Séance en hémicycle du 26 janvier 2017 à 10h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • monténégro
  • tunnel

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin n° 91 sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables, qui s’est déroulé mardi 24 janvier 2017.

En raison d’un problème technique, les dix membres du groupe écologiste n’ont pas pu prendre part à ce scrutin, alors qu’ils souhaitaient voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 131-10 du code de l’environnement, M. le Premier ministre, par lettre en date du 24 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’environnement sur le projet de nomination de M. Philippe Martin aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le Premier ministre a demandé à M. le Président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

La commission de la culture a été invitée à présenter un candidat.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

J’informe le Sénat que la commission des affaires économiques a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 22 septembre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales (projet n° 230, texte de la commission n° 326, rapport n° 325).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée la ratification de la convention relative à l'assistance alimentaire, signée à New York le 2 novembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l’assistance alimentaire (projet n° 137, texte de la commission n° 328, rapport n° 327).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (projet n° 271, texte de la commission n° 330, rapport n° 329).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec le projet de loi qui est soumis à votre approbation la liaison ferroviaire Lyon-Turin va franchir une étape décisive vers sa réalisation. Il a en effet pour objet d’autoriser l’approbation de l’accord du 24 février 2015 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Cet accord intergouvernemental marque la dernière étape de ce grand projet franco-italien et européen, né il y a déjà plus de vingt-cinq ans. Il fait suite à deux précédents accords intergouvernementaux : l’accord intergouvernemental pour la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire permettant la création d’un promoteur public, signé en 2001 ; l’accord intergouvernemental pour définir les modalités de gestion du projet et instituer un nouveau promoteur public chargé de la conception, de la réalisation, puis de l’exploitation de la section transfrontalière, signé en 2012.

Le présent accord, signé le 24 février 2015, vient compléter les deux précédents et comprend trois volets : il permet le lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière ; son protocole additionnel valide le coût du projet certifié et en précise les modalités de financement ; le règlement des contrats met en place des dispositions de lutte contre la criminalité organisée, afin de vérifier les règles de passation de marché et les entreprises éligibles.

Les enjeux de la création du tunnel Lyon-Turin sont majeurs.

Sur un plan économique, d’abord, cet accord répond à un objectif de rééquilibrage des flux.

Il y a aujourd’hui un risque que le trafic de marchandises en provenance du Benelux et du Royaume-Uni à destination de l’Italie se déplace progressivement vers la Suisse et l’Autriche, qui se dotent d’infrastructures modernes répondant aux standards ferroviaires de demain : le tunnel du Gothard, le plus long tunnel ferroviaire du monde, inauguré en juin 2016, et celui du Brenner, en construction. Le lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la ligne ferroviaire Lyon-Turin va permettre d’asseoir la position de la France au cœur des échanges économiques européens.

Le tunnel transfrontalier renforcera la compétitivité de nos entreprises et bénéficiera à nos relations économiques avec l’Italie, qui est notre deuxième partenaire commercial, mais aussi à nos relations économiques avec le reste de l’Europe.

Il s’agit d’ailleurs non pas seulement de relier Lyon et Turin, ni même Paris et Milan, mais aussi de rapprocher les grandes zones économiques des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Piémont et Lombardie, qui représentent 3, 2 % du produit intérieur brut de l’Union européenne.

Par ailleurs, les retombées économiques de la création du tunnel seront importantes grâce à une démarche de « grand chantier » qui stimulera l’emploi et la croissance de la région.

L’exploitation, l’entretien et le renouvellement de la nouvelle ligne ferroviaire, le renforcement de l’attractivité des territoires sont autant d’atouts pour la création d’emplois.

La liaison Lyon-Turin est aussi la réalisation d’une grande infrastructure européenne, pleinement inscrite dans le corridor transeuropéen méditerranéen reliant la péninsule ibérique à la Slovénie et la Hongrie, qui fera de la France un centre de gravité de l’Europe, à un moment où le trafic entre l’Espagne et l’Italie augmente.

C’est un enjeu majeur, également, sur le plan de l’environnement.

Chaque année, ce sont en effet plus de 2, 7 millions de poids lourds qui traversent nos vallées alpines et notre littoral. Ces véhicules empruntent des routes où le trafic de transit pose de graves problèmes, qu’il s’agisse de zones urbanisées et congestionnées – je pense notamment à l’autoroute A8 autour de Nice –, ou encore de zones très sensibles du point de vue environnemental.

Les vallées de l’Arve et de la Maurienne sont particulièrement affectées par la pollution, comme nous l’avons vu ces dernières semaines encore. Nous devons donc absolument favoriser le passage du transport de marchandises de la route vers le rail en facilitant le report modal.

Le transport routier est dominant, mais cela ne peut pas durer. La majorité du trafic de marchandises qui emprunte les tunnels routiers des Alpes franco-italiennes parcourt des trajets de plus de 500 kilomètres et entre ainsi pleinement dans le domaine de pertinence du mode ferroviaire. Nous croyons à l’avenir du transport ferroviaire, en particulier pour le fret.

Lors de la signature de la convention alpine en 1991, mais aussi plus récemment lors de la COP21, nous nous sommes engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le réchauffement climatique. Le tunnel Lyon-Turin est un élément important pour le respect de ces engagements, car il permettra au ferroviaire d’assurer plus de 40 % des échanges de marchandises dans la zone, à l’horizon 2035, contre 8, 8 % en 2015, soit un report estimé à 700 000 poids lourds vers le rail.

En ce qui concerne le transport de personnes, la création du tunnel Lyon-Turin améliorera la compétitivité du train par rapport à l’avion en termes de facilité d’accès et de rapidité.

Le report modal permet également de renforcer la sécurité des transports dans cette zone transalpine.

Nous avons en mémoire les incendies mortels qui ont eu lieu dans les tunnels routiers des Alpes franco-italiennes en 1999 et 2005, et l’éboulement rocheux sur l’autoroute A8 en 2006.

Les infrastructures ferroviaires existantes, notamment celle du Montcenis, qui date de 1871, ne peuvent pas offrir des services performants répondant aux besoins actuels du trafic. Une modernisation de ces infrastructures est donc indispensable au regard des flux de marchandises et d’usagers dans ce secteur.

Qu’en est-il de la question du coût et du financement de ce projet ?

Le protocole additionnel de l’accord soumis à votre approbation valide le coût certifié global du projet à 8, 3 milliards d’euros en valeur 2012.

Signe de son importance pour l’Europe, le projet bénéficie d’une subvention de 813, 8 millions d’euros de l’Union européenne, au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour la période 2014-2019.

Cette enveloppe, octroyée pour la section transfrontalière, correspond aux taux maximaux possibles de cofinancement par l’Union européenne. Il reste ainsi pour la section transfrontalière 35 % à la charge de l’Italie et 25 % à la charge de la France. Avec le maintien par l’Union européenne de sa participation à hauteur de 40 % au-delà de 2019, la contribution de la France s’élèvera à 2, 21 milliards d’euros valeur 2012, soit 2, 48 milliards d’euros courants.

Ce financement ne pèsera pas exclusivement sur le budget de l’État ; on aura également recours aux crédits du Fonds de développement d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin, le FDPITMA.

La part française des premiers travaux à la réalisation du tunnel de base sera financée en 2017 via l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

C’est tout à fait essentiel, et nous ne pouvions pas laisser passer ces financements européens.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Nous nous sommes battus pour que le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe soit renforcé et doté de montants très importants dans la programmation européenne 2014-2020 et pour que le tunnel Lyon-Turin soit reconnu comme une infrastructure européenne prioritaire. Il était, dès lors, de notre responsabilité de faire en sorte que la France réponde à temps à tous les appels à projets ; c’est ce que nous avons fait.

Cette mobilisation a été rendue possible par l’accord passé entre la France et l’Italie. Grâce à ce financement européen, la France, qui prend en charge, je le répète, 25 % du financement de cette infrastructure, permettra à ce projet de voir le jour.

