Je ne vais pas me prononcer là-dessus car je suis encore nostalgique de l'Union européenne que j'ai connue à partir de 1986, quand l'Espagne est entrée dans les institutions européennes. Je fus le premier directeur espagnol à la Commission, directeur de cabinet de deux commissaires puis directeur général de l'énergie. J'ai passé dix ans extraordinaires, à Bruxelles, dans une atmosphère qui ne ressemble point à celle que nous connaissons actuellement.
Nous, États membres, avons gâché l'affaire...Nous n'avons eu de cesse d'éloigner la Commission, de la limiter, de gouvernementaliser : nous sommes en train d'en subir les conséquences, car les États membres ont eu peur d'un président de la Commission intelligent, doté de réels pouvoirs, tel que Delors. Après lui, ils se sont assuré que le prochain président de la Commission ne serait pas de son niveau. La Commission s'est affaiblie, ils ont créé le secrétariat général du Conseil. Maintenant, la Commission n'est plus ce qu'elle était. Nous avons perdu l'esprit de Jean Monnet et de Robert Schuman, qui consistait à la considérer comme un corps avec un pouvoir d'initiative, que nous ne lui reconnaissons plus. Le projet a changé. Je ne sais s'il est meilleur ou pire, mais il n'est plus le même. Je suis très nostalgique de ce temps-là.
Sur l'aide au développement, nous avons nous, France et Espagne, une approche commune sur l'Afrique du Nord et sur la sécurité. Nous sommes le seul pays européen à avoir des troupes de combat au Mali. Beaucoup coopèrent, mais sur le terrain, seuls des soldats espagnols et français s'exposent à mourir et à être blessés. Cela n'est pas encore très clairement dit en France. Évidemment, vous avez des partenaires qui apportent leur aide, mais ce n'est pas seulement une question d'argent ni de moyens. Je répète que l'Espagne est seule à avoir des soldats, sur le terrain.
En matière d'aide au développement, l'Espagne n'a pas les mêmes moyens que la France, nous ne pouvons mettre autant d'argent que vous dans les pays francophones. Nous avons aussi certaines préférences géographiques transatlantiques, aussi ne sommes-nous peut-être pas à la hauteur pour parler d'aide au même niveau que vous, mais une bonne coordination serait utile, d'autant que l'Espagne augmente ses fonds pour l'Afrique, puisque nous comprenons, comme vous, que l'Afrique est notre problème. Votre idée est très bonne et je la mentionnerai lors de mes entretiens avec le quai d'Orsay. Nous pourrions la mettre sur la table à l'occasion du prochain sommet bilatéral du 20 février. Comment mieux travailler ensemble pour utiliser l'aide au développement que nous avons ?
En ce sens, il est utile de les aider en matière de sécurité, de les équiper en matériel, hélicoptères, bateaux, etc. ce que nous avons fait, de les former aussi, comme le font les « gardes civils » et les gendarmes que nous y envoyons. C'est fondamental.