Intervention de Jean-François Mayet

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-François MayetJean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis de ce texte, afin d’en analyser les dispositions qui relèvent de son champ de compétences. Elle s’inscrit ce faisant dans la continuité du travail qu’elle a déjà mené à ce sujet en 2015. Jérôme Bignon et Jacques Cornano avaient alors remis un rapport d’information consacré aux outre-mer face au défi climatique, élaboré avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui avait été l’occasion de débats approfondis.

Pour examiner le présent projet de loi, la commission s’est penchée sur quatre axes : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel ; les énergies renouvelables ; les transports et la mobilité outre-mer ; la gestion des déchets. Malheureusement, si la promesse faite dans l’intitulé du projet de loi est ambitieuse, les dispositifs proposés dans chacun de ces domaines ne le sont pas.

Premier axe : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel.

Vous le savez, mes chers collègues, les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité nationale, 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France. Des risques importants pèsent sur cette biodiversité : quatre des cinq points chauds français se situent dans les outre-mer. Pourtant, le projet de loi ne comporte aucune disposition relative à la reconquête de la biodiversité.

Quatre articles du texte issu de l’Assemblée nationale traitent indirectement de la protection du patrimoine naturel en prévoyant le renforcement des dispositifs de contrôle. Cependant, ils apparaissent anecdotiques au regard des dispositifs existants, nationaux ou locaux. La commission des lois en a d’ailleurs supprimé deux en raison de leur fragilité juridique.

Les initiatives locales ne manquent pourtant pas dans ce domaine. Je pense, par exemple, au programme de lutte contre les espèces exotiques envahissantes mené par le gouvernement de la Polynésie française, qui a pour objectif de former les populations. La réserve nationale naturelle de Saint-Martin a également été à l’origine de la création de l’Institut caribéen de la biodiversité insulaire.

Deuxième axe : les énergies renouvelables.

L’indépendance énergétique est un enjeu stratégique majeur pour les régions insulaires. Elles disposent des énergies renouvelables parmi les plus avancées : hydroélectricité, photovoltaïque, éolien ou biomasse issue de la bagasse de canne à sucre. Pourtant, la consommation d’énergie primaire des territoires ultramarins reste très dépendante des énergies fossiles. Or on ne trouve aucune disposition à ce sujet dans le projet de loi. Cela est particulièrement regrettable lorsqu’on constate, par exemple, que 80 000 Guyanais ne sont pas raccordés au réseau et que 12 000 d’entre eux doivent produire eux-mêmes leur électricité, à l’aide de groupes électrogènes.

Troisième axe : la mobilité et les transports.

Le développement des infrastructures, comme des services de transport, est un enjeu fondamental pour renforcer l’attractivité des outre-mer et favoriser leur développement économique et touristique, en aidant certains territoires à sortir de leur enclavement. Les outre-mer possèdent en moyenne moins de deux kilomètres de voirie départementale pour 1 000 habitants, contre 5, 8 kilomètres pour 1 000 habitants dans l’Hexagone. Les services collectifs de transport ne sont pas suffisamment développés. Le constat n’est guère plus encourageant pour les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Face à cette situation, le texte ne prévoit aucune mesure concrète, à part la remise de rapports du Gouvernement au Parlement.

Quatrième axe : le traitement des déchets, un enjeu sanitaire et environnemental capital en outre-mer.

Si des progrès importants ont été réalisés depuis une vingtaine d’années, avec la fermeture de nombreuses installations non autorisées, les décharges y seront partout saturées d’ici à deux ou trois ans. Aucun territoire, hormis la Martinique, n’est doté d’une installation d’incinération ou de méthanisation des déchets.

L’article 22, qui inscrit dans la loi le principe d’actions et de soutiens spécifiques dans les outre-mer pour améliorer l’efficacité des filières de recyclage, n’emporte pas d’effet réel. Ce qu’il prévoit est d’ailleurs déjà pris en compte par les nouveaux cahiers des charges des éco-organismes des filières papier et emballages issus des arrêtés des 21 octobre et 2 novembre 2016. Nous avons la même analyse pour l’article 24 bis sur la valorisation énergétique des déchets, qui a été supprimé par la commission des lois.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donc exprimé des réserves sur l’efficacité d’un tel empilement de mesures : elles sont peu normatives et souvent illisibles ; elles n’emportent pas d’effet juridique et, surtout, consacrent une trop faible part aux enjeux de développement durable et d’aménagement du territoire. Malgré ce manque d’ambition, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi de nature transversale.

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