Je passe sur le caractère très problématique de la notion même d’égalité réelle, qui a été excellemment souligné par mes collègues rapporteurs de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. J’y ajoute simplement que cette passion de l’égalité, qui vire ici à l’idéologie égalitariste, avait déjà été dénoncée par Montesquieu et Tocqueville comme l’un des plus grands dangers pour la démocratie… Sans doute vaudrait-il mieux retenir cette leçon que de manier des concepts creux et définir des objectifs inatteignables.
Sans nul doute, des efforts de rattrapage et d’ajustement sont encore à réaliser sur certains sujets pour les outre-mer, bien sûr, comme pour certains territoires métropolitains. C’est incontestable. Je pourrais citer ici l’accès pour le plus grand nombre à des écoles d’excellence et à des filières de formation de qualité, encore trop souvent réservées de fait aux jeunes de l’Hexagone et des grandes villes. Je pourrais citer encore l’accès démocratisé à toutes les chaînes de télévision nationales dans tous les territoires ultramarins. Je pourrais citer aussi la nécessité d’imposer plus de justice et d’équité dans la préparation aux concours, quel que soit le lieu de résidence. Je pourrais citer, enfin, l’opportunité réelle que l’on doit à chacun de pouvoir à un moment de son parcours professionnel regagner sa ville, son île, son territoire.
En tout état de cause, nous ne sommes pas dupes : cette notion d’égalité réelle vous sert en réalité d’écran de fumée pour masquer le vide et l’indigence de vos propositions, qui ne répondent en rien à la situation d’urgence à laquelle font face la plupart des territoires ultramarins. §Je n’en citerai que deux, qui me paraissent particulièrement emblématiques de la manière dont vous entendez procéder.
En premier lieu, l’une de vos mesures phares, ce sont ces « plans de convergence » définis aux articles 4 et 5 du projet de loi. Après une lecture attentive du texte, et au vu des débats à l’Assemblée nationale, il ne fait guère de doute que leur pilotage, leur définition et leur méthodologie seront directement gérés par l’État, ce qui aboutira immanquablement à enfermer les collectivités territoriales dans un rôle de figuration et de simples associées. Laissez-moi vous rappeler, madame la ministre, que les actes de tutelle de l’État sur les collectivités territoriales n’ont plus lieu d’être et sont considérés comme inconstitutionnels.
En second lieu, les mesures éparses, creuses et limitées que vous nous proposez sur la continuité territoriale ne sauraient faire oublier la démarche de destruction systématique de cette politique menée par le Gouvernement tout au long du quinquennat. Permettez-moi de rappeler ici que c’est bien le gouvernement auquel vous appartenez qui a diminué les crédits de la continuité territoriale de 25 % au cours du quinquennat, pénalisant ainsi des milliers d’Ultramarins et participant à supprimer des programmes entiers de formation.