, la droite israélienne plaide désormais ouvertement pour l’intégration dans le territoire israélien des colonies illégales, tandis que l’extrême droite réclame l’annexion militaire de la zone C, ce qui s’oppose à la résolution 2334 de l’ONU.

Les 2 et 11 décembre 2014, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté deux résolutions invitant le gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine. À cette occasion, votre prédécesseur, M. Laurent Fabius, s’était engagé en affirmant : « En cas d’échec, la France devra reconnaître l’État de Palestine. »

Même si le communiqué final de cette conférence a un poids symbolique, celle-ci n’a pas permis de réunir les principaux intéressés – Israéliens et Palestiniens –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

… ni d’aboutir à des mesures concrètes permettant de progresser dans les négociations de paix.

Monsieur le ministre, le Président de la République est-il prêt à transformer sans tarder cet engagement solennel en acte politique, en reconnaissant dès à présent l’État de Palestine ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Monsieur le sénateur, la France est déterminée, vous l’avez constaté ; elle a ainsi accueilli la réunion du 3 juin 2016, qui réunissait trente-cinq participants, et la conférence de dimanche dernier, qui en a réuni le double, avec tout le Conseil de sécurité de l’ONU, unanime, le G20, unanime également, ainsi que la Ligue arabe et l’Union européenne. Après des échanges extrêmement fructueux, les participants ont réaffirmé solennellement la nécessité que reprennent, le plus vite possible, les négociations entre les parties israélienne et palestinienne. Il y a urgence !

Nous avons fait l’objet de nombreuses pressions ; il y a ainsi eu des polémiques – vous les avez constatées –, qui sont selon moi excessives, caricaturales et déplacées, qu’elles proviennent du gouvernement israélien ou du Hamas, qui a condamné notre rencontre, qualifiée d’« absurde ».

Nous sommes sur le bon chemin, me semble-t-il. La voie est, il est vrai, étroite, nous le savons, mais, sur le terrain, la situation se dégrade très rapidement, avec un risque d’accélération et d’escalade des violences, que nous ne pouvons que condamner. Quels qu’en soient les responsables, nous combattons le terrorisme et la violence.

Cela étant dit, nous voulons aussi nous mobiliser encore plus pour la paix au Proche-Orient. Il ne s’agit pas d’un sujet venant après les autres – la Syrie, l’Irak –, mais, au contraire, de l’un des éléments de l’ensemble de la question du Moyen-Orient. Il ne faut pas l’oublier, parce que cela fait de nombreuses années que cette frustration s’installe et que cette menace se développe. Avec une colonisation croissante, la viabilité de l’État palestinien sera de plus en plus difficile à assurer.

Cela est ressenti sur le terrain, au point que, vous l’avez rappelé, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, le 23 décembre dernier, la résolution 2334, qui a été très critiquée alors qu’elle ne fait que rappeler le droit international.

Vous évoquiez enfin la question de la capitale et des deux États.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

Bien entendu, l’érection de Jérusalem en capitale ne pourra procéder que d’une négociation. Toute initiative préalable, comme un transfert d’ambassade, serait en effet vécue comme une provocation et un risque majeur.

Vous pouvez donc compter sur la France pour continuer de défendre la même orientation, la même volonté : aboutir à une négociation et à un accord, pour qu’enfin l’État palestinien soit créé, reconnu et viable.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais elle n’est pas présente, ce qui montre son degré de considération pour la représentation nationale…

Nous constatons aujourd’hui une baisse de la performance scolaire de nos élèves. Le classement international du programme PISA nous place au vingt-sixième rang ; personne ne peut nier que ce classement est insatisfaisant pour la sixième nation du monde.

Certes, ces mauvaises performances sont multifactorielles. Néanmoins, on sait aujourd’hui qu’une réelle exigence de maîtrise de la langue est absolument indispensable à la réussite scolaire de tous les apprentissages, y compris des mathématiques. Or il ressort des directives édictées par les services de Mme la ministre de l’éducation nationale que votre exigence en matière grammaticale s’accompagne de termes pédagogiques comme le « prédicat », dont seuls les enseignants, dont j’étais, et – je l’espère – les élèves maîtrisent le sens. Cela me fait penser au ridicule « référentiel bondissant » des années quatre-vingt, qui désignait tout simplement le ballon…

Le Gouvernement va-t-il faire quelque chose pour que soient définies simplement ces notions, qui pourraient ainsi être partagées par les parents, et abandonner ce langage abscons, dont savait si bien se moquer Molière ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, le constat est sans appel : le niveau des élèves en français baisse depuis trente ans ; ce constat est unanime.

Le Gouvernement ne se contente pas de le déplorer, il a décidé d’agir. Nous avons demandé au Conseil supérieur des programmes de repenser l’apprentissage de la langue française. Ce conseil a donc élaboré des programmes de grammaire qui garantissent un apprentissage complet pour tous les élèves et qui font appel, au début de l’apprentissage, à la notion de prédicat, que vous citiez. Il s’agit d’une notion – je l’ai découverte il y a quelques jours, comme vous, sans doute

Sourires.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Cela dit, l’apprentissage de cette notion n’empêche pas de continuer d’enseigner les compléments qui s’y ajoutent. Les élèves continueront donc d’apprendre ce que sont les compléments d’objet direct, d’objet indirect et d’objet second.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

La grammaire, monsieur le sénateur, ne se négocie pas entre l’enseignant et l’élève, comme certains voudraient le faire accroire ; elle s’apprend, car elle s’impose.

Ainsi, si les programmes de l’école élémentaire et du collège ont été repensés, c’est parce qu’ils souffraient d’un manque de cohérence. Il a fallu les orienter vers l’acquisition par tous les élèves d’un nouveau socle commun de connaissances, de compétences, de culture, avec un seul objectif : relever le niveau en français de tous les élèves de France.

MM. Alain Bertrand, François Marc et Jean-Pierre Sueur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

On sait que l’abaissement du niveau d’exigence en matière de maîtrise de la langue maintient les inégalités dans le corps social.

M. Vincent Peillon, prédécesseur de Mme Najat Vallaud-Belkacem, avait déjà réformé les rythmes scolaires, ce qui a accentué, on le sait, les inégalités spatiales et sociales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

… mais qui n’a en rien résolu l’échec scolaire.

J’espère que les paroles que vous venez de prononcer, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas pure hypocrisie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

M. Alain Marc. … car il ne faudrait pas avoir à la bouche les mots « réussite scolaire » ou « égalité » et se comporter de façon tout à fait différente en n’élevant pas le niveau d’exigence. Nous avons besoin de cette élévation, car c’est à ce prix que l’école redeviendra l’ascenseur social qu’elle était mais qu’elle n’est, hélas, plus depuis trente ans.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Samedi soir, une bande de voyous venue d’Athis-Mons a semé la terreur dans un quartier paisible de Juvisy-sur-Orge. Tout le monde a en mémoire la dramatique attaque de deux voitures de police à Grigny ; deux policiers avaient été gravement brûlés.

Ces phénomènes d’attaque en bande se multiplient et sont également observés dans les transports. Certains TER dans le Rhône, en région parisienne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur ont été pris pour cible et assiégés par des casseurs.

Ces bandes ont souvent deux caractéristiques : elles sont constituées notamment de mineurs et elles procèdent d’une communautarisation de notre société. Elles sont portées par la haine de notre pays, de ce que nous sommes, et cette haine s’exerce aveuglément et gratuitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

À Juvisy, ce saccage criminel a été suivi de l’interpellation de onze voyous, mineurs pour la plupart, niant les faits ; faute de preuve suffisante, tous ont été relâchés.

Face à cette nouvelle forme de délinquance, la réponse pénale n’est manifestement plus adaptée à la gravité des faits. Pourquoi, monsieur le garde des sceaux, continuez-vous à nier cette réalité ? Pourquoi n’avez-vous jamais, au cours des cinq années écoulées, durci votre politique pénale à l’égard des mineurs ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – Huées sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Quand avez-vous entendu, madame la sénatrice, quelqu’un nier cette réalité ? N’avez-vous pas participé à tous nos débats depuis cinq ans sur les différents textes par lesquels nous avons durci la législation ?

