Il avait été victime d’un infarctus massif, après avoir assisté au marché aux vins de Chavanay. Conduit à l’hôpital de Givors, il n’a pu être réanimé. Sa générosité et son engagement total pour accomplir les mandats qui lui avaient été confiés auront eu raison de sa santé, que nous savions fragilisée par la charge de travail qu’il s’imposait.
Sa disparition a été un choc pour les sénatrices et les sénateurs, quelles que soient leurs sensibilités politiques, et bien sûr pour son département de la Loire, dont Jean-Claude Frécon fut une figure majeure durant des décennies.
Je lui ai rendu hommage, en votre nom, le 13 décembre dernier, à l’occasion d’une émouvante cérémonie en l’église de Pouilly-lès-Feurs, au milieu de sa famille, de ses proches, de ses collègues et de ceux qui lui étaient chers.
J’étais accompagné du président du groupe socialiste et républicain, M. Didier Guillaume, de la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Catherine Morin-Desailly, et de nos collègues sénateurs de la Loire, Mme Cécile Cukierman et MM. Maurice Vincent et Bernard Fournier. Cet hommage devait trouver son prolongement dans notre hémicycle.
Jean-Claude Frécon était un militant infatigable, un élu local et national exemplaire, un Européen convaincu et un défenseur inlassable des territoires ruraux.
Natif de Castellane dans les Alpes-de-Haute-Provence, c’est dans le département de la Loire qu’il a accompli toute sa carrière politique. Il avait gardé de son métier d’instituteur, puis de directeur d’école, la passion d’enseigner et un sens de la pédagogie et de l’écoute dont il a fait des vertus majeures tout au long de son itinéraire public et politique.
Toutefois, il était aussi, depuis toujours, un homme de convictions, qui aimait à dire : « Je suis toujours un militant dans l’âme. Je milite depuis l’âge de onze ans. »
Jean-Claude Frécon fut, durant vingt-quatre années, le maire de sa commune de Pouilly-lès-Feurs, dont il avait été élu conseiller municipal dès 1971, à l’âge de 27 ans, avant d’en devenir le premier magistrat en 1983.
Il était avant tout un élu de proximité, qui a marqué l’histoire de sa commune. Il restera aux yeux des Pouillerots un maire actif, dynamique et apprécié pour sa capacité d’écoute, son dévouement inlassable, sa disponibilité à l’égard de ses concitoyens et un attachement particulier à toutes les dimensions festives et participatives.
Jean-Claude Frécon mesurait et subissait aussi le prix de cet engagement total. Il soulignait en ces termes la difficulté de la mission de maire dans nos territoires ruraux : « Les maires sont en contact direct, 365 jours par an, avec la population, 24 heures sur 24. C’est un travail passionnant, mais le plus stressant de tous. »
Cette proximité absolue, qui est le cœur du mandat de maire, Jean-Claude Frécon avait aussi tenu à la mettre au service de l’Association des maires de France, dont il fut le vice-président de 1989 à 2006. Il fut aussi conseiller général du canton de Feurs de 1979 à 2002, et président de la commission des transports de l’assemblée départementale de 1994 à 1998.
Son engagement total et son sens du travail bien fait en faisaient aussi un défenseur convaincu de la limitation des mandats. Permettez-moi de lui donner à nouveau la parole : « Je n’aime pas faire les choses à moitié et si l’on ne peut pas faire un travail complètement, il faut s’en démettre. »
Tenant à s’appliquer à lui-même ce principe, il renonça à son mandat de conseiller général en 2002, avant d’abandonner en 2006 ses fonctions de maire. Ce fut pour lui une décision douloureuse, qu’il expliquait ainsi : « C’est une déchirure ; le mandat de maire est un mandat passionnant, on est près des gens, on voit des choses concrètes se réaliser. Mais je savais qu’un jour ou l’autre, il faudrait s’arrêter… »
Après avoir été élu sénateur de la Loire le 23 septembre 2001, Jean-Claude Frécon se consacra intensément à son activité de parlementaire.
Chargé de mission, en 1985-1986 au cabinet de Jean Auroux, ministre de l’urbanisme, du logement et des transports, puis candidat aux élections législatives, Jean-Claude Frécon souhaitait fortement représenter son département de la Loire au Parlement, notamment au Sénat de la République.
Sa marche vers le Palais du Luxembourg fut un long chemin. Militant socialiste fidèle, élu local d’exception, spécialiste des finances locales, il fut candidat à plusieurs élections sénatoriales, avant d’être élu sénateur de la Loire en 2001, aux côtés de Josiane Mathon, de Michel Thiollière et de notre collègue Bernard Fournier. Dix années plus tard, il fut reconduit dans ce mandat qui lui était si cher.
