Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l'un des problèmes majeurs dans le domaine de l'égalité des chances est l'égalité salariale, autrement dit le respect du principe : « à travail égal, salaire égal ». De nombreuses conventions internationales et de lois nationales sur le travail ont été adoptées qui obligent les employeurs à appliquer ce principe. Malgré tout, les femmes continuent à gagner moins que les hommes.
En France, le débat n'est pas nouveau, puisque de nombreuses lois - celles de 1972, de 1983, de 2001 ou de décembre 2004 - ont eu pour ambition de lutter contre cette discrimination. Au-delà des slogans et des mots, ces lois ne sont pas réellement appliquées dans les entreprises. Toutes les études montrent que ces différents textes ont été très partiellement et très imparfaitement mis en oeuvre. Trois ans après l'adoption de la loi de 2001, 72 % des entreprises n'ont toujours pas organisé de négociations spécifiques et 60 % d'entre elles n'ont pas établi de rapport sur la situation des femmes comparée à celle des hommes. Il est donc impératif que l'on passe, pour les femmes, de droits formels à des droits réels.
Une loi de plus est-elle nécessaire ? Ne s'agit-il pas plutôt du simple affichage d'une volonté politique ? Ce projet de loi anticipe d'ailleurs son propre échec, puisqu'il précise que, si l'égalité salariale ne peut être atteinte, un nouveau texte sera présenté. Il ne suffit pas d'empiler les lois pour que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soit effective. Sans pénalités financières en cas de non-respect de la loi, nous risquons d'en rester au stade des bonnes intentions. L'absence de sanctions envers les entreprises qui refusent d'engager des négociations de même que l'absence de mesures coercitives en cas d'échec des négociations montrent le défaut de réelle volonté politique du Gouvernement.
Même si des progrès majeurs ont été enregistrés au cours des dernières décennies, le constat n'est aujourd'hui guère réjouissant : l'écart moyen de revenus entre hommes et femmes est proche de 40 % ; chez les ouvriers, il est même de 45 %. La retraite des femmes est inférieure de 44 % à celle des hommes.
Il y a, en France, 3, 5 millions de travailleurs pauvres, dont 80 % sont des travailleuses pauvres. L'une des causes de cette précarité est le temps partiel, le plus souvent subi, et 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Malheureusement, le projet de loi ne traite pas de ce sujet. Oui, les femmes, compte tenu de la situation qui leur est imposée dans le monde du travail et de la charge de la famille qui leur incombe le plus souvent, sont de plus en plus touchées par le phénomène des travailleurs pauvres.
Par ailleurs, les précédents textes généraux du Gouvernement, tels que le projet de loi relatif au développement des services à la personne, ne vont pas dans le sens de l'égalité entre les hommes et les femmes. En effet, si le plan Borloo prévoit de développer les emplois dans les services, le Gouvernement a refusé d'introduire dans ce plan des dispositions de nature à professionnaliser ces emplois qui sont, en majorité, destinés aux femmes sans qualification. Ainsi, ces services resteront assurés au titre d'emplois précaires, à temps partiel, payés au moyen d'un chèque emploi, donc sans bulletin de salaire ni contrat de travail.
Nous sommes donc bien en présence d'un texte d'affichage, et le Gouvernement n'a pas une réelle volonté de professionnaliser les emplois et d'améliorer la situation des femmes. Ce n'est pas ainsi que nous réussirons à faire progresser les mentalités et à mettre en place la justice sociale que vous évoquez si souvent, madame la ministre déléguée.
Vous savez que les principaux facteurs de discrimination des femmes sont la maternité, la formation et l'organisation du temps de travail. Il faut agir dans ces trois directions.
Je souhaiterais aborder, ici, le sujet de la maternité. Ce texte comporte quelques avancées dans ce domaine, mais celles-ci restent très insuffisantes.
Dans l'égalité salariale, il est important d'évoquer le délicat problème de l'articulation des temps de vie, car le schéma change peu : les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques, et les hommes consacrent aux enfants trois fois moins de temps que les femmes.
Il ne faut pas traiter le congé de maternité seul, il faut bien prendre en compte les responsabilités familiales, le travail domestique non partagé tout au long de la carrière professionnelle. Nous devons encourager une répartition plus équilibrée des responsabilités domestiques et familiales entre hommes et femmes. Une telle approche innovante de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle devient aujourd'hui nécessaire. Cela passe d'abord par le développement de dispositifs incitatifs, comme les crèches et les congés parentaux.
Aujourd'hui, nous savons que la participation des femmes au marché du travail dépend directement de leurs responsabilités familiales. En France, les crédits consacrés aux crèches et à la scolarisation des enfants de deux ans sont insuffisants - il n'y a que 250 000 places pour 2, 4 millions d'enfants - et, du fait de cette pénurie, les femmes sont contraintes d'abandonner, au moins partiellement, leur travail. Votre texte n'apporte aucune réponse à ce sujet, madame la ministre déléguée.
Certaines des dispositions qui nous sont proposées suscitent beaucoup d'interrogations quant à leur application.
S'agissant de l'article 1er, imposer la remise à niveau des rémunérations des femmes après un congé de maternité est une bonne chose, à condition, bien sûr, de prendre en compte non seulement le salaire de base, mais également toute prime qui aurait pu être versée par l'entreprise dans l'intervalle ainsi que les éventuels dispositifs d'intéressement.
En effet, les femmes en congés de maternité bénéficient d'ores et déjà d'une garantie de retour à l'emploi et des augmentations générales accordées par les entreprises. Cependant, il n'en va pas de même des augmentations individuelles.
De plus, les conditions de mise en oeuvre de garanties plus larges d'évolution de la rémunération et d'évolution professionnelle des salariées ayant bénéficié d'un congé de maternité ou d'adoption doivent être fixées par un accord collectif de branche ou d'entreprise.
En cas d'absence d'un accord collectif, l'évolution des rémunérations pour les femmes revenant d'un congé de maternité ou d'adoption porterait donc sur l'augmentation minimale, calculée sur la base de la moyenne des augmentations.
Pour une véritable égalité, au retour du congé, la proposition de majoration du salaire devrait plutôt prendre en compte l'ensemble des éléments qui constituent la rémunération, et non uniquement le salaire de base.
Pour conclure, ce texte ne répond pas à tous les problèmes et il n'envisage pas toutes les solutions.
Comme je l'ai mentionné auparavant, la prise de conscience est là, mais il reste encore beaucoup à faire en matière d'égalité de candidature à l'embauche, d'accès aux formations professionnelles continues, d'accès aux promotions et d'égalité face aux conditions d'organisation du travail.
C'est la raison pour laquelle nous proposerons plusieurs amendements pour améliorer ce texte.