Monsieur le sénateur, vous me demandez de faire de la défense des abeilles une grande cause nationale. Je partage cet objectif. Quand je suis devenu ministre de l’agriculture, vous l’avez peut-être encore en tête, j’ai pris une première décision consistant à interdire un néonicotinoïde utilisé sous forme d’enrobage de semences de colza, plante mellifère, lequel avait un lien direct – cela avait été démontré par l’ANSES – sur la surmortalité des abeilles.
Cette première décision m’a ensuite permis d’obtenir le durcissement des autorisations de mise sur le marché d’un certain nombre de produits phytosanitaires à l’échelon européen, ainsi qu’un moratoire sur trois néonicotinoïdes utilisés sous forme d’enrobage de semences, justement pour protéger les abeilles. C’est ce qui a justifié la position que j’ai prise par la suite en faveur de l’interdiction généralisée de tous les néonicotinoïdes, question qui avait été débattue ici même dans le cadre de l’examen de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce n’est qu’à cette aune que j’avais fait ce choix.
Nous avions alors engagé un processus alternatif aux néonicotinoïdes, en ayant notamment recours à l’agro-écologie, de sorte que l’agriculture, de manière générale, puisse intégrer de nouvelles stratégies pour la production de plantes mellifères, et que l’on diversifie les semences utilisées.
Il convient de distinguer un enjeu spécifique, celui de la protection de la biodiversité des pollinisateurs et des abeilles, d’un second enjeu lié, lui, à la production de miel, dans la mesure où la France est un gros importateur de miel dont l’origine est souvent indéfinie ou indéterminée.
Nous ne pouvons plus continuer ainsi. C’est pourquoi j’ai mobilisé 40 millions d’euros sur une période de trois ans pour financer des actions visant à évaluer les situations génétique et sanitaire du cheptel d’abeilles en France. Le constat qui a été dressé révèle que la situation sanitaire de ce cheptel est mauvaise et qu’il est indispensable de l’améliorer.
De multiples facteurs viennent ajouter à la mortalité des abeilles. La chute énorme de la production de miel au cours du printemps dernier, un printemps catastrophique, en est la preuve. En 2015, la production de miel était remontée à un niveau estimé entre 16 000 et 17 000 tonnes, alors qu’elle est redescendue à 9 000 tonnes en 2016. Cela montre que les aléas climatiques ont aussi un impact !
Le 8 février prochain, je présenterai un nouveau plan pour l’apiculture, après celui qui a permis de mobiliser les 40 millions d’euros dont je viens de parler. Grâce à un certain nombre de financements européens, nous avons obtenu que 7, 5 millions d’euros soient consacrés aux abeilles chaque année entre 2017 et 2019.
Cet argent devra servir à structurer la filière, à consacrer des moyens pour faire face aux enjeux sanitaires de manière générale, et à la question du développement du cheptel des abeilles, en particulier. Il faudra également faire en sorte que la nouvelle politique agricole commune, qui prévoit un verdissement de l’agriculture, ainsi qu’un certain nombre de mesures agroenvironnementales – les MAE –, contribue à soutenir ces stratégies de production visant l’augmentation du nombre des pollinisateurs, et permettre d’accroître la quantité de miel produit, à la condition néanmoins de mettre l’ordre nécessaire pour que nos concitoyens soient en mesure de mieux identifier l’origine du miel qu’ils consomment, et de parvenir à développer notre production nationale pour éviter de devoir massivement en importer.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, l’amélioration de la situation passe aussi par une meilleure organisation de la filière en tant que telle, d’où la bataille que je mène pour organiser et structurer une interprofession du miel de France, qui permette de répondre à la demande des consommateurs et, surtout, aux besoins de développement du cheptel des pollinisateurs et des abeilles. Cela nous permettra de produire davantage de ce miel que nous aimons tant, celui que l’on consomme le matin, mais aussi parfois le midi ou le soir, quand on souffre d’une petite grippe ou d’un mal de gorge.
Nous sommes donc parfaitement d’accord pour faire de cet enjeu une cause nationale, monsieur le sénateur. C’est pourquoi je vous inviterai le 8 février prochain aux journées organisées par l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.