En outre, le temps de la justice n’est pas celui de l’émotion, de la réaction.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, ministre

Attendez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce sujet, je veux être précis et rigoureux.

D’abord, je respecte le travail du procureur de l’Essonne, qui enquête actuellement sur les événements de Juvisy que vous évoquiez, madame la sénatrice.

Ensuite, vous faites référence à des informations publiées dans la presse selon lesquelles onze mineurs auraient été interpellés, puis relâchés faute de faits matériels à leur reprocher. Mais qu’en savez-vous ?

Je vais vous exposer la réalité.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, ministre

Le procureur a mené plusieurs enquêtes, et les personnes que vous évoquez n’ont absolument rien à voir avec les exactions de Juvisy. Laissez donc le procureur faire son travail, comme il l’a fait pour Viry-Châtillon.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, ministre

En effet, voilà trois mois, nous étions tous choqués de ce qui avait été fait contre les fonctionnaires de police dans cette ville. À l’époque, il y avait déjà des protestations contre l’absence de résultat. Or, trois mois plus tard, après un travail d’investigation méticuleux, précis et patient, les identifications ont eu lieu et onze personnes sont en garde à vue.

Voilà ce qu’est le temps d’une justice sereine, madame la sénatrice, et je suis sûr que vous êtes d’accord.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le garde des sceaux, cette « réalité » dont vous parlez n’est pas du tout celle des habitants de Juvisy-sur-Orge

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Le statu quo ne peut être satisfaisant : il faut rompre définitivement avec votre angélisme, votre déni, vos incantations.

Mêmes mouvements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone. Il est temps de tourner le dos à l’effet Taubira

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Adopté en 2013 après une large concertation, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale s’est traduit par des mesures concrètes portées par l’ensemble du Gouvernement. Les politiques d’accès à l’emploi, aux soins, à l’éducation, au logement et les aides aux familles intègrent désormais pleinement la nécessité de s’adresser aux personnes les plus fragiles.

Loin des clichés récurrents relatifs à un supposé « assistanat », le Gouvernement agit aux racines véritables de la pauvreté que sont le non-recours aux droits, le manque d’accompagnement ou de formation ou encore l’isolement face aux accidents de la vie.

Dans le prolongement des actions menées depuis bientôt cinq ans, le Président de la République a annoncé ce matin le lancement de la Fondation pour l’investissement social et le développement humain. S’appuyant sur un partenariat fort entre le secteur public et le secteur privé, cette fondation a pour ambition de démontrer qu’il existe bien des approches utiles et efficaces pour faire reculer la précarité et l’exclusion sociale dans notre pays et qu’il importe de construire un modèle de société plus inclusif, alliant développement économique et développement social.

De façon très concrète, sur la base de projets de recherche et d’évaluations scientifiques pluridisciplinaires, les travaux de cette fondation doivent permettre de mieux mesurer l’impact des politiques de solidarité. Les projets innovants seront également mieux repérés pour être ensuite généralisés au profit du plus grand nombre.

C’est une fierté : l’innovation sociale est au cœur de l’action menée depuis le début de ce quinquennat, parce que le Gouvernement a compris que la solidarité est tout sauf de l’assistanat, qu’elle constitue au contraire un investissement, et qu’il importe de donner du sens et de la valeur aux actions menées dans le domaine de la solidarité pour mieux garantir notre modèle social, auquel la droite n’a de cesse de s’attaquer.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur cette nouvelle fondation et sur l’importance d’un tel outil, mis au service de l’efficacité des politiques menées en direction de nos compatriotes les plus fragiles ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

J’étais effectivement aux côtés du Président de la République ce matin pour le lancement de la Fondation pour l’investissement social et le développement humain. Cette fondation a été créée sur l’initiative du ministère des affaires sociales et de la santé ; elle est abritée par la Fondation Agir contre l’exclusion, la FACE, et elle est présidée par Isabelle Kocher, directrice générale du groupe Engie.

De quoi s’agit-il ? En matière de lutte contre l’exclusion, force et de constater qu’il existe encore beaucoup de préjugés. On entend encore régulièrement que les chômeurs sont tous paresseux

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

L’objet de cette fondation consiste justement à associer action sociale et recherche scientifique, pour montrer précisément que ces idées reçues n’ont pas lieu d’être et qu’elles sont démenties par la réalité. En effet, l’action sociale ne représente pas des dépenses mais des investissements sur l’humain et donc sur l’avenir.

Prenons un exemple : une expérimentation intitulée Housing first a eu lieu dans le sud de la France. Elle concernait des personnes atteintes de troubles psychiatriques et qui étaient à la rue. Elle reposait sur l’hypothèse de départ selon laquelle il fallait leur donner un logement le plus rapidement possible. Dès lors qu’elles ont eu un logement, leurs troubles psychiatriques ont diminué, d’où moins d’hospitalisations. C’est donc efficace.

Des expérimentations de ce type ont lieu dans toute la France, sur l’initiative du plan pluriannuel contre la pauvreté ou d’associations diverses.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’État

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ainsi, la recherche scientifique doit pouvoir montrer définitivement que notre modèle de protection sociale et l’action sociale sont consubstantiels à notre pays et à notre identité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Le 23 décembre dernier, le Tunisien Anis Amri commettait un attentat au nom de l’organisation État islamique sur le marché de Noël de Berlin, entraînant ainsi la mort de douze personnes et en blessant cinquante-six autres.

Après avoir commis son crime barbare, ce débouté du droit d’asile, que certaines associations avaient sûrement qualifié de « chance pour l’Allemagne », a pu, sans aucune difficulté, traverser non seulement l’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas et la France avant de rejoindre Milan, où sa cavale, pour ne pas dire sa balade, a pris fin, grâce aux carabiniers italiens qui l’ont abattu.

Cet attentat et le périple entrepris par Amri, qui lui a permis de traverser la moitié de l’Europe, ont mis un peu plus en évidence les dangers mortels que fait peser le laxisme de votre modèle européen sur la sécurité de nos compatriotes : terroristes islamistes infiltrés dans les cohortes de « réfugiés », qui ont frappé au Bataclan à Paris, et terroriste islamiste débouté du droit d’asile, qui a frappé à Noël à Berlin. D’un côté comme de l’autre du Rhin, l’idéologie d’une Europe sans frontières et donc sans contrôles a entraîné les mêmes drames et fait couler le même sang, celui des innocents.

Votre laxisme, érigé en dogme, n’aura pas manqué d’investir l’échelon local, puisque les préfets, en tout cas celui des Bouches-du-Rhône, ont exigé, en plein état d’urgence, la suppression des conditions nécessaires à l’octroi, par les maires, d’attestations d’accueil permettant à des étrangers de venir passer quatre-vingt-dix jours au maximum dans notre pays. On reste abasourdi et scandalisé devant autant d’aveuglement idéologique.

Aussi, même si votre CDD touche à sa fin, qu’attendez-vous, monsieur le ministre, pour sortir notre pays de l’espace Schengen, en rétablissant, comme les Français le souhaitent, nos frontières nationales ? Qu’attendez-vous pour réformer en profondeur le droit d’asile puisque, selon la Cour des comptes, 96 % des déboutés restent sur notre sol ? Qu’attendez-vous pour permettre aux maires de contrôler qui peut pénétrer chez nous en appliquant les nécessaires vérifications administratives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Qu’attendez-vous pour prendre les mesures qui s’imposent pour rétablir la première des libertés à laquelle les Français ont droit, celle de vivre en sécurité ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Monsieur le sénateur, je veux profiter de votre question pour indiquer à la représentation nationale, mais aussi, à l’occasion de cette séance, aux Français, la vérité de vos votes et de vos positions sur toutes les questions touchant à l’antiterrorisme et à la sécurité de nos compatriotes.