Dernier point essentiel de cet accord : l’instauration d’un règlement des contrats qui décline les dispositions de lutte contre les infiltrations mafieuses, prévues dans le droit italien et compatibles avec le droit de l’Union européenne.

Ce règlement des contrats, d’une extrême rigueur, instaure une structure binationale inédite chargée d’écarter toute entreprise qui présenterait des liens avec la criminalité organisée. Son application sera contrôlée par un préfet français désigné par le Gouvernement, qui validera les refus d’inscription d’entreprises françaises sur la liste blanche.

Une inscription sur cette liste blanche sera nécessaire pour toute entreprise souhaitant travailler sur le chantier de la partie centrale de la ligne.

Cette inscription se fera selon des critères prenant en compte certaines condamnations pénales précisées dans le règlement, les infractions prévues dans le droit pénal français ou italien, mais également toute situation conduisant à suspecter que l’entreprise est contrôlée ou influencée par une organisation criminelle de type mafieux.

En Italie, le Sénat et la Chambre des députés ont déjà donné leur aval à la ligne Lyon-Turin, respectivement le 16 novembre et le 20 décembre 2016. Le Président de la République italienne, M. Sergio Mattarella, a promulgué la loi le 12 janvier 2017, finalisant ainsi la procédure de ratification en Italie. La France doit désormais faire de même.

Le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin est en effet un projet d’avenir innovant qui renforcera l’attractivité de nos territoires et stimulera l’emploi. Il contribuera aussi à répondre à nos engagements en faveur du développement durable.

Il est structurant non seulement pour l’économie de la région transalpine, mais aussi pour celles de la France, de l’Italie et, finalement, de l’Europe. Il constitue une nouvelle étape dans la lutte contre le changement climatique. Il s’inscrit dans une dynamique de coopération et de cohésion nécessaire pour relancer le projet européen. Enfin, il est un acte de foi dans la coopération franco-italienne, dans le rapprochement entre nos pays et nos économies, et dans le projet européen lui-même.

Nous avons obtenu, je le redis, une prise en charge majeure par l’Union européenne, dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ce qui était essentiel à la réussite de ce projet. Nous ne pouvions pas laisser passer cette opportunité. C’est pourquoi le Gouvernement a tout mis en œuvre pour que nous répondions dans les délais à chacun des appels à projets et que nous soyons en mesure, avec nos partenaires italiens, de bénéficier pleinement des soutiens européens.

La ratification de cet accord est donc nécessaire pour qu’aboutisse ce grand projet de nature à renforcer la cohésion entre les territoires européens.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, qui fait l’objet du projet de loi proposé à votre approbation après l’avoir été à celle de l’Assemblée nationale le 22 décembre dernier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, au préalable, de saluer notre collègue Jean-Louis Carrère, qui m’a confié ce dossier voilà quelques années.

Nous sommes appelés à autoriser la ratification de l’accord pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Ce projet phare de la coopération franco-italienne a déjà fait l’objet de trois accords, tous ratifiés par la France.

Cet accord, prévu à l’article 4 de l’accord de 2001, va permettre de substituer à la ligne de montagne historique de la Maurienne et au tunnel ferroviaire du Fréjus, situé à plus de 1 300 mètres d’altitude, une ligne de plaine, plus compétitive et répondant aux standards internationaux.

La construction du tunnel de base de 57, 5 kilomètres de long, dont 45 kilomètres en France et 12, 5 en Italie, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse-Bussoleno, sera réalisée par le promoteur public, la société TELT – Tunnel Euralpin Lyon-Turin –, entre 2017 et 2029. Depuis 2001, trois galeries de reconnaissance ont été réalisées côté France et deux autres sont en cours de réalisation, en France et en Italie. Cela signifie que 10 % des travaux ont été effectués.

Le protocole additionnel de mars 2016, qui fait partie intégrante de l’accord, fixe le coût certifié de la section transfrontalière à un peu plus de 8 milliards d’euros. La Commission européenne a attribué à ce chantier une subvention d’environ 810 millions d’euros, pour la période 2014-2019 – nous espérons que l’Europe perdurera au-delà de 2019 ! –, au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, soit une prise en charge des travaux à hauteur de 40 %, le taux maximal.

La participation financière de la France s’élève à un peu plus de 2 milliards d’euros, soit 25 % du coût total du projet. Il importe de garantir la pérennité du financement par la France de 200 millions d’euros chaque année, sur douze ans. Je souhaite mettre en perspective cette somme avec les 15 milliards d’euros attribués annuellement au transport.

Par ailleurs, 290 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits au budget pour 2017 de l’AFITF. Mais où en est-on de la mise en œuvre des recommandations formulées par la mission parlementaire de MM. Michel Destot et Michel Bouvard – vous avez partiellement répondu sur ce point, monsieur le secrétaire d’État –…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

… et de l’instauration d’un surpéage pour la circulation des poids lourds sur certains tronçons autoroutiers, au titre de la directive Eurovignette de 1999, sachant que ce financement français n’est pas sécurisé sur le long terme ?

L’accord contient également un règlement destiné à lutter contre les infiltrations mafieuses dans les contrats conclus par le promoteur public TELT, qui reprend la législation italienne en la matière.

Je rappelle que, si le droit italien permet d’inscrire une entreprise sur une liste blanche ou noire, le droit français ne le permet qu’à la condition que la société concernée ait déjà été condamnée. Il y a là une difficulté juridique, que l’État a résolue avec le droit européen ; j’espère que cela ne donnera pas lieu à des questions prioritaires de constitutionnalité, mais le travail a bien été fait.

C’est la première fois qu’un tel dispositif antimafia s’appliquera sur le plan transnational à un grand chantier européen de travaux publics. Sans entrer dans le détail, une structure binationale, composée du préfet de Turin et du préfet désigné par la France – celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes, m’a-t-on dit –, sera chargée de vérifier les motifs d’exclusion des contrats passés par TELT.

Le préfet français effectuera ces contrôles sur les entreprises françaises sans disposer de moyens propres dédiés. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir comment il pourra véritablement remplir la mission qui lui sera confiée.

J’ai d’ailleurs adressé un courrier au ministère de l’intérieur à ce sujet. Par exemple, TRACFIN ne peut pas informer le préfet de délits potentiels ; il lui faudra passer par les structures lourdes du ministère de l’intérieur.

Tant qu’il ne connaîtra pas le contenu exact de sa mission, le préfet sera placé dans une situation difficile. Il est donc nécessaire que le Gouvernement nous réponde sur ce point.

Enfin, récapitulons les enjeux de cette section ferroviaire transfrontalière, qui sont bien connus de tous.

Tout d’abord, je veux évoquer le report modal du fret et des voyageurs de la route vers le rail et la sécurisation des transports. Actuellement, les flux routiers représentent 90 % des échanges de fret entre la France et l’Italie, et 2, 5 millions de poids lourds traversent chaque année le massif alpin. La part modale du fer n’a cessé de diminuer.

Je rappelle que, globalement, le fret ferroviaire est passé de 55 milliards de tonnes-kilomètre au début des années 2000 à un peu moins de 30 milliards aujourd’hui. C’est dire qu’il est indispensable que la France, dont c’est le point faible, adopte une véritable politique globale en faveur du fret ferroviaire ! Si l’on veut que les trains de la liaison Lyon-Turin, qui engage de lourds moyens, soient remplis de camions, il faut que le Gouvernement, comme ceux qui lui succéderont, s’implique vraiment dans une politique de report modal des transports. Si cette politique n’est pas menée, le tunnel sera vide ! Si elle l’est, on pourra alors espérer le report d’environ un million de poids lourds de la route vers le rail, ainsi que, compte tenu de la réduction des temps de trajet, d’un million de voyageurs en provenance de l’aérien.

