Intervention de Abdourahamane Soilihi

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Discussion générale

Photo de Abdourahamane SoilihiAbdourahamane Soilihi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’« égalité réelle » est le titre choisi par le Gouvernement pour ce texte, dont l’adoption a fait l’objet d’une belle unanimité à l’Assemblée nationale, le 11 octobre dernier. Nous pouvons honorablement saluer cette remarquable unité démocratique, qui a permis d’améliorer, dans le respect du consensus, un outil de travail dont l’architecture était vouée à être mieux équilibrée après sa délibération en conseil des ministres au cours de l’été 2016.

Votre projet de loi, madame la ministre, définit les principes, la méthodologie et les instruments des politiques publiques en faveur de l’égalité réelle, à savoir un plan de convergence pour dix à vingt ans et une stratégie de rattrapage de long terme.

Par ailleurs, il introduit plusieurs dispositions de nature économique et sociale en faveur de territoires ultramarins et porte notamment une attention particulière à la situation de Mayotte, ce dont je vous remercie. Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, beaucoup reste à faire.

Ce texte propose de mettre en place des instruments visant à réaliser la convergence des niveaux de vie entre les populations d’outre-mer et celles de la France hexagonale à travers plusieurs dispositions économiques, notamment en matière de formation.

On ne le dira jamais assez, Mayotte a effectué, en janvier 2014, son entrée dans le droit commun, notamment le droit fiscal, avec des bases de calcul des valeurs fiscales qui, parce qu’elles ne reflètent pas les réalités mahoraises, pénalisent lourdement les ménages et les entreprises.

Je voudrais revenir sur certains des aspects dont tout le monde juge qu’ils ne reflètent pas un rapprochement suffisant de Mayotte vers le droit commun.

Je pense tout d’abord à l’harmonisation des institutions publiques afin de parachever l’organisation territoriale de Mayotte. Il ne peut s’agit d’une option, c’est une exigence politique. Les institutions locales mahoraises doivent disposer des outils nécessaires pour conduire leur action.

Ainsi, les dispositions du code général des collectivités territoriales qui concernent Mayotte ne sont plus adaptées aujourd’hui aux réalités. La qualification législative retenue par la loi est celle d’un « département » exerçant non seulement ses propres compétences, mais aussi celles d’une région.

Or la structure régionale, selon l’acception juridique d’assemblée unique voulue par le législateur, se retrouve totalement écartée des politiques décidées par l’État à Mayotte. Il serait donc judicieux de proposer des mesures visant à parachever le processus institutionnel de Mayotte, tel qu’il a été fixé par les lois organique et ordinaire du 7 décembre 2010 relatives au département de Mayotte qui ont institué, en dépit de leur intitulé, une « collectivité unique » exerçant les compétences d’un département et celles d’une région d’outre-mer.

Force est de constater que les insuffisances institutionnelles actuelles empêchent cette collectivité d’assurer le plein exercice de ses compétences départementales et régionales. Aussi, la création des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, dont certains tentent de s’achever avec beaucoup de difficultés, s’invite à ce débat primordial.

Je souhaite que l’État prenne en compte la situation du conseil départemental, des communes et enfin des EPCI pour, d’une part, compenser les charges liées aux difficultés de gestion dont les collectivités sont victimes et, d’autre part, réfléchir à l’éventuelle mise en place d’un cadre législatif d’évaluation des actions à engager en leur faveur.

Transcrire, à juste titre, « Mayotte 2025 » dans ce texte m’apparaît inapproprié au regard de tous les défis à relever.

De plus, il faut parvenir à soustraire Mayotte de la catégorie des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution en l’insérant dans celle des collectivités régies par l’article 73 afin de la rapprocher du principe de l’identité législative.

Ainsi, la situation de ce département reste inchangée en matière de recensement, alors que la fiscalité de droit commun s’y applique depuis le 1er janvier 2014. Or le recensement, qui est toujours d’application injuste, demeure un précurseur inébranlable du calcul des dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Sa réalisation fausse donc les statistiques officielles et les calculs des dotations dont les collectivités locales de l’île doivent bénéficier.