Si nous voulons que l’espace européen protège les ressortissants de l’Union européenne du risque terroriste, il faut alors accepter de mettre en place un PNR européen qui fournisse des informations précises sur ceux qui entrent sur le territoire national ou qui en sortent. La présidente de votre parti s’est fait désigner rapporteur pour avis sur ce texte au Parlement européen, afin de s’y opposer, et vous venez nous donner des leçons sur la sécurité des Français et sur la lutte antiterroriste ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Lorsque nous avons présenté à l’Assemblée nationale – j’étais à l’époque ministre de l’intérieur – un texte instituant l’incrimination d’entreprise individuelle terroriste et que nous avons mis en place le blocage administratif des sites pour empêcher d’appeler et de provoquer au terrorisme ou de tenir des propos haineux sur internet, une formation politique s’y est opposée, la vôtre, alors qu’il y avait une quasi-unanimité pour voter ces dispositions et assurer ainsi la protection des Français.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Lorsque nous avons adopté une loi sur le renseignement pour habiliter nos services de renseignement à mobiliser, sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante et des juges administratif et judiciaire, des techniques permettant de détecter ceux qui veulent entrer sur le territoire national pour y commettre des crimes terroristes, vous vous êtes opposés à ces dispositions en tenant des propos d’une totale irresponsabilité !

Je vais vous dire pourquoi vous agissez ainsi. Vous faites cela pour une raison extrêmement simple et lisible, qui renvoie à l’héritage de votre formation politique ; pour vous, la lutte antiterroriste se réduit à un objectif et un seul : la désignation de nos compatriotes de confession musulmane pour les stigmatiser…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … et pour attiser les antagonismes, les oppositions, les confrontations à l’intérieur de la Nation. Vous rejoignez d’ailleurs, ce faisant, les objectifs de ceux qui nous frappent et qui ne tiennent qu’à une chose : le fractionnement de la société française.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Eh bien, monsieur le sénateur, nous ne laisserons ni votre formation politique ni vous-même dissimuler ces impasses derrière des mensonges. Soyez assurés que, par respect pour les Français, pour la vérité et pour les valeurs de la République, à chaque occasion qu’il vous sera donné, au cours des mois qui viennent, de recourir au mensonge et à la démagogie, vous aurez, face à vous, la vérité et la fermeté républicaine !

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Plusieurs membres du groupe Les Républicain et de l’UDI-UC applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 26 janvier, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services est parvenue à un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2016, et de la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques, déposée sur le bureau du Sénat le 15 décembre 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Évelyne Rivollier, membre de mon groupe, souhaitait voter pour l’article unique de la proposition de loi n° 155 visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », à l’occasion du scrutin public n° 86, et pour la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement, à l’occasion du scrutin public n° 88.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je suis intervenu à plusieurs reprises, par le biais de rappels au règlement, au sujet des retards très affligeants avec lesquels les ministres répondent aux questions écrites. La situation empire, puisque, aujourd'hui, en plus, on nous répond n’importe quoi !

Voilà six mois, compte tenu des problèmes de compétence liés aux fusions d’intercommunalités, j’avais interrogé le ministre de l’intérieur pour savoir de quelle compétence relevait l’entretien des bouches d’égout. Ce sont des problèmes qui se posent concrètement en cas de fusion des intercommunalités ! Au début du mois de décembre, le ministre, qui a dû bien réfléchir à ma question, m’a répondu que l’entretien des bouches d’égout relevait de l’assainissement fluvial. Dont acte !

Il se trouve que la même question avait été posée au même moment à l’Assemblée nationale. Son auteur a lui aussi dû attendre six mois pour avoir une réponse, qu’il a obtenue quinze jours après moi. Sauf qu’on lui a répondu que l’entretien des bouches d’égout relevait de la compétence voirie… C’est un peu gros, voire relativement peu responsable ! Il faudrait tout de même que ceux qui répondent à des questions écrites fassent attention à ce qu’ils écrivent.

Dans ces conditions, j’ai posé une nouvelle question au ministre, m’étonnant que l’on dise tout et son contraire et qu’à l’instar des neutrinos, particules qui changent de nature en l’espace de quelques kilomètres, la réponse ait changé en parcourant les deux kilomètres qui séparent le Sénat de l’Assemblée nationale. Je lui ai demandé laquelle des deux réponses devait être retenue comme valable. Je formule le souhait que le ministre ne mette pas six mois pour répondre à cette nouvelle question !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Madame la présidente, mon collègue Gaëtan Gorce souhaitait s’abstenir lors du scrutin public n° 86 sur la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », intervenu le jeudi 12 janvier dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Lana Tetuanui.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le conseiller économique, social et environnemental pour la Polynésie française, mes chers collègues, Iaorana.

Au préalable, je tiens à vous faire part de mon ressenti sur l’intitulé du projet de loi qui nous réunit ce jour. En effet, parler d’« égalité réelle outre-mer » me paraît bien idéaliste, voire utopiste, quand on connaît nos particularités et spécificités, aussi bien géographiques que juridiques – c’est notamment vrai des collectivités d’outre-mer, par comparaison avec les départements. Néanmoins, je retiendrai l’objectif final de ce texte : réduire nos inégalités par l’élaboration de plans de convergence. Cette volonté du gouvernement central est vertueuse et honorable. Elle mérite d’être saluée, car nous connaissons tous la problématique générale de la différence de niveau de vie entre nos territoires.

Définir la résorption des inégalités comme priorité de la Nation est un devoir. En effet, même situés à l’autre bout du monde, dans l’océan Pacifique, nous sommes nous aussi Français. Nous prétendons aux mêmes droits, édictés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont nous respectons également les devoirs.

Cependant, attendre les dernières semaines du quinquennat du Président de la République pour présenter un projet de loi de programmation dont le succès ne peut dépendre que de ses modalités d’exécution et, surtout, des moyens budgétaires qui y seront rattachés pour chaque territoire ultramarin est, à mon sens, bien risqué. Permettez-moi, madame la ministre, ce constat un peu sévère, mais indéniable.

Ce projet de loi résulte de la mission conduite par M. Victorin Lurel, député ultramarin de Guadeloupe et ancien ministre des outre-mer. Son état des lieux, dressé dans l’ensemble de l’outre-mer, a permis de mettre en exergue des décalages avec la métropole dans de nombreux domaines, décalages importants et fortement liés aux spécificités historiques, géographiques et culturelles propres à chaque territoire d’outre-mer.

Ainsi, certaines données concernant ma collectivité sont inquiétantes. Sachez que le gouvernement actuel, présidé par M. Édouard Fritch, met tout en œuvre – dans les limites de ses compétences et de ses moyens budgétaires – pour les résorber, dans le cadre de nouvelles politiques publiques.

Au-delà de ces constats, plus ou moins communs à l’outre-mer dans son ensemble, j’estime néanmoins que la Polynésie française se distingue des autres collectivités d’outre-mer, compte tenu, d’une part, du fait nucléaire et de ses conséquences et, d’autre part, de son statut de large autonomie, acquis depuis 1984 – je profite de l’occasion pour saluer nos députés et sénateurs polynésiens qui se sont battus à l’époque pour l’obtention de cette autonomie.

Ainsi, notre statut nous place en dehors du champ de la majorité des dispositions contenues dans le présent projet de loi. Toutefois, par solidarité avec mes collègues des outre-mer, notamment au regard des droits sociaux dont le texte fait bénéficier le dernier département français que représente Mayotte, je ne m’opposerai pas à toutes ces avancées sociales.

