Intervention de Harlem Désir

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accession du monténégro à l'otan — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, qui est soumis à l’examen du Sénat, est important puisqu’il concourt à nos efforts de stabilisation des Balkans occidentaux.

Après les adhésions à l’OTAN de la Slovénie en 2004, de la Croatie et de l’Albanie en 2009, celle du Monténégro sera un gage de stabilité pour cette région, stabilité qui reste un enjeu de première importance pour la sécurité européenne dans son ensemble.

Notre pays a dans ce domaine une responsabilité particulière, liée à l’histoire et au rôle qui a été le sien dans les Balkans au cours des vingt dernières années, responsabilité qu’il assume aujourd’hui pleinement dans le cadre des processus de coopération régionale et de dialogue, le processus de Brdo-Brioni, d’une part, et de Berlin, d’autre part.

Le succès du sommet des Balkans occidentaux qui s’est tenu à Paris le 4 juillet dernier dans le cadre du processus de Berlin, à l’invitation du Président de la République, en a été une illustration.

Le Monténégro, dès le lendemain de son indépendance, en juin 2006, a signifié sa volonté de se rapprocher de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et d’en devenir membre. Il a été invité par les alliés, en décembre 2009, à rejoindre le plan d’action pour l’adhésion, qui donne le statut officiel de candidat et engage formellement le processus d’adhésion.

Dans le cadre d’un dialogue étroit avec l’OTAN, le Monténégro a conduit de nombreuses réformes. Il a fait d’importants efforts en matière de modernisation des forces armées et de réforme du secteur de la sécurité et du renseignement, comme l’ont souligné plusieurs rapports de progrès de l’OTAN. L’effort de défense du pays a été porté à 1, 7 % du PIB, légèrement en deçà de l’objectif de 2 % que se sont fixé les alliés lors du sommet du Pays de Galles en septembre 2014.

Le Monténégro a également conduit des réformes dans le domaine de la justice, pour renforcer l’indépendance du système judiciaire, intensifier la lutte contre la criminalité organisée et la corruption et assurer l’État de droit.

Ces progrès ont été salués lors des sommets de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012. Le sommet du Pays de Galles de septembre 2014 a ouvert un dialogue renforcé avec le Monténégro en vue de permettre aux alliés de se prononcer, à la fin de l’année 2015, sur l’opportunité d’une adhésion à l’OTAN.

Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN des 1er et 2 décembre 2015, les alliés ont donc pris par consensus la décision d’inviter le Monténégro à engager d’ultimes pourparlers en vue de son adhésion.

Cette démarche a abouti, le 19 mai 2016, à la signature par les États membres de l’OTAN du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro. Le Monténégro a alors obtenu le statut de pays invité et a pu ainsi participer au sommet de l’OTAN à Varsovie, en juillet 2016.

La ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro permettra à ce pays de devenir le vingt-neuvième allié de l’OTAN. Vingt et un des vingt-huit membres de l’Alliance atlantique ont d’ores et déjà ratifié ce protocole.

Pour la France, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN sera bénéfique, car ce pays joue un rôle important dans la région des Balkans occidentaux.

Le Monténégro a recouvré son indépendance, perdue après la Première Guerre mondiale, le 3 juin 2006, en se séparant pacifiquement, par référendum, de la communauté de Serbie-et-Monténégro. Son indépendance a été reconnue immédiatement par l’ensemble de la communauté internationale et, je veux y insister, le Monténégro n’est en litige territorial ou diplomatique avec aucun de ses voisins. Il est au contraire un élément moteur de la coopération régionale dans les Balkans.

Malgré sa taille modeste, la contribution du Monténégro à la sécurité de l’Alliance sera réelle. Entre l’Albanie et la Croatie, ce pays assurera un continuum géographique le long de l’Adriatique, qui a son importance stratégique en matière de défense collective. Ce point était particulièrement important pour nos alliés de la zone.

