Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme le rappelle le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Aimé Césaire disait que « l’égalité est ou n’est pas » ; elle ne se dilue pas.
Pour les habitants des îles de l’archipel de la Guadeloupe, je peux l’affirmer devant vous : elle n’est pas ! Elle ne l’est pas, dès lors que la continuité territoriale ne s’applique pas.
Le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer que nous examinons aujourd’hui nous propose un développement économique endogène, des plans de convergence, l’implantation d’entreprises… Tout cela me semble un bon programme, mais comment est-il possible d’envisager que ces dispositions ne s’appliquent pas de manière égalitaire sur l’ensemble de l’archipel guadeloupéen ?
Pourtant, le programme de campagne du Président de la République était bien prometteur. Il déclarait ainsi, dans ses engagements pour les outre-mer : « Je prendrai en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la conception et la mise en œuvre des décisions publiques. » Or, depuis 1946, aucun gouvernement de la République française n’a reconnu le caractère archipélagique de la Guadeloupe.
J’ai entrepris, à dater de 2012, de nombreuses démarches, avec les sénateurs des départements et collectivités d’outre-mer : demande de création d’une mission auprès de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; rencontres successives avec Mme Corina Creţu, la commissaire européenne, avec les ministres des outre-mer, le Président de la République, afin d’apporter une réponse valable et pérenne à la réduction des contraintes liées à l’insularité.
Rien ou presque n’a changé, si ce n’est l’examen d’un texte relatif à l’outre-mer en procédure accélérée, à quelques mois d’une échéance présidentielle… La situation s’est même dégradée : la population décroît de manière massive, comme à Marie-Galante, passée de 30 000 à 10 000 habitants seulement, sans parler des problématiques de couverture sanitaire, sociale, numérique, ni des problèmes de gestion des déchets ou de la filière canne-sucre-rhum…
Vous l’avez compris, le sentiment d’impuissance est fort et nos concitoyens nous interpellent. Il appartient donc au gouvernement français de reconnaître le principe de la continuité territoriale entre la Guadeloupe dite « continentale », les îles du Sud et la France hexagonale.
Le principe de continuité territoriale existe, et pourtant on m’oppose que ce n’est pas un principe constitutionnel. De surcroît, la continuité territoriale s’applique de manière très déséquilibrée : pour nos amis corses, l’aide est de près de 75 %, alors que, pour nos îles, qui souffrent cependant de triple insularité, elle se situe autour de 25 %.
Le manque d’initiative des autorités nationales en faveur de cette problématique est incompréhensible pour nos concitoyens des outre-mer, alors que l’Union européenne est ouverte à ces évolutions. Le statu quo n’est donc plus acceptable.
Nous sommes à une heure où le bien-fondé de la recherche de l’égalité réelle est envisageable. Dans ces conditions, mes chers collègues, j’ai des difficultés à me projeter dans l’égalité dite « réelle » proposée dans le présent texte.
À défaut de dispositions dans le projet de loi en débat, je souhaite connaître la position du Gouvernement quant à son choix de l’inaction. En effet, ce texte ne comporte aucune avancée quant à la prise en compte, par les politiques publiques, du principe de continuité territoriale entre les îles de l’archipel guadeloupéen et la France métropolitaine.