Jean-Claude Frécon, qui avait visité chacune des 326 communes de la Loire, avait sans doute été le plus ému de tous lors de son élection. Comme toujours, il se consacra avec passion à son mandat national, qu’il voulait exercer de manière plénière, dans toutes ses dimensions.
Il s’investit pleinement dans la défense des territoires de la Loire et l’exercice de sa fonction de législateur, siégeant successivement à la commission des lois, puis à la commission des finances, dont il fut le vice-président, et enfin, depuis 2014, à la commission de la culture.
Spécialiste reconnu des finances locales, ses rapports budgétaires annuels sur le conseil et le contrôle de l’État ou sur les engagements financiers de l’État faisaient autorité. Il y déplorait fortement que l’État se comporte trop souvent comme un simple actionnaire financier.
Le travailleur infatigable qu’était Jean-Claude Frécon tenait aussi à participer pleinement à la mission de contrôle du Sénat. Il mettait un point d’honneur à élaborer, presque chaque année, un rapport d’information sur les sujets les plus variés : Les Avances aux services de l’État et aux organismes gérant des services publics ; Les Engagements hors bilan de l’État ; La Cour nationale du droit d’asile ; La Réforme du Conseil économique, social et environnemental, ou encore La Sécheresse de 2003.
Il tenait aussi à s’investir pleinement dans un certain nombre de groupes d’études et dans de nombreuses activités internationales, rédigeant, là encore, de nombreux rapports concernant aussi bien le Brésil que les relations économiques et financières à reconstruire entre la France et l’Iran.
Jean-Claude Frécon, dont l’intérêt se portait sur les situations difficiles, présidait le groupe d’amitié avec le Kosovo et le groupe d’études et de contact du Sénat avec la République populaire démocratique de Corée.
Le tour d’horizon des innombrables sujets qui le passionnaient serait toutefois très incomplet si l’on ne soulignait pas la force des convictions européennes de Jean-Claude Frécon.
Membre du Conseil de l’Europe, il participa dès 1994 aux travaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Il eut ainsi à observer de nombreuses élections locales dans les 47 pays membres de cette instance, qui défend les droits de l’homme, la démocratie et le respect de l’État de droit.
L’investissement de Jean-Claude Frécon dans cette institution européenne fut consacré, quelque vingt ans plus tard, par son élection à la présidence du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Ce fut, le 14 octobre 2014, un moment de grande émotion pour lui. Il s’exprima en ces termes devant le Congrès réuni à Strasbourg : « C’est pour moi un immense honneur que vous venez de m’accorder. C’est, permettez-moi de le dire avec une grande sincérité, la consécration d’une carrière tout entière dédiée aux collectivités territoriales à travers toutes les fonctions que j’ai pu occuper dans mon pays. »
Orateur chaleureux, l’Européen Jean-Claude Frécon était avant tout un humaniste. Il avait décidé de ne pas être candidat en septembre prochain au renouvellement de son mandat de sénateur. Il était venu m’en parler, avant d’adresser aux maires de son département un courrier rédigé en ces termes : « J’aurai passé seize ans dans cette fonction de sénateur et j’y ai connu beaucoup de satisfactions, avec énormément de travail, mais je ne le regrette pas, car j’ai toujours eu le souci de nos communes. J’aurai en septembre prochain 73 ans et il sera temps pour moi de laisser la place à des plus jeunes, avec la satisfaction d’avoir servi notre pays, notre département, nos communes et nos concitoyens. »
Le destin n’aura pas laissé à notre collègue le temps de bénéficier d’un repos aussi mérité. C’est un travailleur infatigable et un homme de bien qui nous a quittés.
En cette heure de partage et de recueillement, je souhaite redire notre sympathie aux membres du groupe socialiste et républicain du Sénat et à ses collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Je souhaite aussi exprimer à son épouse, Ginette, à ses trois enfants Éric, Isabelle et Christelle, à ses petits-enfants, à toute sa famille, à ses proches, ma profonde peine personnelle. En les écoutant à Pouilly-lès-Feurs, j’ai mieux perçu l’intime de Jean-Claude Frécon, les souffrances et les espérances, les douleurs et les rêves, qu’il a emportés dans le secret de son cœur, sur l’une des routes de la Loire.
Jean-Claude Frécon restera présent dans nos mémoires.
La parole est à M. le secrétaire d'État.