Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le conseiller économique, social et environnemental pour la Polynésie française, mes chers collègues, Iaorana.
Au préalable, je tiens à vous faire part de mon ressenti sur l’intitulé du projet de loi qui nous réunit ce jour. En effet, parler d’« égalité réelle outre-mer » me paraît bien idéaliste, voire utopiste, quand on connaît nos particularités et spécificités, aussi bien géographiques que juridiques – c’est notamment vrai des collectivités d’outre-mer, par comparaison avec les départements. Néanmoins, je retiendrai l’objectif final de ce texte : réduire nos inégalités par l’élaboration de plans de convergence. Cette volonté du gouvernement central est vertueuse et honorable. Elle mérite d’être saluée, car nous connaissons tous la problématique générale de la différence de niveau de vie entre nos territoires.
Définir la résorption des inégalités comme priorité de la Nation est un devoir. En effet, même situés à l’autre bout du monde, dans l’océan Pacifique, nous sommes nous aussi Français. Nous prétendons aux mêmes droits, édictés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont nous respectons également les devoirs.
Cependant, attendre les dernières semaines du quinquennat du Président de la République pour présenter un projet de loi de programmation dont le succès ne peut dépendre que de ses modalités d’exécution et, surtout, des moyens budgétaires qui y seront rattachés pour chaque territoire ultramarin est, à mon sens, bien risqué. Permettez-moi, madame la ministre, ce constat un peu sévère, mais indéniable.
Ce projet de loi résulte de la mission conduite par M. Victorin Lurel, député ultramarin de Guadeloupe et ancien ministre des outre-mer. Son état des lieux, dressé dans l’ensemble de l’outre-mer, a permis de mettre en exergue des décalages avec la métropole dans de nombreux domaines, décalages importants et fortement liés aux spécificités historiques, géographiques et culturelles propres à chaque territoire d’outre-mer.
Ainsi, certaines données concernant ma collectivité sont inquiétantes. Sachez que le gouvernement actuel, présidé par M. Édouard Fritch, met tout en œuvre – dans les limites de ses compétences et de ses moyens budgétaires – pour les résorber, dans le cadre de nouvelles politiques publiques.
Au-delà de ces constats, plus ou moins communs à l’outre-mer dans son ensemble, j’estime néanmoins que la Polynésie française se distingue des autres collectivités d’outre-mer, compte tenu, d’une part, du fait nucléaire et de ses conséquences et, d’autre part, de son statut de large autonomie, acquis depuis 1984 – je profite de l’occasion pour saluer nos députés et sénateurs polynésiens qui se sont battus à l’époque pour l’obtention de cette autonomie.
Ainsi, notre statut nous place en dehors du champ de la majorité des dispositions contenues dans le présent projet de loi. Toutefois, par solidarité avec mes collègues des outre-mer, notamment au regard des droits sociaux dont le texte fait bénéficier le dernier département français que représente Mayotte, je ne m’opposerai pas à toutes ces avancées sociales.
Par ailleurs, il convient de relever que le projet de loi apporte des évolutions concrètes, par l’adoption de quelques mesures, au bénéfice de ma collectivité. Je pense notamment à la prise en charge, au titre de la continuité territoriale, des frais de rapatriement ou de voyage en cas d’obsèques d’un de nos compatriotes ; aux affectations prioritaires pour les membres de certains corps de fonctionnaires dont le centre des intérêts matériels et moraux se situerait en Polynésie ; à la reconnaissance de nos handicaps structurels liés à notre isolement, notre superficie et notre vulnérabilité face au changement climatique ; au maintien d’une offre de transports continus et réguliers avec la métropole par le maintien de nos liaisons, dans le cadre du principe de continuité territoriale ; au bénéfice de la mobilité pour la mise en œuvre des programmes de formation ou d’insertion professionnelle ; à la codification des dispositions du code de l’éducation selon nos règles de partage des compétences ; à la rédaction d’un rapport afin de garantir les mêmes droits dans les domaines des transports et des déplacements.
Pour ce qui concerne les amendements au projet de loi que je défendrai, ils peuvent se résumer ainsi : intégration du principe d’accès à la formation professionnelle, afin de satisfaire la requête des organisations patronales de Polynésie, qui souhaitent bénéficier des dispositifs de formation des salariés des entreprises, au titre de la solidarité nationale ; adoption de nouvelles dispositions dans le cadre du dispositif « passeport talent », pour faciliter l’entrée en Polynésie française d’investisseurs étrangers justifiant d’un projet économique, conformément au vœu du pays ; ouverture du concours interne de la fonction publique communale à l’ensemble des agents non titulaires remplissant les conditions d’ancienneté requises ; suppression de la qualité de commissaire de gouvernement en matière de litiges fonciers en Polynésie, pour assurer une parfaite sécurité juridique ; bénéfice des expertises et conseils de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la Polynésie française.
Je ne vous cacherai pas que nos priorités en Polynésie étaient tout autres, madame la ministre. Elles portaient surtout sur la signature des accords de Papeete, sur la modification de notre statut afin de pérenniser l’engagement du Président de la République sur la sanctuarisation de la dotation globale d’autonomie et sur la révision du décret pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dit « décret Morin ».