Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 18 janvier 2006 à 15h00
Égalité salariale entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Toutes ces mesures sont d'une extrême gravité.

Personne ne peut être dupe d'une politique que le Gouvernement annonce « sociale », alors qu'elle institutionnalise la pauvreté et l'instabilité sociale, familiale et économique pour toutes les générations.

Au lieu de répondre par le haut, c'est-à-dire par des emplois de qualité, au problème du chômage, vous choisissez plus que jamais d'opposer les salariés les uns aux autres, sur un marché du travail dévolu au seul accroissement des profits des entreprises.

Le groupe communiste républicain et citoyen ne l'acceptera pas et nul doute que les salariés et leurs organisations sauront puissamment réagir.

Comment, dans cette actualité, aborder ce texte sur l'égalité salariale quand on sait que, justement, parmi les jeunes, les femmes sont évidemment plus touchées que les hommes par le chômage, et qu'il en va de même pour les plus de 50 ans ?

Une travailleuse sur quatre âgée de moins de 25 ans est aujourd'hui au chômage.

Lors de l'examen de ce texte en première lecture, j'ai rappelé que toutes les lois relatives à la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes votées depuis vingt-cinq ans ont été totalement inefficaces. La raison en est simple : à défaut d'un cadre législatif ou réglementaire réellement contraignant, les entreprises ont toujours eu, de fait, la possibilité d'échapper à toute obligation en matière d'égalité.

C'est d'ailleurs pourquoi, au cours de nos différentes interventions lors de la première lecture de ce texte, nous avons rappelé qu'il fallait traiter de façon globale l'organisation du travail des salariés, et non pas se contenter, comme c'est le cas avec ce texte, de mesures d'affichage, sans contestation de fond des mécanismes sociaux, culturels et économiques.

Tous les indicateurs sociaux relatifs aux femmes sont, en France, plus défavorables que ceux concernant les hommes. Par exemple, 80 % des personnes sous-employées sont des femmes et 3, 5 millions de femmes sont aujourd'hui des « travailleurs pauvres », c'est-à-dire vivant avec moins de 610 euros par mois.

Un temps partiel, c'est un salaire partiel, mais aussi une retraite partielle. Aujourd'hui, la paupérisation des personnes âgées touche plus directement les femmes et la loi portant réforme des retraites a creusé encore un peu plus ces injustices.

Un amendement du groupe CRC relatif aux problèmes médicaux liés à la grossesse, adopté lors de l'examen du texte en première lecture, a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Notre assemblée a repoussé toutes nos propositions visant, en attaquant le fléau que représente le recours toujours plus grand au temps partiel et aux contrats a minima, à progresser réellement vers l'égalité salariale et professionnelle. Il nous a été signifié qu'il était urgent d'attendre et, surtout, qu'il fallait non pas trop contraindre les entreprises, mais plutôt s'en remettre, comme c'est le cas depuis des décennies, à leur bonne volonté. On constate aujourd'hui encore les résultats et, si je puis dire, les dégâts qu'engendre une telle attitude.

À ce stade de la discussion en deuxième lecture, on peut craindre que les insuffisances et les absences du texte, comme sa non-application au secteur public, ne se confirment. Les dispositions introduites par l'Assemblé nationale sont en effet très loin de répondre au problème soulevé par la dégradation du marché du travail, dont les femmes sont les principales victimes.

De même, d'autres dispositions n'agissent qu'à la marge s'agissant de la mise en cohérence de la vie familiale et de la vie professionnelle, comme l'extension à toutes les femmes, et non plus seulement les salariées, de la prolongation du congé maternité pour les mères d'enfants prématurés.

Ces mesures introduites par l'Assemblée nationale représentent donc de bien faibles avancées et contournent, une fois encore, la véritable question qui demeure, à savoir le niveau et la qualité de vie procurés par le travail.

De toute façon, les propositions de notre commission des affaires sociales semblent aller, malheureusement, vers un recul. Nous nous dirigeons vers le rétablissement de l'article 12 ter A, qui, en prolongeant le congé parental, met en danger le retour des femmes à l'emploi, alors que c'est un objectif affiché par le Gouvernement. Il s'agit d'un risque réel !

À l'inverse, notre position dans cette deuxième lecture consistera à avancer une nouvelle fois des propositions visant à progresser réellement vers l'égalité salariale et professionnelle.

Nos interventions s'orienteront autour de trois axes.

D'abord, la lutte contre le travail précaire et l'extension du temps partiel subi. A cette fin, nous proposerons l'adjonction d'un titre intitulé « Favoriser l'égalité des conditions d'emploi » au tout début du texte, de façon à l'enrichir de mesures concrètes.

Ensuite, l'allongement du congé de maternité, de façon à mettre la France en conformité avec les recommandations du Parlement européen et la convention de l'OIT. Car il est clair que la prise en compte de la réalité de la maternité est un préalable incontournable à toute discussion sur l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.

Enfin, la nécessité de rétablir un dialogue avec les organisations représentatives et syndicales ; nous le rappellerons lors de l'examen des articles 13 ter et 13 quater. Nous proposerons une nouvelle rédaction de ces articles visant à instaurer la parité dans les comités d'entreprise et l'élection des délégués du personnel, en tenant compte non seulement de la réalité des rapports sociaux dans les entreprises, ce que votre majorité semble ignorer, mais également des rapports entre le nombre d'hommes et de femmes qu'emploient ces entreprises.

Dans tous les cas, au cours de cette discussion, nous affirmerons de nouveau que l'intitulé de ce texte et son contenu sont loin de répondre aux inégalités réelles que subissent des femmes dans le monde du travail et que les véritables enjeux de justice sociale et d'égalité sont, une fois encore, et malheureusement, occultés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion