Intervention de Bernard Torrin

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 18 janvier 2017 à 14h10
Audition de M. Patrick Jeantet président-directeur général M. Bernard Torrin directeur de l'environnement et du développement durable de sncf réseau et Mme Corinne Roecklin

Bernard Torrin, directeur du développement durable :

Je souhaite revenir sur la question des coupures. Parmi les impacts des infrastructures ferroviaires sur la biodiversité, on compte notamment la consommation d'espace du fait même de l'existence de l'emprise et la destruction éventuelle d'habitats et d'espèces. Le sujet principal reste néanmoins celui de la fragmentation des habitats par l'infrastructure. Pour répondre à votre question, je propose de détailler le projet TRANS-FER que le président a évoqué tout à l'heure.

Ce projet dit TRANS-FER, lancé dans le cadre de l'appel à projets de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et mené entre 2011 et 2014 en partenariat avec le Muséum national d'histoire naturel, le CNRS, Ecosphère et le ministère de l'environnement, s'est intéressé à la fragmentation de l'espace par les infrastructures ferroviaires. Nous avons regardé la transparence de quatre tronçons de voies, sur ligne classique et sur ligne à grande vitesse, pour cinq groupes taxonomiques différents. Les études ont prouvé que les infrastructures ferroviaires ne créent pas d'effet de barrière infranchissable. En revanche, on a constaté un effet de filtre sur certaines espèces, qui s'amplifie avec le temps. La conclusion des études est claire : « La plupart des groupes faunistiques adaptent leur comportement en traversant les sections courantes lorsque celles-ci ne sont pas hermétiquement closes, et empruntent les ouvrages existants, spécifiques ou non : passages grande faune, passages agricoles, routes, rétablissements routiers, barrages hydrauliques, buses sèches, etc. » On a souvent l'image d'une infrastructure linéaire infranchissable ; les études scientifiques ont bien montré, et c'est important, que la fragmentation n'est pas irrémédiable.

Les clôtures sont évidemment un élément de difficulté particulier en termes de fragmentation. Il est vrai qu'aujourd'hui, nos lignes à grande vitesse sont clôturées, pour des raisons de sécurité. Nous avons énormément d'introduction de gibier (sangliers, chevreuils) sur nos emprises, avec des impacts importants en termes de sécurité et de régularité. Mais parallèlement, nous avons réalisé des passages pour la faune. Pour limiter les impacts des clôtures, nous menons également plusieurs actions, avec les fédérations de chasse et les associations de protection de l'environnement notamment, sur la maîtrise de la végétation par exemple, ou l'installation de dispositifs techniques, comme des toboggans, qui permettent aux animaux rentrés de ressortir plus facilement de l'emprise.

Vous avez évoqué les corridors écologiques. SNCF Réseau est l'un des membres fondateurs du Club infrastructures linéaires et biodiversité (CIL&B), qui regroupe l'ensemble des grands maîtres d'ouvrage des infrastructures linéaires. Le CIL&B et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) France ont mené, fin 2014, une grande étude sur le thème « Corridors d'infrastructures, corridors écologiques ? ». Cette étude s'est achevée sur un séminaire au cours duquel les débats ont été nombreux. Je vous en livre la conclusion in extenso : « Les travaux confirment que la contribution des infrastructures de transports et leur emprise peut être possible en faveur de la biodiversité si un ensemble de précautions sont prises pour éviter les atteintes et aménager les espaces de manière optimale. » Là encore, c'est peut-être un préjugé qui est levé : oui, si l'on est attentif à la maîtrise de la végétation, à la gestion des clôtures et que l'on noue des partenariats avec les associations qui connaissent la faune et la flore, on peut faire des infrastructures linéaires des espaces à impact positif sur la biodiversité.

Vous nous interrogez également sur le traitement chimique des voies. Pour assurer la maîtrise de la végétation de nos voies, nous faisons appel à des méthodes à la fois mécaniques et chimiques. Sur la plateforme, notre objectif « zéro végétation » est tiré par des critères de sécurité : au même titre que sur les routes, cela est nécessaire pour voir les signaux, assurer la surveillance des installations, le dispositif de retour de courant, et la stabilité de la plateforme. Aux abords des voies, nous avons une règle de gestion plus raisonnée. Cependant, nous avons des pistes le long des voies, qui permettent le cheminement de nos personnels, des services de secours, mais également des clients en cas de transbordement par exemple. Ces contraintes nécessitent une bonne maîtrise de la végétation. Sur les 30 000 km de voies du réseau, nous utilisons des traitements phytopharmaceutiques qui ont été optimisés : depuis 10 ans, nous avons divisé par trois la quantité de produits utilisés ; nos personnels sont formés. Nous avons également développé des méthodes innovantes : nos trains désherbeurs sont équipés de GPS, ce qui permet de couper l'épandage de produits phytopharmaceutiques au droit des cours d'eau ou près d'une zone de captage d'eau potable. Nous sommes en conformité avec tous les arrêtés préfectoraux en la matière. Au final, nous utilisons moins de 1 % des produits phytopharmaceutiques consommés en France, et toujours dans une optique de réduction et de maîtrise des risques. Sur ce sujet, des débats d'experts sont toujours possibles ; pour notre part, nous considérons qu'en raison de toutes les actions que nous menons, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques n'a pas d'impact sur la biodiversité sur nos lignes.

Enfin, sur le sujet de la SEA, je précise qu'au titre de nos responsabilités, nous participons aux comités de suivi entre les services de l'État et LISEA. Nous avons également des comités de suivi propres avec le concessionnaire, dont l'un porte sur les mesures compensatoires, ce qui nous permet de vous livrer en toute transparence des chiffres identiques à ceux de LISEA. Nous assurons un suivi « au fil de l'eau » de la qualité des chantiers et de leur avancement en termes de mesures compensatoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion