Je suis une nouvelle fois très préoccupé par certaines dispositions et certains discours qui, sous couvert d’arguments fallacieux, entraîneraient une surtaxation importante des rhums ultramarins.
Un amendement de même nature que cet article, déposé au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, m’avait poussé à réagir avec force. Aujourd’hui, je ne peux pas imaginer que la volonté de certains et certaines, fondée sur une méconnaissance totale de nos territoires et de nos populations, puisse aller vers une disparition de la filière française de la canne à sucre.
Le présent article augmente, dès cette année, la cotisation sécurité sociale, la CSS, qui pèse sur les rhums produits et consommés dans les départements d’outre-mer. Puis, il impose des hausses successives de cette cotisation à hauteur de 20 % par an pendant dix ans.
Or la vente sur le marché local est le débouché principal, et bien souvent unique, de très nombreuses petites distilleries. De plus, elle représente une part importante des ventes des autres distilleries.
Confrontées à des hausses de la fiscalité aussi massives, nos distilleries ne pourraient plus écouler leur production sur le marché local : c’est donc bien la disparition pure et simple de la quasi-totalité des distilleries de rhum d’outre-mer qui serait en jeu si cet article était maintenu.
En outre, les distilleries qui, miraculeusement, parviendraient à survivre ne pourraient y parvenir qu’en tournant le dos au marché local, en exportant toute leur production, voire en recourant à des ventes non déclarées. En Martinique, 25 % du rhum vendu est à destination des touristes. J’ajoute que le développement du « spiritourisme » a fortement accru cette proportion, qui n’était que de 10 % voilà dix ans.
Avec les hausses massives prévues, une bouteille de rhum risque ainsi d’atteindre le même tarif qu’une bouteille de whisky ou de vodka sur les linéaires de la grande distribution en outre-mer. Sans avantage concurrentiel, le rhum français subira inéluctablement de plein fouet la concurrence des spiritueux étrangers.
Enfin, cet article s’appuie sur un fait prétendu : la consommation d’alcool serait plus forte en outre-mer qu’en métropole.
Les études et rapports dédiés au sujet démontrent que la fiscalité comportementale déjà mise en œuvre sur les boissons alcoolisées n’a pas fait montre d’efficacité en France ou en Europe. J’en veux pour preuve les travaux de la Cour des comptes, ceux de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et ceux d’une mission d’information parlementaire relative à la fiscalité comportementale.
Le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies indique pour sa part que, dans les outre-mer, la consommation régulière et abusive de boissons alcoolisées chez les jeunes est inférieure à la moyenne nationale.
On constate donc bien que la démarche d’augmentation de la fiscalité ne trouve aucune justification au regard de la situation outre-mer, ni aucune logique au regard de l’absence d’effet des hausses de fiscalité sur la consommation abusive d’alcool.
Pis encore, par ce biais, on organise sciemment la mort de la filière de la canne à sucre, sur laquelle repose l’économie des outre-mer : cette filière représente près de 40 000 emplois directs et indirects, 23 distilleries, 5 500 exploitations de canne à sucre et une forte valeur ajoutée pour l’industrie agroalimentaire dans les départements d’outre-mer !