Intervention de Véronique Ghadi

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 janvier 2017 à 9h05
Table ronde sur la problématique de la qualité de vie au travail des personnels hospitaliers

Véronique Ghadi, chef de projet à la Haute Autorité de santé :

L'investissement de la HAS sur la question des conditions de vie au travail est ancien. Dès 2010, elle était prise en compte dans le manuel de certification des établissements de santé, dans un contexte où la souffrance au travail faisait l'actualité, avec les suicides au sein de France Télécom, mais aussi en réponse à une demande des professionnels de santé. Enfin, un travail engagé sur la maltraitance ordinaire dans les établissements de santé avait fait apparaître que les conditions de travail et la culture managériale avaient une influence sur la maltraitance vis-à-vis des patients. C'est pourquoi le manuel de certification comporte un critère sur le thème des conditions de vie au travail.

Pour approfondir le sujet, la HAS a commencé fin 2010, un partenariat avec l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT). L'accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail dans le secteur privé n'avait pas encore été signé ; les négociations dans la fonction publique n'avaient pas encore été engagées : il s'agissait d'un terrain nouveau. Notre action a consisté à organiser des échanges sur la notion de qualité de vie au travail avec tous les acteurs : professionnels des établissements, organisations syndicales, organisations médicales (notamment les anesthésistes et les urgentistes), experts visiteurs qui portent le message de la HAS.

Ce travail, qui a duré trois ans, visait à sortir d'une approche centrée sur la prévention des risques psycho-sociaux. Le travail n'est pas seulement un coût ou une source de souffrance : c'est aussi une ressource organisationnelle, un espace de créativité, de débat et d'accomplissement ; rappelons que les professionnels de santé qui ont un emploi sont en meilleure santé que ceux qui sont au chômage ! L'approche psychologisante et réparatrice doit céder la place à une réflexion sur l'organisation du travail, pour la remettre au coeur des préoccupations.

Enfin, la HAS a procédé à une revue de la littérature, consultable sur notre site, sur le lien entre la qualité des soins et la qualité de vie au travail. Les conditions de travail à l'hôpital sont, d'après les études, plus difficiles que celles du BTP, combinant une exposition à des substances dangereuses, une charge physique et mentale importante et des horaires décalés. À cela s'ajoute l'effet des réformes conduites au cours des dernières années, qui ont transformé la qualité des soins, la place du patient dans le système de santé, le rapport entre le soignant et le soigné. Les objectifs étaient louables, mais la qualité de vie au travail n'a pas été prise en compte dans l'application des mesures ; c'est pourquoi les résultats ont été en deçà des objectifs.

Autre enseignement important, les études visant à quantifier le lien entre la charge de travail, le niveau de formation, les relations au sein des équipes, d'une part, et la mortalité des patients, les événements indésirables et la bientraitance ou la maltraitance, d'autre part, ont fait apparaître un parallélisme certain entre la satisfaction des professionnels et la satisfaction des patients.

Comment repartir du terrain ? Restreintes au niveau des instances de gouvernance, les marges de manoeuvre existent au sein des services, pour peu que l'on laisse un espace de liberté et de discussion se développer dans les équipes.

Une fois le constat porté, se pose la question de la mise en oeuvre. Les changements de paradigme demandent du temps : la HAS y contribue à travers la certification, la qualité de vie au travail étant devenue une thématique obligatoire dans le compte qualité. La visée est avant tout pédagogique : lorsque nous avons commencé notre réflexion, les établissements envisageaient plutôt la qualité de vie sous l'angle du bien-être, en proposant par exemple des massages. Leur approche a mûri, mais reste très centrée sur les RH. Il reste du travail à faire autour du management participatif et de la notion de prise de décision. Nous avons poursuivi nos échanges avec les organisations syndicales et les fédérations d'établissements de santé et produit une plaquette intitulée Dix questions sur la qualité de vie au travail dans les établissements de santé pour aider les directions à s'en saisir.

La HAS expérimente aujourd'hui, en partenariat avec la DGOS, les « clusters qualité de vie au travail » dans le but d'impliquer davantage les agences régionales de santé (ARS). En effet, d'après de nombreux directeurs d'établissements que nous avons entendus, le dialogue avec les ARS porte exclusivement sur les facteurs financiers, au détriment de thématiques comme les conditions de travail. Une certaine acculturation des ARS est donc nécessaire.

Onze ARS et 79 établissements participent à l'expérimentation, qui consiste à engager une démarche sur la qualité de vie au travail dans différentes thématiques : la performance des blocs opératoires, l'hospitalisation à domicile, la filière gérontologique, les groupements hospitaliers de territoire, la bientraitance, etc. Une deuxième vague de clusters sera lancée en mars. La capitalisation de la première vague est en cours et une évaluation externe va commencer. Nous espérons pouvoir présenter les retours d'expérience à l'automne.

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