Nous connaissons le mal-vivre des professionnels de santé, des médecins aux infirmiers et aux équipes de soignants. Trois thématiques les préoccupent plus particulièrement : la frustration - vous avez évoqué ces soignants qui passent en courant devant les familles parce qu'ils ne peuvent les prendre en charge -, la place qui leur est assignée dans le service et la question de l'objectif de l'exercice de leur métier.
Rappelons que le service est l'élément structurant de l'hôpital, le pivot de son organisation. Les médecins sont recrutés sur la foi de leurs qualités professionnelles, pas de leur capacité à animer des équipes ; or le projet de service concerne l'ensemble du personnel. Les résultats sont meilleurs et les difficultés du travail mieux acceptées, si les objectifs sont partagés.
La T2A a imposé la notion de productivité, jusqu'alors très inhabituelle en milieu hospitalier ; on est allé très loin dans ce domaine. Elle a aussi demandé au personnel un important travail d'objectivation de l'activité, qui fait perdre un temps insensé ; peut-être faudrait-il imiter le privé, où la codification des actes est confiée à des prestataires privés. La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) a fait prévaloir une logique de gestion ; la loi de modernisation de notre système de santé ne l'a pas totalement corrigée.
Il y a quarante ans, les personnels administratifs au sein du système de santé étaient traités avec une certaine condescendance : à eux de gérer, aux professionnels de santé de soigner. Nous revivons aujourd'hui cette rupture : les équipes dirigeantes sont avant tout jugées sur leurs qualités de gestionnaires, et non leur capacité à animer les équipes. Or la matière du système de santé, c'est l'humain. Il est impératif de réconcilier les équipes administratives et les équipes de santé. Cela passe par un rôle renforcé de la commission médicale d'établissement et des représentants du personnel hospitalier. Les réformes ont créé une hiérarchisation, là où il faudrait mettre en place une co-construction.
Au-delà de la question des moyens, le fonctionnement de l'hôpital est grippé. Vous l'avez dit, au-delà de la prévention des risques psycho-sociaux, il faut s'attaquer aux conditions de défense d'un projet partagé à l'intérieur de l'hôpital.
En matière de promotion, plutôt que les carrières administratives jusqu'à présent privilégiées, il convient de mettre l'accent sur la promotion clinicienne et de redonner à la formation professionnelle à l'hôpital toute sa place et sa valeur.