Citons ensuite la protection de l’environnement et des Alpes. Notre collègue Loïc Hervé, lors d’une séance de questions d’actualité en décembre dernier, avait évoqué l’importante pollution des zones concernées. La France s’est engagée en signant la convention alpine de 1991. Le train, quatre à cinq fois moins polluant qu’un transport routier, permettra la réduction des émissions de polluants, alors que la fréquence et la durée des pics de pollution sont en augmentation dans les Alpes.

Enfin, la section transfrontalière est un élément clé du corridor transeuropéen méditerranéen, qui assurera la liaison ferroviaire entre la péninsule ibérique, l’arc méditerranéen, le nord de l’Italie, la Slovénie et la Hongrie. On réfléchit même à une sorte d’Eurotunnel sous le détroit de Gibraltar pour aller vers l’Afrique.

M. le secrétaire d’État l’a dit, le futur tunnel entre la France et l’Italie sera le seul tunnel ferroviaire orienté est-ouest. Il devrait permettre à terme un rééquilibrage géostratégique des flux économiques, en favorisant les échanges entre la France et l’Italie – notre deuxième partenaire en termes d’échanges commerciaux –, et notamment entre le Grand Paris et le Grand Milan.

Les aménagements suisses avec les tunnels ferroviaires du Lötschberg et du Saint-Gothard ainsi que le tunnel autrichien du Brenner ont déjà fait basculer hors de France le trafic provenant du Benelux et du Royaume-Uni et à destination de l’Italie. Il nous faut, à tout prix, éviter une « marginalisation » de la France, notamment à l’ouest, c’est-à-dire l’axe atlantique, ce qui risquerait d’arriver si la liaison Lyon-Turin n’était pas réalisée. Je ne reprendrai pas le terme de « finistérisation », pour ne pas gêner mes amis bretons, mais il est parlant…

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité de construire les aménagements nécessaires autour de la liaison Lyon-Turin – je pense notamment aux voies d’accès. Je lance cet appel au Gouvernement et à la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui devront faire des efforts en ce sens. J’espère, pour nos enfants et pour l’Europe, que ce projet verra le jour. Je vous remercie de votre soutien et de votre vote !

Applaudissements sur les travées du groupe de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, près de trois millions de poids lourds passent par la frontière franco-italienne chaque année, soit 7 500 poids lourds par jour.

En augmentation constante depuis quarante ans, le trafic se concentre sur trois axes majeurs, conduisant à une saturation des vallées alpines et de Vintimille, et parfois à des accidents majeurs. Nous gardons tous en mémoire l’incendie dans le tunnel du Mont-Blanc en 1999 ou celui du tunnel de Fréjus en 2005. Rappelons également que la Savoie est aujourd’hui le département le plus pollué de France.

Face à ces défis, il est impératif de permettre le report modal de la route vers le rail. Depuis 1970, la part modale est passée en France de 78 % à moins de 10 % pour le train et, à l’inverse, de 22 % à 90 % pour la route.

La ligne ferroviaire historique passant par le Montcenis et le goulet d’étranglement de Saint-Jean-de-Maurienne est totalement saturée. Elle a atteint ses limites à la fin des années quatre-vingt-dix avec un tonnage de fret de plus de dix millions de tonnes par an. Les mesures mises en œuvre pour tenter de la désengorger, comme l’ouverture du faisceau de Saint-Avre, se sont révélées largement insuffisantes.

De la même manière, à défaut des deux tunnels sous les massifs de Chartreuse et de Belledonne, il est à craindre que des millions de tonnes de fret se déversent sur Chambéry, Aix-les-Bains ou le long du lac du Bourget, perturbant encore un peu plus un secteur ferroviaire dégradé pour les usagers.

L’Union européenne ne s’y était pas trompée en 1994, quand elle a établi une liste de quatorze projets prioritaires en vue du grand réseau ferroviaire transeuropéen. L’idée d’une ligne Lyon-Turin s’est rapidement imposée dans cette liste.

Le tronçon alpin transfrontalier participera à la mise en place du corridor souhaité par l’Union européenne entre l’Espagne et l’Europe orientale. Ce projet s’inscrit donc dans une dynamique européenne favorisant à la fois le développement des transports et la protection environnementale des Alpes. La ligne Lyon-Turin doit ainsi constituer un investissement socialement et écologiquement utile répondant à plusieurs enjeux.

Pour les voyageurs, ce projet entraînera une réduction significative du temps de trajet Lyon-Turin. Le report modal avec une ligne principalement dédiée au fret qui devrait représenter 85 % du trafic permettra également de soulager les axes routiers surchargés.

En matière d’emplois, on estime à 3 000 le nombre de créations directes de postes dans la vallée de la Maurienne, et à 300 les emplois pérennes liés à l’exploitation du tunnel.

Enfin, ce projet sera déterminant dans la lutte contre les pollutions et les nuisances locales. En outre, il ouvrira des possibilités nouvelles pour des cadencements et des TER « grande vitesse » directs entre Lyon et Grenoble, Chambéry et Annecy, ainsi qu’une amélioration des dessertes locales grâce à la libération de la ligne historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

M. Bernard Vera. Le soutien du groupe CRC à ce projet s’appuie donc sur une volonté de faire prévaloir des politiques de transport alternatives au tout-routier – je pense en particulier au fret ferroviaire –, de promouvoir des transports rapides et moins polluants et de répondre aux besoins de mobilité des populations locales et des voyageurs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de leur participation active dans la construction européenne, la France et l’Italie ont su préserver des relations bilatérales fortes.

La liaison ferroviaire Lyon-Turin, comme bien d’autres projets de grande ampleur, constitue la vitrine d’une Europe unie capable d’améliorer le quotidien de nos concitoyens.

Après une genèse quelque peu laborieuse, l’accord du 24 février 2015, son protocole additionnel du 8 mars 2016 et le règlement des contrats annexé soumis à l’approbation du Parlement confirment l’engagement définitif des travaux de la section transfrontalière de la ligne ferroviaire. Ils définissent les conditions de leur réalisation.

La certification du coût prévisionnel du projet par un tiers extérieur était une condition sine qua non de la signature par la France de cet accord. C’est chose faite ; selon les hypothèses retenues, il représentera 8, 3 milliards d’euros en valeur 2012 ou 9, 6 milliards d’euros courants, la France intervenant à hauteur de 25 %, soit un peu plus de 200 millions d’euros par an entre 2017 et 2029.

Depuis l’accord de Rome signé le 30 janvier 2012, la participation financière de l’Union européenne à hauteur de 40 % a été confirmée, comme nous l’espérions, puisque la nouvelle ligne ferroviaire constitue une partie intégrante du corridor méditerranéen du réseau transeuropéen.

Mes chers collègues, les enjeux sont de taille, et je rappellerai brièvement l’utilité sociale, économique et écologique de ce projet pour nos deux pays.

Premièrement, il présente des avantages en matière d’aménagement du territoire en garantissant une desserte plus efficace des territoires de l’arc alpin, que ce soit pour le transport des personnes ou des marchandises. C’est l’occasion tant attendue de relancer la politique ferroviaire du fret, en régression dans notre pays malgré les besoins réels de nos entreprises.

Deuxièmement, la nouvelle liaison ferroviaire facilitera les échanges commerciaux et devrait être bénéfique pour l’économie locale. En effet, l’axe routier est saturé et la ligne historique pose de graves problèmes de sécurité et de fiabilité en raison de son obsolescence et des particularités géographiques que l’on connaît.

Troisièmement, et ce n’est pas pour autant le point le moins important, on peut citer le report sur le mode ferroviaire d’une partie des 3 millions de poids lourds traversant tous les ans le massif alpin. Le projet participera, dès lors, à la mise en œuvre de la convention alpine signée en 1991 et aux objectifs ambitieux de la France et de l’Union européenne en termes de réduction de gaz à effet de serre : il permettra aux habitants des zones concernées de respirer un air de meilleure qualité.

