La politique mémorielle de l’esclavage colonial repose aujourd’hui sur un imbroglio juridique qu’il convient de clarifier.
Le présent amendement tend à modifier la circulaire du 29 avril 2008 pour que les dates du 10 mai et du 23 mai soient distinctement reconnues.
Actuellement, il y a une mémoire de l’abolition de l’esclavage, de Champagney en 1789 à la Révolution de 1848, consacrée par la journée du 10 mai.
Nous proposons ici d’honorer les victimes de l’esclavage en date du 23 mai. La date choisie pour cet hommage fait référence à la marche silencieuse du 23 mai 1998, qui contribua de manière significative au débat national aboutissant au vote de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, dite loi Taubira.
Cette mémoire est intrinsèque aux populations qui ont été les protagonistes de la lutte contre l’esclavage et vise à combattre la honte ou le ressentiment qui perdurent chez les descendants d’esclaves. Longtemps douloureuse, cette mémoire de l’esclavage a été portée à partir de la fin des années soixante par les mouvements nationalistes antillais. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’une mémoire qui se veut apaisée et qui se base avant tout sur l’hommage aux victimes de l’esclavage.
Cette politique mémorielle est conduite par des associations d’entrepreneurs de mémoire, comme le CM 98, qui est une association nationale, Lanmou ba yo – « l’amour pour eux » – en Guadeloupe, l’Association martiniquaise de recherche sur l’histoire des familles.
La loi du 21 mai 2001 reconnaît l’esclavage colonial comme un crime contre l’humanité. La République serait donc fidèle à ses principes et à ses pratiques en matière de commémorations des crimes contre l’humanité si elle rendait un hommage solennel et national aux victimes de ce crime, dont des descendants sont aujourd’hui nos concitoyens de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion, mais aussi de l’hexagone.
La politique mémorielle de la République française vis-à-vis de la mémoire de l’esclavage permettra de faire émerger une nouvelle citoyenneté, un nouveau contrat entre les outre-mer et la République.
Cette histoire est encore méconnue des citoyens français, car il n’y a pas eu d’esclavage colonial sur le sol hexagonal.
La République doit se positionner clairement sur la ligne mémorielle qu’elle entend soutenir. Cela participe à cette construction identitaire. Ne pas le faire maintiendrait ces débats dans un prisme communautaire.
Cet amendement constitue à la fois une base juridique et un symbole. Aussi, mes chers collègues, je vous appelle à revenir à la rédaction que l’Assemblée nationale avait proposée.