Par ailleurs, il convient de relever que le projet de loi apporte des évolutions concrètes, par l’adoption de quelques mesures, au bénéfice de ma collectivité. Je pense notamment à la prise en charge, au titre de la continuité territoriale, des frais de rapatriement ou de voyage en cas d’obsèques d’un de nos compatriotes ; aux affectations prioritaires pour les membres de certains corps de fonctionnaires dont le centre des intérêts matériels et moraux se situerait en Polynésie ; à la reconnaissance de nos handicaps structurels liés à notre isolement, notre superficie et notre vulnérabilité face au changement climatique ; au maintien d’une offre de transports continus et réguliers avec la métropole par le maintien de nos liaisons, dans le cadre du principe de continuité territoriale ; au bénéfice de la mobilité pour la mise en œuvre des programmes de formation ou d’insertion professionnelle ; à la codification des dispositions du code de l’éducation selon nos règles de partage des compétences ; à la rédaction d’un rapport afin de garantir les mêmes droits dans les domaines des transports et des déplacements.

Pour ce qui concerne les amendements au projet de loi que je défendrai, ils peuvent se résumer ainsi : intégration du principe d’accès à la formation professionnelle, afin de satisfaire la requête des organisations patronales de Polynésie, qui souhaitent bénéficier des dispositifs de formation des salariés des entreprises, au titre de la solidarité nationale ; adoption de nouvelles dispositions dans le cadre du dispositif « passeport talent », pour faciliter l’entrée en Polynésie française d’investisseurs étrangers justifiant d’un projet économique, conformément au vœu du pays ; ouverture du concours interne de la fonction publique communale à l’ensemble des agents non titulaires remplissant les conditions d’ancienneté requises ; suppression de la qualité de commissaire de gouvernement en matière de litiges fonciers en Polynésie, pour assurer une parfaite sécurité juridique ; bénéfice des expertises et conseils de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la Polynésie française.

Je ne vous cacherai pas que nos priorités en Polynésie étaient tout autres, madame la ministre. Elles portaient surtout sur la signature des accords de Papeete, sur la modification de notre statut afin de pérenniser l’engagement du Président de la République sur la sanctuarisation de la dotation globale d’autonomie et sur la révision du décret pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dit « décret Morin ».

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Pour conclure, je dirai qu’adopter le concept de « plans de convergence » proposé par ces nouvelles dispositions législatives en faveur de l’outre-mer, pourquoi pas ? Sachez cependant que, pour la Polynésie, ce n’est pas un exercice nouveau. Notre histoire nous a déjà contraints à élaborer des stratégies de développement à moyen et long terme. Dès les années quatre-vingt-dix, un projet de société avait été élaboré : intitulé « pacte de progrès », il avait justement été rédigé par M. Christian Vernaudon, ici présent, pour le compte du gouvernement local, en partenariat avec l’État et la société civile.

Aussi, était-il besoin d’une loi pour généraliser ce type de démarche ? Je ne le pense pas, car chaque collectivité d’outre-mer a son histoire et chaque territoire est apte à contractualiser avec l’État, selon ses propres schémas de développement liés à son environnement régional, à son histoire, à son patrimoine culturel et selon son statut. Néanmoins, je ne peux que m’inscrire dans la démarche que vous avez proposée, madame la ministre; et il me semble important de rappeler que le travail, au Sénat, de notre rapporteur et des rapporteurs pour avis a permis de trouver une rédaction bien plus satisfaisante que celle que nous avons pu recevoir de l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, c’est avec une émotion particulière que je m’adresse à vous aujourd’hui. En effet, les hasards du calendrier ont voulu que ce soit sur ce texte, qui me tient particulièrement à cœur, que je prenne la parole, dans cet hémicycle, pour l’une des dernières fois peut-être.

Je salue l’opportunité et l’importance de ce projet de loi, très attendu, que nous discutons en cette fin de mandature. Il répond à l’un des soixante engagements de campagne du Président de la République, celui d’encourager un nouveau modèle de développement de l’outre-mer. En effet, nul développement n’est possible si la question des handicaps structurels des outre-mer n’est pas abordée sérieusement. Nos territoires ont certes des atouts, mais leurs potentiels ne pourront véritablement être mobilisés au sein de la République que si cette dernière est en mesure de donner les mêmes chances à l’ensemble de ses citoyens et acteurs économiques.

L’égalité des droits est une première étape. Les outre-mer l’ont patiemment conquise, comme en témoigne toute leur histoire. Pour autant, cette égalité formelle n’a pas mis fin aux écarts sociaux et économiques, considérables, entre les outre-mer et le reste de la France. Les solutions généralement imaginées pour y remédier n’ont jamais produit les effets escomptés. Elles s’apparentent plutôt à des cautères sur une jambe de bois.

De surcroît, cette situation alimente injustement le sentiment que les outre-mer vivent « sous perfusion » et qu’à cet égard ils ne sont pas en position d’exiger mieux et plus. Or le destin des Ultramarins est solidaire de celui de la France : chaque fois qu’il a fallu défendre les valeurs de la République, les Ultramarins ont répondu présent. Dans les tranchées de Verdun, ils étaient là ! Contre l’arbitraire du gouvernement pétainiste, ils étaient là ! Et nombre d’entre eux sont venus gonfler les rangs de l’armée de la France libre et de la Résistance, en partant en dissidence sur de frêles esquifs, au péril de leur vie. De tout temps, ils ont payé l’impôt du sang !

L’égalité réelle implique un changement de paradigme quant aux conditions du développement des outre-mer. C’est à la République de promouvoir une égalité des chances plutôt qu’un saupoudrage de dispositifs dérogatoires.

Il y a, dans l’égalité des droits, quelque chose de l’ordre du virtuel, d’un possible inachevé… Par prolongement de l’égalité des droits, l’égalité réelle suppose que ce principe politique soit rendu effectif par la mise en œuvre de politiques concrètes.

Condorcet évoque cette notion, au lendemain de la Révolution, dans son ouvrage Cinq mémoires sur l’instruction publique. Dès cette période, l’éducation est identifiée comme le premier levier d’une égalité de fait : « Les lois prononcent l’égalité dans les droits, les institutions pour l’instruction publique peuvent seules rendre cette égalité réelle. » Près d’un siècle plus tard, en 1870, Jules Ferry met en exergue la même idée : « Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle. » Très tôt, la notion d’égalité réelle est donc associée à l’idée d’une égalité des chances.

Ce concept a été développé et approfondi par John Rawls, puis par Amartya Sen à la fin du XXe siècle. Les apports de Sen, en particulier, ont ceci d’intéressant qu’ils démontrent que la redistribution ne suffit pas à assurer l’égalité. Pour atteindre véritablement l’égalité, il est également nécessaire de créer des conditions sociales et de savoirs permettant d’optimiser les ressources dont on dispose. L’égalité des chances suppose donc que l’État dépasse sa fonction providentielle de compensation des inégalités pour parvenir à un rôle de prévention du développement desdites inégalités, en agissant notamment sur les causes.

À ce titre, le projet de loi qui nous est présenté comporte des dispositions essentielles d’un point de vue non seulement économique, mais également historique. Ainsi, l’article 12 prévoit la création d’un « fonds de continuité » pour favoriser le retour des Ultramarins dans leur région d’origine. L’article 34 met également en place une expérimentation pour attirer de jeunes talents, jeunes diplômés susceptibles de créer des activités outre-mer.

Pour ceux qui sont restés « au pays », il est difficile de sortir du cycle de paupérisation constitué par l’absence de qualification permettant d’accéder aux emplois tertiaires, le chômage de masse et l’institutionnalisation des petits boulots, fréquemment non déclarés. À cet égard, le parcours progressif de formalisation des activités économiques, prévu à l’article 13, ainsi que la reconnaissance de la pluriactivité, à l’article 10 septies, sont des avancées notables de ce projet de loi, qui en compte bien d’autres.

L’un des plus grands défis que nous devons relever est celui de l’éducation et de la formation. Il n’y a pas de développement économique et social possible pour nos outre-mer sans un véritable « plan Marshall » en matière d’enseignement initial et de formation professionnelle. Certes, la question des savoirs et de leur transmission se pose au niveau national. Pour autant, cette préoccupation doit faire l’objet d’un examen et de moyens particuliers pour nos territoires, affectés par un niveau d’échec scolaire, un manque de qualifications et un taux de chômage insupportables, voire dangereux pour l’équilibre et le vivre ensemble au sein de la société ultramarine.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je conclus, madame la présidente.

S’agissant du développement des activités économiques, les entreprises ont besoin non seulement de subventions, mais aussi et surtout de dispositifs législatifs pérennes pour pouvoir véritablement croître et se consolider. Là aussi, il s’agit d’adopter des mesures simples, mais d’ampleur. En l’occurrence, le projet de loi propose, à l’article 51, des zones franches globales pour chacun des territoires concernés. C’est une bonne chose.

Il convient que les mesures que nous allons adopter ne soient pas remises en cause à chaque alternance politique nationale, faute de quoi elles deviendront inefficaces, voire contre-productives.

En conclusion, je dois rappeler que la prise en compte effective par la France et l’Europe des spécificités des outre-mer doit demeurer notre objectif. C’est à cette seule condition que nos territoires pourront bénéficier des dispositifs adéquats, par leur nature et leur dimensionnement, pour que nos pays accèdent enfin aux conditions d’un développement économique réel, garantie sine qua non d’une véritable égalité réelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’« égalité réelle » est le titre choisi par le Gouvernement pour ce texte, dont l’adoption a fait l’objet d’une belle unanimité à l’Assemblée nationale, le 11 octobre dernier. Nous pouvons honorablement saluer cette remarquable unité démocratique, qui a permis d’améliorer, dans le respect du consensus, un outil de travail dont l’architecture était vouée à être mieux équilibrée après sa délibération en conseil des ministres au cours de l’été 2016.

Votre projet de loi, madame la ministre, définit les principes, la méthodologie et les instruments des politiques publiques en faveur de l’égalité réelle, à savoir un plan de convergence pour dix à vingt ans et une stratégie de rattrapage de long terme.

Par ailleurs, il introduit plusieurs dispositions de nature économique et sociale en faveur de territoires ultramarins et porte notamment une attention particulière à la situation de Mayotte, ce dont je vous remercie. Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, beaucoup reste à faire.

Ce texte propose de mettre en place des instruments visant à réaliser la convergence des niveaux de vie entre les populations d’outre-mer et celles de la France hexagonale à travers plusieurs dispositions économiques, notamment en matière de formation.

On ne le dira jamais assez, Mayotte a effectué, en janvier 2014, son entrée dans le droit commun, notamment le droit fiscal, avec des bases de calcul des valeurs fiscales qui, parce qu’elles ne reflètent pas les réalités mahoraises, pénalisent lourdement les ménages et les entreprises.

Je voudrais revenir sur certains des aspects dont tout le monde juge qu’ils ne reflètent pas un rapprochement suffisant de Mayotte vers le droit commun.

Je pense tout d’abord à l’harmonisation des institutions publiques afin de parachever l’organisation territoriale de Mayotte. Il ne peut s’agit d’une option, c’est une exigence politique. Les institutions locales mahoraises doivent disposer des outils nécessaires pour conduire leur action.

Ainsi, les dispositions du code général des collectivités territoriales qui concernent Mayotte ne sont plus adaptées aujourd’hui aux réalités. La qualification législative retenue par la loi est celle d’un « département » exerçant non seulement ses propres compétences, mais aussi celles d’une région.

Or la structure régionale, selon l’acception juridique d’assemblée unique voulue par le législateur, se retrouve totalement écartée des politiques décidées par l’État à Mayotte. Il serait donc judicieux de proposer des mesures visant à parachever le processus institutionnel de Mayotte, tel qu’il a été fixé par les lois organique et ordinaire du 7 décembre 2010 relatives au département de Mayotte qui ont institué, en dépit de leur intitulé, une « collectivité unique » exerçant les compétences d’un département et celles d’une région d’outre-mer.

Force est de constater que les insuffisances institutionnelles actuelles empêchent cette collectivité d’assurer le plein exercice de ses compétences départementales et régionales. Aussi, la création des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, dont certains tentent de s’achever avec beaucoup de difficultés, s’invite à ce débat primordial.

Je souhaite que l’État prenne en compte la situation du conseil départemental, des communes et enfin des EPCI pour, d’une part, compenser les charges liées aux difficultés de gestion dont les collectivités sont victimes et, d’autre part, réfléchir à l’éventuelle mise en place d’un cadre législatif d’évaluation des actions à engager en leur faveur.

Transcrire, à juste titre, « Mayotte 2025 » dans ce texte m’apparaît inapproprié au regard de tous les défis à relever.

De plus, il faut parvenir à soustraire Mayotte de la catégorie des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution en l’insérant dans celle des collectivités régies par l’article 73 afin de la rapprocher du principe de l’identité législative.

Ainsi, la situation de ce département reste inchangée en matière de recensement, alors que la fiscalité de droit commun s’y applique depuis le 1er janvier 2014. Or le recensement, qui est toujours d’application injuste, demeure un précurseur inébranlable du calcul des dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Sa réalisation fausse donc les statistiques officielles et les calculs des dotations dont les collectivités locales de l’île doivent bénéficier.

Le Gouvernement avait pris l’engagement d’apporter des solutions rapides aux maintes difficultés posées sur ce sujet. Il avait même proposé de s’employer à modifier cette situation à l’horizon de 2017 pour l’aligner sur celle des territoires relevant de l’article 73 de la Constitution. Or, à la date d’aujourd’hui, il n’en est rien.

Par ailleurs, plus qu’un souhait, stopper l’immigration illégale à Mayotte est devenu un devoir étatique. Les événements qui ont secoué le territoire pendant l’année 2016 doivent nous alerter sur la nécessité de prendre toutes les mesures indispensables – sans tabou ni dogmatisme – pour juguler ce phénomène qui mine la société mahoraise.

La coopération régionale est sûrement le moyen le plus sûr de freiner ces flux. Mais force est de constater que les autorités comoriennes ne coopèrent pas. Pis, on dirait que la situation actuelle les arrange en y voyant un moyen de déstabiliser Mayotte et de gêner la France. Quant aux autres pays de la zone, il n’y a eu aucune discussion concernant leurs ressortissants clandestins à Mayotte.

Il faut désorganiser les réseaux de passeurs, supprimer leurs appuis et réformer les dispositions législatives qu’ils utilisent de manière détournée. Certaines de ces filières utilisent le droit du sol en organisant systématiquement des accouchements à la maternité de Mayotte, devenue la plus grande maternité de France, quitte à mettre en danger la vie de ces femmes – dont le seul espoir est de voir leur enfant devenir un jour Français – en les transportant dans des kwassas kwassas. D’autres ont recours aux mariages blancs ou aux reconnaissances frauduleuses de paternité, utilisés massivement par des personnes peu scrupuleuses.

Il est urgent de prendre des mesures sévères afin de ne pas donner à la population le sentiment que rien n’est fait. Dernièrement, des conflits ont éclaté à la suite de l’accaparement de terres par des clandestins. Cette situation est porteuse de risques d’affrontements graves à l’avenir.

La paix sociale et la situation économique du département de Mayotte sont fragilisées : les entrepreneurs s’en vont et les fonctionnaires métropolitains refusent d’y venir travailler. Cette immigration massive et le désœuvrement dans lequel se trouvent les clandestins participent à l’importante et inquiétante détérioration de la sécurité dans l’île, n’en déplaise à ceux qui veulent rester aveugles devant une telle situation.

À l’heure où nous adoptons des mesures sociales qui seront autant de raisons supplémentaires pour les migrants de vouloir venir à Mayotte, il importe d’envoyer un signal témoignant de notre volonté de stopper l’immigration clandestine. C'est la raison pour laquelle, comptant sur votre soutien, mes chers collègues, je soumettrai à la sagacité du Parlement un amendement qui ne transgresse pas notre droit interne et respecte nos engagements internationaux.