Comme vous l’aurez compris, le groupe du RDSE soutient la réalisation de la ligne Lyon-Turin et votera à l’unanimité en faveur du présent projet de loi.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain ainsi que du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

On va en entendre de belles ! Il n’y a que les écologistes et le Front national qui soient contre…

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes bien évidemment en faveur d’un renforcement et d’une rénovation du maillage ferroviaire sur l’ensemble du territoire, et ce dans l’optique de favoriser le report modal et de dynamiser le développement partout en France.

Toutefois, c’est bien l’aberration économique et financière que représente la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin qui nous interroge.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Si le désengorgement des axes routiers était bien l’objectif environnemental de ce projet en 1991, les prévisions qui ont présidé à son lancement se sont révélées être très largement surévaluées.

Alors qu’il était initialement prévu 19 millions de passagers après la mise en service de cette ligne, Réseau ferré de France n’en prévoyait plus que 4, 05 millions en 2012. La trajectoire est la même pour le fret dans les Alpes du Nord : alors qu’il était prévu une explosion des échanges, le transport de marchandises, du fait de la désindustrialisation, est passé de 35 millions de tonnes entre 1994 et 1998 à 22 millions de tonnes aujourd’hui.

Au regard de la nouvelle donne du trafic, si ce projet avait un sens au début des années quatre-vingt-dix, c’est bien son utilité aujourd’hui, en 2017 et dans les années à venir, que nous contestons, d’autant que l’on sait que la voie ferroviaire existante est utilisée à moins de 20 % de sa capacité. Alors que de nombreuses lignes sont encore en voie unique, le doublement des voies et leur sécurisation pourraient permettre d’absorber une grande partie du trafic routier dans la région au travers d’une hausse de la fréquence.

Il existe donc des solutions alternatives valables pour lutter contre la pollution et les conséquences du trafic routier sur l’environnement, et ce à moindre coût. C’est en effet justement l’explosion des coûts du projet qui nous interpelle, nous, mais pas seulement.

En 2012, la Direction du trésor a évalué le projet global à 26, 1 milliards d’euros, contre 2, 1 milliards d’euros initialement prévus. Pour la seule section transfrontalière, le coût est quant à lui estimé à 8, 3 milliards d’euros, contre 4, 5 milliards d’euros initialement.

Selon la Cour des comptes, le financement du projet n’était toujours pas précisé en 2016, condition pourtant exigée par l’accord franco-italien du 30 janvier 2012 pour le lancement des travaux.

Pis encore, dès 1998, le Conseil général des ponts et chaussées mettait en garde contre la faible rentabilité socio-économique de ce projet et l’absence de financement.

Devant des prévisions erronées et un coût qui explose, il apparaît nécessaire, conformément à l’avis du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport de la commission des finances, que le Commissariat général à l’investissement mène une contre-expertise indépendante de l’évaluation socio-économique pour des projets supérieurs à 100 millions d’euros et donc pour la liaison Lyon-Turin.

Dans un contexte de raréfaction de l’argent public, l’État français, les collectivités territoriales et le contribuable sont-ils en mesure de supporter une telle charge ? N’est-ce pas l’ensemble du réseau ferré français qui nécessite aujourd’hui un investissement massif ? Le président de la SNCF a lui-même reconnu que le projet Lyon-Turin serait « autant d’argent en moins pour moderniser le réseau ferroviaire existant ».

Il ne s’agit pas de s’opposer systématiquement aux grands travaux, mais de poser la question des choix que nous opérons en matière d’aménagement du territoire. Quels arbitrages ? Pour quelles priorités ? Et pour quelle utilité ?

Le groupe écologiste dans sa quasi-majorité votera contre cet accord.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les verts ont rejoint le FN ! Écolos et FN, même combat !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Éliane Giraud, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Giraud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après les ratifications à des majorités massives des accords précédents conclus avec l’Italie sur le même projet, le 29 janvier 2001 et le 30 janvier 2012, et le débat que nous avons eu au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat, l’issue positive du débat ne fait aucun doute, mais notre discussion est une occasion à saisir pour ne négliger aucune clarification.

Je voudrais revenir sur un certain nombre de sujets qui viennent d’être évoqués.

Pour certains, la liaison Lyon Turin est un projet inutile. À l’heure où une bonne partie de la France tousse, où la pollution nous rend malades – permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les vallées alpines –, je veux rappeler toute l’importance de la modernisation de cette traversée des Alpes, ainsi que l’intérêt écologique et environnemental du projet. (M. Michel Bouvard applaudit.)

Certains soutiennent que ce projet serait inutile pour le fret. Cette affirmation est sous-tendue par la thèse selon laquelle l’infrastructure existante du XIXe siècle aurait la capacité d’acheminer les tonnages en cause. Cette thèse s’appuie sur une comparaison des tonnages de transport atteints par la Suisse sur ces lignes à la même époque.

Les détracteurs du projet se gardent cependant bien de préciser que, pour réduire l’usage de leurs routes par les poids lourds, les Suisses ont largement subventionné l’exploitation fret de leurs lignes ferroviaires historiques, attirant ainsi vers leur pays, même si tel n’était pas leur projet, un trafic qui avait historiquement emprunté l’itinéraire alpin franco-italien.

Par ailleurs, ils passent délibérément sous silence un fait : les Suisses ont réalisé des tunnels de base du Lötschberg et du Saint-Gothard sans aide européenne et sans partage de la dépense avec un des États frontaliers, afin de pouvoir, après la mise en service de ce dernier tunnel, intervenue ces dernières semaines, réduire progressivement leurs subventions et faire des économies sur l’exploitation de leurs lignes historiques devenues, de longue date, non compétitives.

Enfin, on ne fera pas l’injure aux détracteurs du projet de croire qu’ils n’ont pas compris que la Suisse se dispenserait de la lourde dépense correspondant à la construction de tunnels de base, à leur charge exclusive, si elle ne considérait pas qu’il était temps pour elle de supprimer les pentes d’accès et de réduire l’altitude des tunnels de ses lignes historiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Giraud

En tout état de cause, une offre de transport ferroviaire pour le fret présente, en plus de ses conséquences écologiques particulièrement bénéfiques, le triple intérêt de réduire les consommations d’énergie, d’alléger les coûts de franchissement d’un massif comme les Alpes et d’assurer des gains de temps significatifs. Tous ces éléments constituent de fortes incitations au report de la route au rail du transport des marchandises, qui constitue un avantage environnemental capital.

En définitive, le tunnel du Saint-Gothard, que l’on compare souvent au projet franco-italien pour la similitude de leurs grandes caractéristiques, étant désormais réalisé, il est d’autant plus indispensable et urgent de mener à bien le projet ferroviaire Lyon-Turin si l’on veut permettre à la France et à l’Italie : de rester compétitives avec leur unique liaison de franchissement est-ouest des Alpes ; de respecter à leur tour les engagements de report modal auxquels elles ont souscrit en signant la convention alpine ; de lutter contre les pollutions liées au trafic de poids lourds dans les vallées alpines – le bilan carbone du projet apporte de précieuses indications sur la réduction des émissions nocives tant pour les humains que pour l’environnement – ; enfin, de se doter d’une infrastructure ferroviaire performante après que la fragilité des longs tunnels routiers alpins a été démontrée par le nombre des accidents.

Les motivations essentiellement franco-italiennes ne sont pas les seules justifications de la réalisation de la liaison Lyon-Turin. En effet, maillon clé du corridor méditerranéen du réseau central européen arrêté en 2011 et 2013 à Bruxelles, cette liaison est pour l’Union européenne la condition du rééquilibrage du continent entre l’Europe anglo-saxonne et l’Europe latine, et plus largement l’Europe du Sud, de la péninsule ibérique au centre de l’Europe.

Pour mémoire, il faut rappeler que les échanges économiques concernés par les traversées du massif alpin s’élèvent annuellement à 105 milliards d’euros pour les traversées nord-sud et à 70 milliards d’euros pour les traversées est-ouest.