Le Gouvernement avait pris l’engagement d’apporter des solutions rapides aux maintes difficultés posées sur ce sujet. Il avait même proposé de s’employer à modifier cette situation à l’horizon de 2017 pour l’aligner sur celle des territoires relevant de l’article 73 de la Constitution. Or, à la date d’aujourd’hui, il n’en est rien.

Par ailleurs, plus qu’un souhait, stopper l’immigration illégale à Mayotte est devenu un devoir étatique. Les événements qui ont secoué le territoire pendant l’année 2016 doivent nous alerter sur la nécessité de prendre toutes les mesures indispensables – sans tabou ni dogmatisme – pour juguler ce phénomène qui mine la société mahoraise.

La coopération régionale est sûrement le moyen le plus sûr de freiner ces flux. Mais force est de constater que les autorités comoriennes ne coopèrent pas. Pis, on dirait que la situation actuelle les arrange en y voyant un moyen de déstabiliser Mayotte et de gêner la France. Quant aux autres pays de la zone, il n’y a eu aucune discussion concernant leurs ressortissants clandestins à Mayotte.

Il faut désorganiser les réseaux de passeurs, supprimer leurs appuis et réformer les dispositions législatives qu’ils utilisent de manière détournée. Certaines de ces filières utilisent le droit du sol en organisant systématiquement des accouchements à la maternité de Mayotte, devenue la plus grande maternité de France, quitte à mettre en danger la vie de ces femmes – dont le seul espoir est de voir leur enfant devenir un jour Français – en les transportant dans des kwassas kwassas. D’autres ont recours aux mariages blancs ou aux reconnaissances frauduleuses de paternité, utilisés massivement par des personnes peu scrupuleuses.

Il est urgent de prendre des mesures sévères afin de ne pas donner à la population le sentiment que rien n’est fait. Dernièrement, des conflits ont éclaté à la suite de l’accaparement de terres par des clandestins. Cette situation est porteuse de risques d’affrontements graves à l’avenir.

La paix sociale et la situation économique du département de Mayotte sont fragilisées : les entrepreneurs s’en vont et les fonctionnaires métropolitains refusent d’y venir travailler. Cette immigration massive et le désœuvrement dans lequel se trouvent les clandestins participent à l’importante et inquiétante détérioration de la sécurité dans l’île, n’en déplaise à ceux qui veulent rester aveugles devant une telle situation.

À l’heure où nous adoptons des mesures sociales qui seront autant de raisons supplémentaires pour les migrants de vouloir venir à Mayotte, il importe d’envoyer un signal témoignant de notre volonté de stopper l’immigration clandestine. C'est la raison pour laquelle, comptant sur votre soutien, mes chers collègues, je soumettrai à la sagacité du Parlement un amendement qui ne transgresse pas notre droit interne et respecte nos engagements internationaux.

Il faudra également que le Gouvernement renforce les autres moyens de lutte contre l’immigration, comme je l’avais suggéré dans l’atelier que j’ai présidé lors des premiers travaux de « Mayotte 2025 » : renforcement des radars, contrôles en mer plus efficaces, reconduite systématique à la frontière des clandestins… Le laxisme ambiant doit enfin cesser pour que les clandestins ne se sentent plus en territoire conquis, pouvant se permettre de faire ce que bon leur semble.

En outre, notre système n’est plus en mesure « d’absorber facilement les pics de demandes d’asile liés aux guerres civiles et aux crises régionales, mais aussi au recours abusif à la procédure d’asile, qui crée un engorgement du dispositif, allonge les délais de traitement et génère nombre d’effets pervers ».

De telles dérives, aussi regrettables soient-elles, amplifient l’injustice profonde dont sont victimes ceux qui ont réellement besoin d’une protection. C’est toute l’organisation de l’accueil de ces personnes qui s’en trouve paralysée, notamment en Guyane et dans le jeune département de Mayotte.

Afin d’éviter les drames humains qui se produisent au large des côtes mahoraises, nous devons, collectivement, prendre toutes les mesures appropriées pour apporter les corrections nécessaires à cette situation en matière de coopération et d’opérations conjointes propices à la sécurité maritime.

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