Il faudra également que le Gouvernement renforce les autres moyens de lutte contre l’immigration, comme je l’avais suggéré dans l’atelier que j’ai présidé lors des premiers travaux de « Mayotte 2025 » : renforcement des radars, contrôles en mer plus efficaces, reconduite systématique à la frontière des clandestins… Le laxisme ambiant doit enfin cesser pour que les clandestins ne se sentent plus en territoire conquis, pouvant se permettre de faire ce que bon leur semble.

En outre, notre système n’est plus en mesure « d’absorber facilement les pics de demandes d’asile liés aux guerres civiles et aux crises régionales, mais aussi au recours abusif à la procédure d’asile, qui crée un engorgement du dispositif, allonge les délais de traitement et génère nombre d’effets pervers ».

De telles dérives, aussi regrettables soient-elles, amplifient l’injustice profonde dont sont victimes ceux qui ont réellement besoin d’une protection. C’est toute l’organisation de l’accueil de ces personnes qui s’en trouve paralysée, notamment en Guyane et dans le jeune département de Mayotte.

Afin d’éviter les drames humains qui se produisent au large des côtes mahoraises, nous devons, collectivement, prendre toutes les mesures appropriées pour apporter les corrections nécessaires à cette situation en matière de coopération et d’opérations conjointes propices à la sécurité maritime.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les intentions affichées dans ce présent projet de loi sont louables, que de retard accumulé !

Voilà presque deux ans, le 7 mai 2015, nous avions débattu, dans ce même hémicycle, de l’octroi de mer, et donc du financement des services publics dans ces territoires. À cette occasion, j’avais précisé, en tant que porte-parole du groupe UDI-UC, que la structure des recettes des collectivités ultramarines les conduisait mécaniquement à s’appuyer sur cette taxe – qui n’est, in fine, qu’une taxe sur l’insularité –, ce qui pousse les administrations à une rationalisation de leurs consommables, à une gestion toujours plus tendue et, de fait, à une moindre capacité d’action publique.

Depuis l’examen du projet de loi relatif à l’octroi de mer, nous pouvons dénombrer quatorze projets d’ambitions diverses sur l’outre-mer, sans compter les propositions de loi… Le texte que nous examinons aujourd’hui pose, de facto, la question de la notion même d’égalité réelle. L’égalité formelle, prévue par la Déclaration de 1789, perd de son sens lorsque tous ne bénéficient pas des mêmes conditions matérielles d’existence, c’est-à-dire d’une égalité réelle.

Aussi l’égalité réelle ne peut-elle signifier que deux choses : égalité des chances et égalité d’accès aux biens et services. C’est à cette aune que nous devons examiner ce projet de loi.

La République française est une et indivisible. Fallait-il un texte spécifique aux territoires d’outre-mer qui traite, à travers plus de 110 articles, de sujets aussi divers que la vie chère, la continuité territoriale, l’assurance vieillesse, les prestations familiales, l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage des jeunes ou l’orpaillage en Guyane ? L’adoption d’une loi unique laisse entendre que ces territoires sont homogènes, qu’ils peuvent faire l’objet d’une même réflexion, alors que leur diversité fait leur spécificité et souvent leur richesse.

J’ajouterai, a fortiori, que les outre-mer sont engagés dans une logique d’autonomie et donc de différenciation territoriale. Dès lors, quel sens donner à une loi unique et générale ? Il serait plus logique qu’un texte différent intègre la dimension ultramarine indissociable de notre territoire national, de même que nous demandons à l’Europe, dans ses décisions réglementaires, de prendre en considération les spécificités des territoires ultramarins.

Les situations de Mayotte, dont la densité de population est cinq fois supérieure à celle de la métropole, confrontée à des problèmes migratoires considérables, de la Guyane, d’une superficie de 80 000 kilomètres carrés ou de la Polynésie – un territoire grand comme l’Europe avec seulement 1 % de terres émergées – sont-elles comparables ?

L’égalité réelle, c’est aussi veiller à ne pas laisser perdurer des disparités artificielles au sein même des populations vivant localement.

Depuis 1946, les fonctionnaires bénéficient d’avantages qui ne peuvent être octroyés au secteur concurrentiel. N’est-ce pas une forme de discrimination contraire au principe même de l’égalité réelle ? Il s’agit également d’un frein à l’initiative privée : le fait que la majorité de jeunes diplômés de ces territoires souhaite rejoindre le secteur public constitue un handicap économique.

Il conviendra de réfléchir à cette question : si la vie est plus chère outre-mer, elle l’est pour tous. Et les premiers à en pâtir sont toujours les plus pauvres ! C’est parce que la lutte contre la vie chère doit être une priorité que nous nous interrogeons sur l’efficacité réelle des dispositions de ce projet de loi.

Ce texte n’est pas dénué d’ambitions sur le plan économique – je pense à l’aide au fret, au maintien des zones franches ou au renforcement du FIP-DOM. Toutefois, ces dispositions concrètes sont sous-dimensionnées par rapport aux enjeux. Le volet économique doit en effet être le plus important, le plus ambitieux.

L’égalité réelle, c’est valoriser les atouts des territoires, dont le tourisme, et favoriser la création de richesses plutôt que prévoir de compenser dans la durée ces faiblesses.

La formation est certes importante, mais les jeunes diplômés doivent trouver des débouchés dans leur propre territoire.

L’élaboration future du plan de convergence visant à déterminer un objectif de rattrapage avec la métropole sur dix ou vingt ans est un réel défi à relever. En ce début d’année, le groupe UDI-UC forme le vœu que cette ambition soit atteinte.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le conseiller économique, social et environnemental, mes chers collègues, diversité, richesse, mais aussi et surtout potentiel, telles sont les qualités consubstantielles aux territoires français d’outre-mer.

Alors que le monde devient un village, nos territoires d’outre-mer, habités comme inhabités, font de notre pays la première puissance maritime mondiale, présente dans tous les nœuds stratégiques, de l’Arctique à l’Antarctique, du Pacifique jusqu’au canal du Mozambique. Cependant, la géographie ne fait pas le développement. Malgré un rattrapage entamé ces dernières décennies, tous les indicateurs de développement témoignent d’écarts encore importants entre nos territoires et l’Hexagone, entre nos outre-mer eux-mêmes et entre les îles principales et les territoires doublement, voire triplement insulaires.

De Saint-Pierre-et Miquelon à Mayotte ou à Futuna, les écarts de niveaux de vie et d’espérance de vie, de même que la complexité de nos problématiques, sont considérables. Alors, si nous voulons faire des outre-mer les porte-avions et l’avant-garde de la République dans la mondialisation, l’égalité réelle est indispensable.

Le texte que nous examinons aujourd’hui offre des perspectives prometteuses. Il reconnaît aux 2, 7 millions d’Ultramarins le droit à l’égalité avec leurs compatriotes métropolitains, au moyen de plans de convergence qui devront être ambitieux pour atteindre l’égalité réelle.

Alors que cet objectif devrait dépasser les clivages politiques, nous avons assisté à une tentative de « détricotage » du texte. Je le déplore d’autant plus que les élus ultramarins, par-delà les groupes, se sont montrés unis pour défendre ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai de nombreux amendements de rétablissement visant, entre autres dispositions, à la prise en compte des spécificités des outre-mer dans les travaux du Conseil d’orientation des retraites ou à l’intégration d’un volet consacré aux établissements hospitaliers ultramarins et à leurs problématiques spécifiques dans la stratégie nationale de santé.

J’en profite, madame la ministre, pour vous dire mon profond regret qu’aucun accord n’ait pu être trouvé sur la réforme de la sécurité sociale à Saint-Pierre-et-Miquelon, empêchant ainsi l’examen de l’ordonnance en conseil des ministres, le 11 janvier dernier. Si j’ai bien pris connaissance de votre amendement n° 153 que, bien évidemment, je voterai, je ne peux que déplorer autant d’atermoiements quand je sais votre investissement, et celui de votre cabinet, pour arriver à des dispositions aussi favorables pour l’archipel.