Je rappelle également que le choix d’un projet mixte avec une priorité au report modal améliorera nettement le trafic de voyageurs entre Paris et Milan.

Le projet Lyon-Turin a-t-il porté préjudice à d’autres projets ? Non, comme nous pouvons le constater et comme M. le secrétaire d’État l’a expliqué.

Je remercie ce gouvernement et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2001 d’avoir fait en sorte que le projet soit très largement financé par l’Europe, dont la participation se situe à hauteur de 40 %. Le montage financier est donc tout à fait réalisable, et notre pays peut tout à fait supporter la part qui lui revient. Le coût de la liaison Lyon-Turin est estimé à environ 200 millions d’euros par an, sur une dizaine d’années, alors que les investissements ferroviaires représentent de 15 milliards à 20 milliards d’euros chaque année depuis l’an 2000.

Ce projet, dont le financement est donc presque stabilisé, ne laisse place à aucune imprécision. Il représente un investissement intéressant pour l’avenir et il est étonnant d’entendre certains qui appellent par ailleurs à la réalisation de grands travaux pour développer l’emploi le dénigrer.

Je veux conclure, monsieur le secrétaire d’État, en insistant sur la nécessité d’une réflexion sur la question du fret au niveau national. La liaison Lyon-Turin apportera une nette amélioration, mais nous devons construire un schéma de l’ensemble des infrastructures du réseau ferroviaire, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces deux dossiers doivent être examinés en parallèle afin tout à la fois de réaliser ce tronçon international désormais bien arrêté et d’améliorer l’ensemble des infrastructures des régions concernées. Il faut que tous se sentent impliqués et que la circulation s’améliore !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, seize ans après le traité franco-italien de 2001, signé sous la présidence de Jacques Chirac, notre vote va aujourd'hui clore le volet politique de ce qui sera l’une des plus grandes infrastructures du monde. Le volet politique clos, s’ouvre celui de la réalisation d’un ouvrage qui nécessitera un chantier d’une quinzaine d’années.

Je veux saluer le travail du rapporteur, qui soutient avec passion la ligne Lyon-Turin : il a fait une analyse extrêmement rigoureuse du projet, notamment sous ses aspects juridiques. On ne peut que se féliciter de la quasi-unanimité que recueille ce projet et regretter l’obstination des écologistes à reposer toujours les mêmes questions, alors que les réponses sont connues depuis des années…

Je ferai quelques observations que complètera mon collègue et ami Michel Bouvard.

La ligne Lyon-Turin représente un enjeu économique dans les relations franco-italiennes.

Le corridor méditerranéen comprenant cette liaison concerne 18 % de la population de l’Union européenne et 17 % de son PIB, avec 200 milliards d’euros d’échanges commerciaux. Les échanges entre l’Italie et la France, à eux seuls, s’élèvent à 70 milliards d’euros. Les échanges au travers de l’arc alpin représentent presque 150 millions de tonnes par an, répartis entre la France et l’Italie pour 40 millions de tonnes, dont seulement 10 % par le ferroviaire, entre la Suisse et l’Italie pour 39 millions de tonnes, dont 68 % par le ferroviaire, et entre l’Autriche et l’Italie pour 68 millions de tonnes, dont 29 % par le ferroviaire.

Pour répondre au groupe écologiste, je rappelle que le trafic transalpin atteint aujourd’hui 150 millions de tonnes, avec une progression du trafic poids lourds de 1 % de 2009 à 2015 et de 6 % en 2015 et 2016.

Au-delà, le chantier lié à la réalisation de cette ligne est lui-même un enjeu économique.

Le coût de cet ouvrage de plus de 57 kilomètres s’élève à 8, 6 milliards d’euros, coût comparable à celui du Gothard, qui vient d’être mis en service. M. le secrétaire d’État l’a dit, le financement est assuré par une contribution exceptionnelle de l’Europe de 40 % et une participation de l’Italie à hauteur de 35 %, ce qui ne laisse que 25 % à la charge de la France, soit 2, 3 milliards d’euros, alors que l’ouvrage est situé pour plus des deux tiers sur notre territoire national.

L’enjeu est aussi écologique. Avec l’ambition de reporter à terme un million de poids lourds de la route sur le rail, le défi est énorme : faire passer la part du mode ferroviaire au travers des Alpes franco-italiennes de 9 % actuellement à 40 %, pour une économie d’émissions de gaz à effet de serre d’un million de tonnes équivalent CO2. Il faut relever ce défi !

Ces enjeux sont d’une particulière actualité quand on les rapproche des récents événements survenus dans la vallée de l’Arve, où élus et population demandaient à l’État d’encourager le transport du fret par rail en supprimant la circulation des poids lourds dans le tunnel du Mont-Blanc.

Le projet représente également un enjeu de sécurité. Il importe de rappeler que le tunnel historique est un tunnel monotube d’environ 13 kilomètres réalisé il y a plus d’un siècle et demi sur l’initiative de Cavour, avant que la Savoie soit rattachée à la France.

Enfin, l’enjeu est également stratégique. Les échanges commerciaux entre la France et l’Italie, par leur importance, justifieraient à eux seuls la réalisation d’un tel équipement, que Bruxelles place au cœur du corridor sud-européen reliant la péninsule ibérique et l’Europe centrale.

La semaine dernière, un grand quotidien national présentait la stratégie économique de la Chine et sa volonté de recréer une nouvelle route de la soie, avec une liaison ferroviaire de l’est de la Chine à l’Ouest européen qui, depuis 2014, permet déjà à un convoi de conteneurs de partir chaque jour de l’Allemagne pour rejoindre la Chine.

Cette ambition est clairement affichée et prend en compte la place que doivent jouer le Moyen-Orient et l’Afrique. La Méditerranée, sur les bords de laquelle la Chine est en train de s’installer puissamment, notamment en développant le port du Pirée, et où elle souhaite disposer du transport ferroviaire, illustre à quel point l’infrastructure du Lyon-Turin, de par sa situation au cœur du corridor sud-européen, est une opportunité pour la France de ne pas se disqualifier au sud de l’Europe, comme malheureusement elle l’a fait sur sa façade maritime au nord.

Oui, le Lyon-Turin est l’infrastructure des défis de demain. Je tenais à le dire à tous mes collègues, en particulier à ceux du groupe écologiste, puisque ce projet est un véritable défi écologique !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la quatrième fois, nous sommes amenés à approuver une convention internationale entre la France et l’Italie portant sur la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin.

Cet accord vise à engager le lancement enfin effectif des travaux de la section transfrontalière de cette nouvelle ligne ferroviaire. Il est complété par un protocole additionnel qui fixe, quant à lui, le coût certifié du projet et ses modalités de financement. Nous verrons si tout cela clôt le dossier, lequel a connu, nous le savons, de nombreuses difficultés.

Au-delà de son caractère technique, l’accord confirme la volonté des deux pays de réaliser cet ambitieux projet d’infrastructure de dimension européenne dont ils peuvent espérer de nombreuses retombées.

Comme l’a rappelé excellemment le rapporteur Yves Pozzo di Borgo, ce projet structurant, qui entre dans sa phase de réalisation, représente un intérêt économique majeur pour les deux pays concernés, mais aussi pour l’Europe.

L’objectif de la ligne Lyon-Turin est de réduire sensiblement le temps de trajet entre Paris et Milan, de permettre un report modal du trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes et d’améliorer les liaisons entre les vallées et les grandes agglomérations alpines de France et d’Italie, en contribuant à effacer la barrière alpine.

Tel qu’il est présenté par ses promoteurs, l’intérêt principal de cette ligne est d’organiser le report modal du trafic de marchandises de la route vers le ferroviaire dans les Alpes, qui ne peut se faire avec la ligne ferroviaire existante.