Le Monténégro participe d’ores et déjà comme partenaire, à la mesure de ses moyens, à plusieurs opérations de stabilisation : Resolute Support en Afghanistan pour l’OTAN, mais aussi EUNAVFOR Atalanta et EUTM Mali dans le cadre de l’Europe de la défense, et aux côtés des armées françaises. Son adhésion s’inscrira donc dans la continuité de cet engagement.

Concernant la politique de l’OTAN en matière d’élargissement, je tiens à rappeler que l’ouverture du processus d’adhésion au Monténégro s’est faite dans le cadre d’un accord plus large entre alliés sur le traitement des questions d’élargissement de l’OTAN.

C’est dans le cadre de cet accord que la France s’est assurée, en amont du sommet de Varsovie, que l’invitation faite au Monténégro ne serait pas le signal d’un élargissement non maîtrisé. Pour la France, l’adhésion du Monténégro n’ouvre en aucun cas la voie à une relance générale de la politique dite « de la porte ouverte ».

Pour la France, l’élargissement de l’OTAN n’est aujourd’hui ni une priorité ni une fin en soi. Il ne peut s’envisager que dans la mesure où il renforce effectivement la sécurité de l’espace euro-atlantique et la crédibilité de la défense collective. Il relève par ailleurs, je tiens à le rappeler, d’une décision souveraine des pays souhaitant rechercher l’adhésion, qu’il revient ensuite à l’Alliance d’accepter ou non. Nul État tiers n’a de droit de regard sur cette décision.

Ainsi, nous avons accepté de considérer les mérites propres du Monténégro, mais nous avons veillé à ce que soit parallèlement adoptée une série de conditions destinée à d’autres pays candidats, pour l’adhésion desquels il n’existe pas aujourd’hui de consensus.

L’accord entre alliés sur ce point, dont les principes ont été repris dans le communiqué du sommet de Varsovie, précise bien que l’attribution d’un plan d’action pour l’adhésion reste une étape incontournable pour la Géorgie ; que c’est aux pays candidats de prendre les mesures nécessaires s’ils souhaitent avancer sur la voie de l’adhésion, et non aux alliés de renoncer aux conditions posées ; que les candidatures seront évaluées, en priorité, à l’aune de la capacité des candidats à assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre et, en particulier, à contribuer à la sécurité de l’espace euro-atlantique.

Rappelons-nous qu’au lendemain de la guerre froide, l’élargissement de l’OTAN a été un facteur de renforcement de la sécurité du continent européen. Une forte demande de stabilité et de sécurité émanait des ex-pays membres du pacte de Varsovie. Tout comme l’Union européenne, l’Alliance y a répondu en définissant des modalités d’accession flexibles. L’objectif était de contribuer à une vaste architecture de sécurité européenne, où les processus d’élargissement de l’OTAN et de l’Union européenne étaient perçus comme complémentaires, tout en étant clairement distincts.

Vingt-cinq ans plus tard, nous continuons de refuser l’idée d’un partage de l’Europe en sphères d’influence, comme celle d’un droit de regard extérieur sur le processus d’adhésion. La dégradation durable de notre environnement stratégique a cependant conduit l’OTAN à reconsidérer les perspectives d’élargissement actuelles. Nos partenaires comprennent bien désormais que les candidats à l’adhésion doivent être considérés, en premier lieu, en fonction de leur capacité à contribuer à notre défense collective et de la capacité de l’OTAN à garantir leur sécurité.

Voilà en résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux de la ratification de ce protocole.

L’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien des décisions que l’Union européenne pourra prendre s’agissant de l’adhésion du Monténégro à l’Union européenne, dont la procédure suit son cours et pour laquelle les critères d’accession sont différents, même si certains peuvent se recouper.

Je vous invite donc à juger ce projet de loi pour ce qu’il est : un développement circonscrit au cas du Monténégro, dont l’adhésion à l’OTAN sera positive pour la stabilité des Balkans occidentaux.

Telles sont les principales observations qu’appelle le protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République du Monténégro, qui fait l’objet du projet de loi proposé à votre autorisation, après celle donnée le 1er décembre dernier par l’Assemblée nationale.

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