Nous avons concentré notre présentation sur la séquence « éviter-réduire-compenser ».
Je commencerai par la partie « éviter ». Pour Notre-Dame-des-Landes, à aucune étape du projet, la notion d'évitement n'a été intégrée. Le choix du site a été fait en 1967 : à l'époque, il n'y avait aucune préoccupation environnementale. On pensait même bétonner les marais du côté de la Brière !
En 2000, le projet est relancé, en grande partie pour des préoccupations foncières autour de Nantes, et surtout parce que cette zone avait été réservée pendant trente ans. En 2002 et 2003, un débat public a eu lieu sur le site de Notre-Dame-des-Landes. En 2006-2007, l'enquête publique a été réalisée. D'après l'analyse coûts-bénéfices, 40 millions d'euros sont prévus pour le plan agro-environnemental. Néanmoins, il s'agit essentiellement du coût global estimé pour l'acquisition des terres et l'on ne voit pas ce qui est prévu pour les mesures environnementales.
En 2011, nous avons fait expertiser cette analyse par un cabinet d'études CE Delft. Il ressort que le coût de gestion additionnel de l'eau avait été omis, de même que la valeur de la nature et les dépenses annuelles de mise en place du plan environnemental.
En 2008 est publiée la déclaration d'utilité publique (DUP). Durant toute cette période, aucune notion d'évitement n'a été inscrite. Nous assistons à un fractionnement des procédures dans le temps. Les préoccupations environnementales apparaissent en 2012, avec l'enquête publique « loi sur l'eau ». C'est à partir de ce moment-là qu'il est enfin question de la séquence « éviter-réduire-compenser ».
« Éviter » signifie étudier s'il existe une alternative au projet existant. Mais comment appliquer cet évitement alors qu'initialement le milieu était qualifié de non contraignant ? En définitive, il est à 98 % situé en zone humide ! Il était alors trop tard pour chercher des alternatives permettant l'évitement, point fondamental de la doctrine « éviter-réduire-compenser ».
Les porteurs du projet n'ont manifesté aucune volonté de rechercher une alternative : les terres avaient déjà été réservées pour la moitié d'entre elles. Nos propositions, notamment celle d'étudier les capacités de l'aéroport de l'Ouest, ont été refusées à plusieurs reprises.
Autre point qui nous choque : en 2012, au moment de l'enquête publique « loi sur l'eau », les porteurs du projet AGO et l'État prétendent qu'ils ont appliqué la procédure « éviter-réduire-compenser ».
Vous trouverez dans le dossier que nous vous laisserons quelques pages extraites du document qui nous a été présenté en décembre 2012. Trois pages portent sur « éviter » et « réduire ». Vous constaterez que pour les porteurs du projet « éviter », c'est alléguer simplement que l'emprise du projet est moindre que celle de la « ZAD ». Il ne s'agit nullement de conduire une réflexion sur de possibles alternatives !
En 2013, puis en 2016, deux études officielles ont montré qu'une alternative existait.
En effet, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a remis en 2013 une étude à la demande de la Commission du dialogue. La DGAC a gonflé les coûts, mais a néanmoins reconnu que l'alternative consistant à réaménager l'aéroport de Nantes-Atlantique était possible.
En 2016, ce point est confirmé par le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) commandé par Ségolène Royal.
Fin 2016, les conclusions du rapporteur public à la cour administrative d'appel reconnaissent également que l'alternative existe. Il était ainsi proposé à la cour administrative d'appel de nous donner raison, en vain.
Les considérations environnementales et la préoccupation d'évitement doivent donc être envisagées en amont d'un projet, en réponse à un besoin. Sur Notre-Dame-des-Landes, les porteurs du projet ont fait exactement l'inverse : ils ont cherché à justifier un projet déjà défini et surtout pas à l'éviter !
Or il existe des projets évités : le projet d'autoroute A83 Nantes-Niort a finalement contourné le Marais poitevin par le Nord et le projet A831 Fontenay-le-Compte-La Rochelle, qui devait également traverser le Marais poitevin, a été carrément abandonné au profit du contournement de Marans.
Je serai plus brève sur la partie « réduire ». De la même façon que pour « éviter », la préoccupation de réduction de l'impact n'a pas été intégrée au projet. L'enquête publique de 2006 concluait déjà que le projet d'aéroport était un lourd tribut pour l'agriculture. La mission agricole de 2012 va plus loin. Selon elle, il n'y a aucun souci d'économie du foncier. Par exemple, tous les parkings prévus sont à plat, il n'y a aucun parking à silos.
La seule réduction consentie a consisté à diminuer la superficie des places de parking, les voitures seront plus serrées. Cette réduction demandée par la mission agricole et par la Commission du dialogue en 2012-2013 n'avait pas été acceptée par l'État et par AGO ; le tribunal administratif de Nantes a imposé cette décision en 2015.
D'autres réductions ont été refusées, comme la demande de rapprochement du barreau routier de la plateforme. Récemment, le CGEDD a parlé d'aéroport surdimensionné et a estimé, comme nous, qu'une seule piste suffirait. Cette réduction n'a pas non plus été acceptée. La consultation qui s'est tenue en juin dernier a porté sur le projet initial d'un aéroport à deux pistes.
Il existe pourtant des projets à impact réduit. Nous avons tous en tête des exemples de lotissements auxquels on a retiré des parcelles.
En conclusion, pour prendre en compte les deux étapes que sont « éviter » et « réduire », il convient d'intégrer les préoccupations environnementales dès le début de la démarche. De façon plus générale, il importe de garder à l'esprit une certaine hiérarchie des priorités.
Notre pays est très largement pourvu en équipements. Par conséquent, la priorité de préservation de la biodiversité mise en balance avec les objectifs qui ont prévalu pour le projet d'aéroport, à savoir le moindre coût et la non-remise en cause d'un projet prévu de longue date.
Nous vous transmettrons les propositions que nous avons faites au moment de la commission de rénovation du débat public de 2015. Plusieurs d'entre elles concernent les sujets qui nous préoccupent.
La proposition 3 demande de faire cesser immédiatement le « saucissonnage » des procédures, d'ailleurs en contradiction avec les directives européennes. Le projet doit être évalué dans son ensemble et l'utilité publique ne peut être prononcée avant.
La proposition 4 vise à intégrer l'analyse environnementale globale au moment de la comparaison entre les différentes solutions.