En effet, 85 % des échanges passant par la frontière franco-italienne sont aujourd’hui routiers. Cette ligne est donc un facteur de développement du fret ferroviaire comme des échanges commerciaux entre la France et l’Italie.

Au titre des bénéfices environnementaux du projet, on peut relever qu’il participe d’une politique de développement durable et de protection des Alpes. Le report modal sur la ligne ferroviaire diminuera l’ensemble des émissions de gaz nocifs liées au trafic routier et participera à la réduction des nuisances sonores.

Je voudrais également souligner la dimension européenne de cette infrastructure.

La ligne ferroviaire Lyon-Turin est un élément de l’Europe des transports puisqu’elle fait partie du réseau transeuropéen des transports, qui est un vaste schéma de connexions entre les différentes parties de l’Europe au moyen de dix corridors. En tant qu’axe de franchissement des Alpes, elle constitue un élément clé du corridor transeuropéen méditerranéen reliant la péninsule ibérique à l’Europe centrale et orientale, en faisant communiquer des bassins économiques majeurs en Europe.

Pour l’Union européenne, la liaison Lyon-Turin est un élément de compétitivité et d’emploi, car elle est un facteur de développement des échanges commerciaux et économiques entre les régions qu’elle dessert et traverse. Cela explique d’ailleurs pourquoi l’Europe finance une bonne partie du projet, à hauteur de 40 %.

Je terminerai en évoquant rapidement la question plus délicate du financement de cette infrastructure. Si le protocole additionnel certifie le coût du tunnel à hauteur de 8, 3 milliards d’euros, les modalités de financement de la part française ne sont toujours pas précisément arrêtées, même si M. le secrétaire d’État nous a donné quelques éléments dans son intervention.

Il est difficile d’engager des crédits pour ce genre de grand projet d’infrastructure dans le contexte budgétaire que l’on connaît. La Cour des comptes a ainsi émis des doutes sur la rentabilité socio-économique du projet et a pointé son coût pour les finances publiques. Je voudrais à cet égard saluer le travail de Michel Destot et Michel Bouvard, qui ont travaillé à trouver des pistes de financements complémentaires aux crédits budgétaires qui seront mobilisés via l’AFITF.

Le tout reste sans doute à consolider. Souhaitons que ce projet finisse par trouver sa voie et son financement.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ferai trois réflexions.

La première est que ce débat se tient à un moment particulier. À quelques semaines de l’élection présidentielle, il est bon de rappeler que ce projet a vu l’engagement de quatre chefs d’État – François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande –, dans une belle continuité républicaine. Ce projet a donc fait l’objet d’un large consensus au regard des enjeux. Je tiens d’ailleurs à remercier Manuel Valls, qui a bien voulu consacrer quand il était Premier ministre ce consensus républicain en nous confiant, à Michel Destot et moi-même, une mission sur le financement du projet.

Ce débat intervient également après plusieurs semaines de pollution persistante dans les vallées alpines, la vallée de l’Arve et la cluse de Chambéry notamment. La part du trafic routier dans ce phénomène n’est niée par personne.

Deuxième réflexion : il nous est donné aujourd’hui d’autoriser l’approbation d’un accord auquel il n’y a pas d’alternative. Je voudrais essayer de convaincre les membres du groupe écologiste sur ce point, car constater qu’ils sont les seuls à partager avec le Front national l’idée selon laquelle il y aurait des alternatives me peine.

Il n’y a pas d’alternative, mes chers collègues, sauf à considérer que les échanges entre la France, l’Italie et les Balkans sont marginaux ; sauf à admettre le déclin des ports français au bénéfice de l’hinterland des ports allemands et de l’Europe du nord, qui ne peuvent que se renforcer au travers des liaisons ferroviaires réalisées sur les axes nord-sud, entre la Suisse et l’Italie par exemple, ou entre l’Autriche et l’Italie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les enjeux européens ont été rappelés par les précédents orateurs.

Il n’y a pas d’alternative, parce que la ligne historique, conçue par Benso di Cavour et financée par le seul petit royaume de Piémont-Sardaigne alors qu’il se trouvait, au lendemain de la défaite de 1848, dans un état financier déplorable, quand nous disposons, nous, des financements de l’Union européenne et de deux de ses principaux États, passe à 1 300 mètres d’altitude, a des pentes de 33 ‰ et ne permet de convoyer que des trains de 1 600 tonnes maximum, avec trois locomotives et à 30 kilomètres par heure ! C’est un non-sens économique, surtout si l’on veut développer le report modal !

Il n’y a pas d’alternative, parce que le trafic routier continue à exploser. L’an dernier, nous avons battu le record de 2008 du nombre de passages de voitures à Vintimille. La hausse est d’ailleurs générale pour le dernier semestre : elle est de 7 % à Vintimille, de 5 % pour le tunnel de Fréjus, de 2 % pour le tunnel du Mont-Blanc.

Ma troisième réflexion porte sur le financement de ce projet. Il est urgent de crédibiliser le financement français. Notre part se monte à 25 % du projet total, soit un effet de levier de un pour quatre, ratio que nous ne connaissons pour aucune infrastructure, et ce alors même que la ligne se trouverait à 80 % sur le territoire français.

Le 29 juillet dernier, en Maurienne, le Premier ministre a annoncé le financement du Fonds pour le développement d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin, le FDPITMA.

Il faut désormais que nous achevions le chantier de l’eurovignette. Un mauvais signal a été envoyé quand la base de l’écotaxe, telle qu’elle figurait encore dans le projet de loi de finances rectificative, a été supprimée. Cela doit être corrigé. Il est impératif que le dispositif de l’eurovignette soit mis en place, comme cela a été fait en Autriche pour le financement du tunnel du Brenner, en asseyant ce dispositif sur un financement reposant sur des prêts de mobilité verte, permis par le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous devons crédibiliser définitivement la parole de la France et assumer nos engagements européens, monsieur le secrétaire d’État, et je remercie par avance tous ceux qui apporteront leur soutien à ce projet essentiel pour notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (ensemble un protocole additionnel signé à Venise le 8 mars 2016 et un règlement des contrats), et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signée le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Claude Lenoir, Ladislas Poniatowski, Daniel Laurent, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Roland Courteau, Franck Montaugé et Jean-Pierre Bosino.

Suppléants : M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Marc Daunis, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mmes Élisabeth Lamure et Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro (projet n° 173, texte de la commission n° 314, rapport n° 313).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, qui est soumis à l’examen du Sénat, est important puisqu’il concourt à nos efforts de stabilisation des Balkans occidentaux.

Après les adhésions à l’OTAN de la Slovénie en 2004, de la Croatie et de l’Albanie en 2009, celle du Monténégro sera un gage de stabilité pour cette région, stabilité qui reste un enjeu de première importance pour la sécurité européenne dans son ensemble.

Notre pays a dans ce domaine une responsabilité particulière, liée à l’histoire et au rôle qui a été le sien dans les Balkans au cours des vingt dernières années, responsabilité qu’il assume aujourd’hui pleinement dans le cadre des processus de coopération régionale et de dialogue, le processus de Brdo-Brioni, d’une part, et de Berlin, d’autre part.

Le succès du sommet des Balkans occidentaux qui s’est tenu à Paris le 4 juillet dernier dans le cadre du processus de Berlin, à l’invitation du Président de la République, en a été une illustration.

Le Monténégro, dès le lendemain de son indépendance, en juin 2006, a signifié sa volonté de se rapprocher de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et d’en devenir membre. Il a été invité par les alliés, en décembre 2009, à rejoindre le plan d’action pour l’adhésion, qui donne le statut officiel de candidat et engage formellement le processus d’adhésion.

Dans le cadre d’un dialogue étroit avec l’OTAN, le Monténégro a conduit de nombreuses réformes. Il a fait d’importants efforts en matière de modernisation des forces armées et de réforme du secteur de la sécurité et du renseignement, comme l’ont souligné plusieurs rapports de progrès de l’OTAN. L’effort de défense du pays a été porté à 1, 7 % du PIB, légèrement en deçà de l’objectif de 2 % que se sont fixé les alliés lors du sommet du Pays de Galles en septembre 2014.