Cela étant dit, mes chers collègues, comme je le soulignais à l’instant, ce texte offre des perspectives prometteuses. Je me réjouis, par exemple, de l’ouverture de l’éligibilité à la troisième part du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, je me réjouis, entre autres mesures, de l’extension de l’affiliation à l’assurance vieillesse des parents au foyer, des bénéficiaires de la prestation partagée de l’éducation de l’enfant, de la ratification de l’ordonnance portant réforme du régime d’assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, de l’habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de la loi pour étendre ou adapter à notre archipel la législation relative aux allocations logement, de la création d’une aide au fret capitale.

Enfin, il est primordial d’affirmer dans ce texte le principe de continuité territoriale. Les Ultramarins ne doivent pas être pénalisés par les difficultés d’accès à ou depuis la métropole ni être soumis au bon vouloir d’une puissance étrangère – je pense notamment à l’AVE pour ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon. Nos amis Danois et Néerlandais y parviennent sans difficulté pour tous leurs outre-mer, pourquoi pas nous ?

Je vous remercie, madame la ministre, de nous donner l’occasion de travailler sur l’égalité des territoires et des citoyens ultramarins devant la République. Nous vivons en périphérie de l’Hexagone, mais, grâce à cette dynamique de débat et de prise de conscience que vos prédécesseurs et vous-même avez enclenchée, nous finirons par arriver enfin au cœur de la République, à être réellement égaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le mot « réel » ajouté à « égalité », appliqué, en sus, aux « outre-mer », dérange, voire gêne d’aucuns qui considèrent que, « appliquer le principe d’égalité, ce ne serait déjà pas mal ».

Face à ces « cartiéristes », frappés de cécité quand il s’agit des outre-mer, il fallait une action forte, avec un signe fort, pour réveiller les consciences. Si le principe constitutionnel est l’égalité « tout court », nous savons qu’il n’est pas appliqué : les inégalités, toujours vivaces, demeurent.

Avec ce texte et ce « rajout », l’égalité que nous revendiquons acquiert force de loi et devient une obligation découlant de la reconnaissance d’une situation inégalitaire entre le territoire métropolitain et les outre-mer.

Un autre point mérite d’être clarifié : certains considèrent que revendiquer une « égalité de traitement entre l’outre-mer et l’Hexagone » se limite à une « quête supplémentaire d’assimilation et d’assistanat à outrance ». Or l’objectif du projet de loi est tout autre. L’égalité réelle, telle qu’elle y est formulée, vise, au contraire, à permettre à chaque collectivité ultramarine de disposer des moyens suffisants pour définir un modèle de développement économique à même de prendre en compte ses caractéristiques et spécificités, aussi bien sociales, démographiques, environnementales ou géographiques qu’en matière d’infrastructure. C’est l’affirmation de l’existence de plusieurs « outre-mer » et pas d’un « outre-mer ». C’est reconnaître qu’il existe aussi des différences, des écarts, entre les outre-mer eux-mêmes. C’est enfin prendre en compte leurs caractéristiques propres afin de leur affecter des solutions spécifiques.

Prenons le cas de la Guyane, non parce qu’elle est ma région d’origine, mais parce qu’il s’agit d’un exemple frappant.

Trop souvent et trop facilement, elle est purement et simplement assimilée aux autres petites économies insulaires ultramarines qui constituent l’essentiel de « l’Empire français d’outre-mer ». En conséquence, les mesures et dispositions prises en sa faveur sont calquées sur ces îles, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec ces dernières. La Guyane est en effet continentale, d’une superficie terrestre de près de 84 000 kilomètres carrés, largement supérieure à la totalité des autres territoires ultramarins français. Elle dispose de ressources naturelles essentielles, d’un taux de croissance démographique exponentiel… Autant d’éléments qui la distinguent radicalement et devraient forcément être pris en considération au titre de sa singularité, notamment dans le cadre du plan de convergence, outil essentiel de ce projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer.

De même, je compte sur ce texte pour faire disparaître certaines survivances de l’époque coloniale, telle la situation du foncier en Guyane, dont plus de 95 % appartient encore à l’État – incroyable, mais vrai ! Un foncier que l’État se refuse de cadastrer ; un foncier sur lequel l’État s’est exonéré de toute taxe, privant ainsi les collectivités d’une manne ; un foncier inexploité en dépit des nombreuses ressources décelées, car mis sous cloche.

Je compte sur le projet de loi pour supprimer toutes les discriminations financières qui frappent la Guyane, tant vis-à-vis des régions hexagonales que de celles des autres régions régies par l’article 73 de la Constitution. Je veux notamment parler de l’« inexhaustivité » du recensement, qui permet de sous-évaluer sa DGF, de l’octroi de mer, minoré d’un prélèvement important au profit de la collectivité territoriale de Guyane, à l’instar de ce qui se passe à Mayotte.

Vous le voyez, ce texte revêt une grande importance, particulièrement pour la Guyane. Ce texte emblématique s’inscrit ainsi dans une véritable politique nationale en faveur des outre-mer. Il s’agit de la traduction de la volonté et de l’engagement du Président de la République, que je tiens à saluer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme le rappelle le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Aimé Césaire disait que « l’égalité est ou n’est pas » ; elle ne se dilue pas.

Pour les habitants des îles de l’archipel de la Guadeloupe, je peux l’affirmer devant vous : elle n’est pas ! Elle ne l’est pas, dès lors que la continuité territoriale ne s’applique pas.

Le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer que nous examinons aujourd’hui nous propose un développement économique endogène, des plans de convergence, l’implantation d’entreprises… Tout cela me semble un bon programme, mais comment est-il possible d’envisager que ces dispositions ne s’appliquent pas de manière égalitaire sur l’ensemble de l’archipel guadeloupéen ?

Pourtant, le programme de campagne du Président de la République était bien prometteur. Il déclarait ainsi, dans ses engagements pour les outre-mer : « Je prendrai en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la conception et la mise en œuvre des décisions publiques. » Or, depuis 1946, aucun gouvernement de la République française n’a reconnu le caractère archipélagique de la Guadeloupe.

J’ai entrepris, à dater de 2012, de nombreuses démarches, avec les sénateurs des départements et collectivités d’outre-mer : demande de création d’une mission auprès de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; rencontres successives avec Mme Corina Creţu, la commissaire européenne, avec les ministres des outre-mer, le Président de la République, afin d’apporter une réponse valable et pérenne à la réduction des contraintes liées à l’insularité.

Rien ou presque n’a changé, si ce n’est l’examen d’un texte relatif à l’outre-mer en procédure accélérée, à quelques mois d’une échéance présidentielle… La situation s’est même dégradée : la population décroît de manière massive, comme à Marie-Galante, passée de 30 000 à 10 000 habitants seulement, sans parler des problématiques de couverture sanitaire, sociale, numérique, ni des problèmes de gestion des déchets ou de la filière canne-sucre-rhum…

Vous l’avez compris, le sentiment d’impuissance est fort et nos concitoyens nous interpellent. Il appartient donc au gouvernement français de reconnaître le principe de la continuité territoriale entre la Guadeloupe dite « continentale », les îles du Sud et la France hexagonale.

Le principe de continuité territoriale existe, et pourtant on m’oppose que ce n’est pas un principe constitutionnel. De surcroît, la continuité territoriale s’applique de manière très déséquilibrée : pour nos amis corses, l’aide est de près de 75 %, alors que, pour nos îles, qui souffrent cependant de triple insularité, elle se situe autour de 25 %.

Le manque d’initiative des autorités nationales en faveur de cette problématique est incompréhensible pour nos concitoyens des outre-mer, alors que l’Union européenne est ouverte à ces évolutions. Le statu quo n’est donc plus acceptable.