Le Monténégro a également conduit des réformes dans le domaine de la justice, pour renforcer l’indépendance du système judiciaire, intensifier la lutte contre la criminalité organisée et la corruption et assurer l’État de droit.

Ces progrès ont été salués lors des sommets de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012. Le sommet du Pays de Galles de septembre 2014 a ouvert un dialogue renforcé avec le Monténégro en vue de permettre aux alliés de se prononcer, à la fin de l’année 2015, sur l’opportunité d’une adhésion à l’OTAN.

Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN des 1er et 2 décembre 2015, les alliés ont donc pris par consensus la décision d’inviter le Monténégro à engager d’ultimes pourparlers en vue de son adhésion.

Cette démarche a abouti, le 19 mai 2016, à la signature par les États membres de l’OTAN du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro. Le Monténégro a alors obtenu le statut de pays invité et a pu ainsi participer au sommet de l’OTAN à Varsovie, en juillet 2016.

La ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro permettra à ce pays de devenir le vingt-neuvième allié de l’OTAN. Vingt et un des vingt-huit membres de l’Alliance atlantique ont d’ores et déjà ratifié ce protocole.

Pour la France, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN sera bénéfique, car ce pays joue un rôle important dans la région des Balkans occidentaux.

Le Monténégro a recouvré son indépendance, perdue après la Première Guerre mondiale, le 3 juin 2006, en se séparant pacifiquement, par référendum, de la communauté de Serbie-et-Monténégro. Son indépendance a été reconnue immédiatement par l’ensemble de la communauté internationale et, je veux y insister, le Monténégro n’est en litige territorial ou diplomatique avec aucun de ses voisins. Il est au contraire un élément moteur de la coopération régionale dans les Balkans.

Malgré sa taille modeste, la contribution du Monténégro à la sécurité de l’Alliance sera réelle. Entre l’Albanie et la Croatie, ce pays assurera un continuum géographique le long de l’Adriatique, qui a son importance stratégique en matière de défense collective. Ce point était particulièrement important pour nos alliés de la zone.

Le Monténégro participe d’ores et déjà comme partenaire, à la mesure de ses moyens, à plusieurs opérations de stabilisation : Resolute Support en Afghanistan pour l’OTAN, mais aussi EUNAVFOR Atalanta et EUTM Mali dans le cadre de l’Europe de la défense, et aux côtés des armées françaises. Son adhésion s’inscrira donc dans la continuité de cet engagement.

Concernant la politique de l’OTAN en matière d’élargissement, je tiens à rappeler que l’ouverture du processus d’adhésion au Monténégro s’est faite dans le cadre d’un accord plus large entre alliés sur le traitement des questions d’élargissement de l’OTAN.

C’est dans le cadre de cet accord que la France s’est assurée, en amont du sommet de Varsovie, que l’invitation faite au Monténégro ne serait pas le signal d’un élargissement non maîtrisé. Pour la France, l’adhésion du Monténégro n’ouvre en aucun cas la voie à une relance générale de la politique dite « de la porte ouverte ».

Pour la France, l’élargissement de l’OTAN n’est aujourd’hui ni une priorité ni une fin en soi. Il ne peut s’envisager que dans la mesure où il renforce effectivement la sécurité de l’espace euro-atlantique et la crédibilité de la défense collective. Il relève par ailleurs, je tiens à le rappeler, d’une décision souveraine des pays souhaitant rechercher l’adhésion, qu’il revient ensuite à l’Alliance d’accepter ou non. Nul État tiers n’a de droit de regard sur cette décision.

Ainsi, nous avons accepté de considérer les mérites propres du Monténégro, mais nous avons veillé à ce que soit parallèlement adoptée une série de conditions destinée à d’autres pays candidats, pour l’adhésion desquels il n’existe pas aujourd’hui de consensus.

L’accord entre alliés sur ce point, dont les principes ont été repris dans le communiqué du sommet de Varsovie, précise bien que l’attribution d’un plan d’action pour l’adhésion reste une étape incontournable pour la Géorgie ; que c’est aux pays candidats de prendre les mesures nécessaires s’ils souhaitent avancer sur la voie de l’adhésion, et non aux alliés de renoncer aux conditions posées ; que les candidatures seront évaluées, en priorité, à l’aune de la capacité des candidats à assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre et, en particulier, à contribuer à la sécurité de l’espace euro-atlantique.

Rappelons-nous qu’au lendemain de la guerre froide, l’élargissement de l’OTAN a été un facteur de renforcement de la sécurité du continent européen. Une forte demande de stabilité et de sécurité émanait des ex-pays membres du pacte de Varsovie. Tout comme l’Union européenne, l’Alliance y a répondu en définissant des modalités d’accession flexibles. L’objectif était de contribuer à une vaste architecture de sécurité européenne, où les processus d’élargissement de l’OTAN et de l’Union européenne étaient perçus comme complémentaires, tout en étant clairement distincts.

Vingt-cinq ans plus tard, nous continuons de refuser l’idée d’un partage de l’Europe en sphères d’influence, comme celle d’un droit de regard extérieur sur le processus d’adhésion. La dégradation durable de notre environnement stratégique a cependant conduit l’OTAN à reconsidérer les perspectives d’élargissement actuelles. Nos partenaires comprennent bien désormais que les candidats à l’adhésion doivent être considérés, en premier lieu, en fonction de leur capacité à contribuer à notre défense collective et de la capacité de l’OTAN à garantir leur sécurité.

Voilà en résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux de la ratification de ce protocole.

L’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien des décisions que l’Union européenne pourra prendre s’agissant de l’adhésion du Monténégro à l’Union européenne, dont la procédure suit son cours et pour laquelle les critères d’accession sont différents, même si certains peuvent se recouper.

Je vous invite donc à juger ce projet de loi pour ce qu’il est : un développement circonscrit au cas du Monténégro, dont l’adhésion à l’OTAN sera positive pour la stabilité des Balkans occidentaux.

Telles sont les principales observations qu’appelle le protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République du Monténégro, qui fait l’objet du projet de loi proposé à votre autorisation, après celle donnée le 1er décembre dernier par l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, peu après son indépendance, recouvrée en 2006 après des années d’intégration dans l’ensemble yougoslave puis d’union avec la Serbie, le Monténégro a fait part de son souhait de rejoindre la communauté euro-atlantique, souhait également manifesté par sa candidature à l’Union européenne. Pour ce pays multiethnique et multiconfessionnel, qui se situe dans une zone de turbulences, il s’agit avant tout de garantir sa sécurité et sa stabilité.

De fait, l’accession du Monténégro à l’Alliance atlantique s’inscrit dans la politique dite « de la porte ouverte » appliquée à l’égard des pays de l’est de l’Europe après la fin de la guerre froide, et dont l’objectif était d’abord politique : il s’agissait d’œuvrer à la stabilité de la zone euro-atlantique, en promouvant dans ces pays la paix, la liberté et la démocratie.

Le Monténégro fait partie de la dernière vague d’élargissement de l’OTAN, lancée à l’occasion du sommet de Bucarest de 2008, et dont la mise en œuvre, convenons-en, s’est avérée problématique. Si l’Albanie et la Croatie sont assez rapidement parvenues à l’adhésion, le Monténégro est aujourd’hui le seul pays parmi les autres candidats – l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie – à remplir les conditions pour devenir membre de l’OTAN.

Certes, il ne s’agit pas d’idéaliser ce pays, qui a encore des progrès à accomplir, notamment en tant qu’État de droit et en matière de lutte contre la corruption. Le Monténégro n’en a pas moins franchi avec succès les différentes étapes du processus d’adhésion, depuis le plan d’action pour l’adhésion obtenu en décembre 2009 jusqu’à l’engagement de négociations d’adhésion auxquelles les alliés ont donné le feu vert en décembre 2015.