Nous sommes à une heure où le bien-fondé de la recherche de l’égalité réelle est envisageable. Dans ces conditions, mes chers collègues, j’ai des difficultés à me projeter dans l’égalité dite « réelle » proposée dans le présent texte.

À défaut de dispositions dans le projet de loi en débat, je souhaite connaître la position du Gouvernement quant à son choix de l’inaction. En effet, ce texte ne comporte aucune avancée quant à la prise en compte, par les politiques publiques, du principe de continuité territoriale entre les îles de l’archipel guadeloupéen et la France métropolitaine.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Après avoir entendu s’exprimer les représentants des divers groupes, sans vouloir trop prolonger les débats, je souhaite remercier chacun des orateurs de leurs propos très libres, mais aussi revenir rapidement sur quelques éléments.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur, si je vous ai bien compris, vous ne nous reprochez pas de travailler jusqu’au bout ! De fait, c’est ce que nous faisons, tout comme vous, parce que – le président du CESE l’a bien relevé, comme tous dans cette enceinte – les situations l’exigent. C’est pour répondre à cette exigence que nous avons accompli un travail important, qui a produit des avancées également importantes pour les territoires. Chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a pu remarquer, qu’il s’agisse de l’emploi, de l’accompagnement de Mayotte et d’autres collectivités, ou encore de la continuité territoriale, que nous avons travaillé, mais cela n’est pas suffisant : il faut également un changement de méthode.

Par-delà ce travail, il est donc à l’honneur de ce gouvernement et de votre assemblée que nous puissions discuter de la nouvelle méthode par laquelle nous voulons aborder le développement de nos territoires ultramarins, quel que soit leur statut. Alors oui, monsieur le rapporteur, nous allons travailler jusqu’au bout, et c’est un honneur de le faire, parce que nos populations l’attendent !

Madame Archimbaud, vous avez regretté l’absence dans le projet de loi de la problématique de l’énergie. Cette question a toutefois été largement abordée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a pu représenter un avant-goût des approches territorialisées de certaines stratégies. En tant que rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, j’ai soutenu un amendement, qui a été adopté à l’unanimité, visant à doter chaque territoire ultramarin d’une programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, spécifiquement adaptée à ses potentialités et à ses limites. Ainsi, chaque territoire disposera de stratégies de développement énergétique qui permettront de répondre aux objectifs fixés dans la loi précitée en termes de seuils de production d’énergie propre. De ce fait, il ne convient pas d’aborder ce sujet dans le présent texte, consacré à l’égalité réelle.

Madame Hoarau, comme je l’ai déjà indiqué en commission, l’amendement Virapoullé a, hélas, été adopté sans nous, et il limite effectivement la possibilité d’étendre à La Réunion les lois d’habilitation, dont votre région a été privée, à l’inverse des autres territoires ultramarins. C’est un grand dommage, mais, pour autant, rien dans la Constitution, ne nous empêche de prévoir nos plans et nos contrats de convergence. En effet, la Constitution permet les expérimentations et l’adaptation de dispositions relevant du champ de compétence des collectivités locales. Nous pouvons et nous devons le faire, car cela représente une voie supplémentaire ; nous en priver serait une sorte de double peine, dont nous n’avons pas besoin.

Je veux à présent revenir rapidement sur certains sujets globaux.

Il n’y aura pas de développement économique sans développement humain. Voilà pourquoi il nous faut faire des efforts encore plus importants pour ce dernier, c’est-à-dire pour l’éducation et la formation, mais aussi et surtout pour la connexion au monde, en faisant en sorte que nos concitoyens ultramarins puissent voyager dans d’autres pays, car ils sont actuellement privés de cette possibilité. Il s’agit d’un véritable chantier d’innovation, qui requiert de nous que nous inversions la vision des choses que nous avions formée voilà soixante-dix ans. Alors, et avant même la départementalisation, le seul lien d’ouverture de ces territoires sur le monde extérieur était l’Hexagone, et tel est encore le cas aujourd’hui. Une telle vision nous a privés – en particulier nos jeunes, nos enfants et nos chefs d’entreprise – de connexions faciles, rapides et abordables avec l’Afrique, l’Asie et les Amériques. À l’heure actuelle, concrètement, de telles connexions n’existent pas à partir de nos territoires ultramarins.

C’est peut-être la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas supprimé la demande de rapport relatif aux connectivités : il s’agit d’un enjeu stratégique et structurant, qui nécessite une vraie réflexion. Il nous faut en effet étudier les équilibres économiques et stratégiques en jeu dans les territoires, afin de ne pas mettre en danger, par exemple, nos compagnies aériennes locales et régionales, tout en réussissant à ouvrir notre ciel. Cette réflexion durera de nombreux mois, sinon de nombreuses années, mais cela aura été notre honneur de nous engager sur cette voie, car c’est la seule qui nous permettra d’ouvrir nos territoires et d’offrir de nouvelles possibilités à nos populations.

Ce sujet rejoint celui de la continuité territoriale qui peut être abordé de différentes façons. Je n’exclus pas l’axe territoire-Hexagone et réciproquement, mais il est peut-être nécessaire d’aller plus loin, et c’est ce que nous entendons faire dans le présent texte. La question de la continuité territoriale se pose également pour des territoires à caractère archipélagique, mais il s’agit là d’une compétence territoriale, et non d’une compétence de l’État.

Par ailleurs, monsieur Robert, je suis flattée de votre présence parmi nous aujourd’hui, présence si rare au sein de cette belle et honorable assemblée, aux dires de certains de vos collègues, ravis de vous connaître enfin à cette occasion.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Cela ne se fait pas ! On pourrait dire la même chose de Mme Ségolène Royal !

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Mme Ericka Bareigts, ministre. Permettez-moi de terminer mon intervention, et de formuler quelques observations, d’abord, sur la méthode et le timing. La caricature et l’insulte ne transforment pas le mensonge en vérité !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Je vous prie de croire qu’aucune posture ne m’impressionne. La vérité forge mes convictions et mes combats. Notre méthode a été participative, et notre travail commun en est la preuve, mesdames, messieurs les sénateurs ; je veux à cet égard remercier le rapporteur et les divers orateurs. Mon cabinet et moi-même avons en effet toujours été à votre disposition, car je crois que c’est ainsi que vivent la démocratie et la République. Je n’entends museler ni l’Assemblée nationale ni le Sénat : telle n’est pas ma conception, qui semble différer de la vôtre, de la démocratie. La République est vivante, elle permet l’expression de chacun.

Alors, à l’évidence, les outre-mer ne doivent pas subir l’assimilation, je l’ai moi-même dit à cette tribune. Au contraire, il faut accepter la diversité et cesser d’adopter des postures politiciennes. Je ne tomberai pas dans ce travers, car je veux que nous puissions travailler et avancer ensemble.

Cela étant, je ne peux laisser parler d’indigence du projet de loi. D’ailleurs, de nombreux intervenants ont rappelé après moi que de très nombreuses mesures sont prévues dans ce texte.

Quant à la diète budgétaire qui a été dénoncée, je vous renvoie l’accusation : sous le précédent quinquennat, les 2 milliards d’euros de budget promis à l’outre-mer n’ont jamais été atteints ! En outre, ce serait un grand malheur si, demain, les promesses de certains candidats – suppression de 500 000 fonctionnaires, économies de 100 milliards d’euros – devaient se réaliser !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre

Comment, avec un tel programme, parviendrons-nous à l’égalité réelle ? Comment parviendrons-nous à réaliser cette belle ambition ?

Vous nous dites préférer la liberté à l’égalité : certes, la liberté coûtera moins cher que l’égalité, mais, pour ma part, je veux non seulement l’égalité et la liberté, mais aussi la fraternité, parce que c’est cela, la République, et les outre-mer doivent être dans la République !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux en raison de la cérémonie de vœux du président du Sénat ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.