Il faut également souligner qu’il a enregistré des avancées dans de nombreux domaines, dans le cadre de sa candidature à l’Union européenne.

D’un point de vue militaire, il faut l’admettre, sa contribution financière au budget de l’Alliance sera modeste. Néanmoins, ce pays compte augmenter son effort de défense dans les années à venir, tant pour renforcer les effectifs de ses forces armées que pour renouveler ses équipements militaires, ses priorités de modernisation étant définies en fonction des objectifs d’intégration à l’OTAN.

En outre, le Monténégro prend activement part aux opérations extérieures, dans le cadre de l’OTAN, avec une contribution à l’opération Resolute Support en Afghanistan, ou dans celui de l’Union européenne, avec notamment une participation à l’opération Atalanta de lutte contre la piraterie.

Il faut souligner à cet égard la sensibilité maritime que le Monténégro est susceptible d’apporter à l’Alliance atlantique, qui pourrait s’avérer utile pour le traitement des problématiques méditerranéennes, comme la question des migrants.

Enfin, d’un point de vue stratégique, l’entrée du Monténégro dans l’OTAN permet d’établir une continuité dans la défense européenne sur la côte Adriatique, en complétant le chaînon manquant entre la Croatie et l’Albanie. Intégrer à l’OTAN ces deux pays et négliger la dent creuse que représentait dans la zone le Monténégro aurait été un non-sens, d’autant qu’il remplit désormais les conditions posées par l’Alliance.

Si elle paraît ainsi pouvoir être justifiée par des raisons objectives, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN n’en reste pas moins une question discutée, tant sur le plan interne que sur le plan international.

Pour une partie de l’opinion publique monténégrine, marquée par les bombardements de l’OTAN contre la Serbie, cette adhésion ne va pas de soi. La question a même été l’un des mots d’ordre des manifestations organisées contre le pouvoir à l’automne 2015. Elle a également occupé une large place dans les débats qui ont précédé les élections législatives du 16 octobre 2016, qui se sont accompagnées d’une tentative de déstabilisation du pouvoir. Ces élections n’en ont pas moins été largement remportées par des formations favorables à l’accession à l’OTAN.

Par ailleurs, on ne saurait davantage occulter, dans le contexte stratégique actuel, les difficultés que suscite l’adhésion du Monténégro à l’OTAN dans nos relations avec la Russie. Plus que les intérêts économiques et les liens culturels liés à la présence d’une forte minorité slave qu’entretient la Russie dans ce pays, c’est surtout la perspective d’un nouvel élargissement de l’OTAN, dans un contexte de tensions exacerbées avec cette organisation qui explique la réaction russe.

En effet, la Russie considère que l’expansion de l’OTAN constitue une menace directe pour sa sécurité. Selon la dernière version de la doctrine militaire russe, il s’agit même du premier danger militaire auquel la Russie est susceptible de faire face.

Comme l’ont souligné nos excellents collègues Robert del Picchia, Josette Durrieu et Gaëtan Gorce dans leur rapport de 2015 sur les relations avec la Russie, l’élargissement à l’est de l’OTAN, concomitamment avec celui de l’Union européenne, constitue l’une des causes de la détérioration, ces dernières années, des relations entre la Russie et les pays occidentaux, détérioration que la crise ukrainienne n’a fait qu’aggraver. Toutefois, s’agissant du Monténégro, pays de 620 000 habitants qui, de surcroît, ne borde pas les frontières russes, cette réaction relève davantage d’une position de principe qu’elle ne traduit un réel enjeu stratégique.

Après un débat approfondi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est donc finalement prononcée pour la ratification du protocole d’adhésion du Monténégro à l’OTAN. Il s’agit en effet de ne pas décevoir les attentes d’un pays méritant, qui s’est résolument engagé dans cette voie et en a franchi avec succès les différentes étapes, de conforter un pôle de stabilité dans les Balkans au bénéfice des pays voisins, et de compléter l’arc de sécurité de l’OTAN sur la côte Adriatique.

Par ailleurs, il serait particulièrement malvenu, à l’heure où l’OTAN et l’Europe sont fragilisées par les déclarations du nouveau président américain, de mettre à mal l’unité de l’OTAN en rejetant ce texte alors qu’une grande majorité d’États alliés l’ont déjà ratifié. Cela constituerait un signe de faiblesse et la France en porterait la lourde responsabilité.

En revanche, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère que, après cette adhésion, qui, soulignons-le, n’est en aucune manière dirigée contre la Russie, un terme doit être mis à la dynamique d’élargissement de l’OTAN ; l’adhésion à l’Alliance atlantique de pays comme la Géorgie, l’Ukraine, la Serbie représente pour la Russie une ligne rouge.

Il est à cet égard nécessaire de poursuivre les efforts de dialogue et de coopération avec la Russie dans le cadre du conseil OTAN-Russie, qui, après avoir suspendu ses activités du fait de la crise ukrainienne, a tenu trois réunions durant l’année 2016, ce qui est un signe encourageant. Seul le dialogue peut permettre de diminuer les tensions qui se manifestent actuellement à l’est de l’Europe.

Enfin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité rappeler que l’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien de son adhésion à l’Union européenne. Sous ces réserves, elle a adopté ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons prévoit l’intégration dans l’OTAN d’un vingt-neuvième pays, le Monténégro.

Cette intégration s’inscrit dans la stratégie développée depuis 1999 par l’OTAN et consistant à s’étendre à l’est de l’Europe. L’adhésion du Monténégro n’est qu’une étape supplémentaire de cette politique expansionniste, dans la continuité de l’intégration de douze autres pays de l’Europe orientale, multipliant ainsi les initiatives conduisant à l’isolement de la Russie et les tentatives d’implantation de matériel militaire dans les pays frontaliers.

Cette dynamique, entamée malgré les accords signés avec Mikhaïl Gorbatchev en 1990 puis avec Boris Eltsine en 1997, prend encore plus d’importance pour l’organisation atlantique maintenant que le pouvoir de Vladimir Poutine se renforce.

Cette volonté d’isoler la Russie en renforçant les positions de l’OTAN sur le flanc oriental vise en réalité à revenir à une logique de guerre froide. Soutenir ce projet revient à prendre le risque de nous entraîner dans une spirale de tensions, de provocations et de course à l’armement.

Cette stratégie est si dangereuse que le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Stenmeier, s’inquiète d’un tel projet et a affirmé : « Celui qui croit augmenter le niveau de la sécurité avec des parades de chars sur le front est de l’Alliance se trompe. » Force est de constater que l’OTAN est restée crispée sur une logique désuète d’affrontement Est-Ouest, alors que le monde est incontestablement devenu multipolaire.

Après le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et l’adoption du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Paris sur l’OTAN, la France a renoncé à son indépendance sur la scène internationale et notre diplomatie s’est inscrite dans une vision atlantiste.

Or la promotion d’idéaux de paix et de coopération internationale est inconciliable avec le soutien à une organisation qui impose à ses membres une course aux armements tout en se dédouanant des résolutions de paix de l’ONU.

À l’heure où les États-Unis, qui dirigent l’OTAN et sont toujours dépositaires du traité de Washington, viennent d’élire un président souhaitant revenir sur l’article 5 du traité et sur le principe d’assistance mutuelle face aux menaces, il est temps pour la France de retrouver une voix indépendante dans le concert des nations. Notre pays a vocation à défendre un monde multipolaire en s’appuyant sur ses valeurs de défense des droits de l’homme partout dans le monde et en agissant en faveur d’une coexistence pacifique entre les peuples.

L’ONU a plus que jamais, en tant qu’organisation de paix et de sécurité mondiale, un rôle fondamental à jouer dans ce nouvel ordre international. Elle doit s’affirmer comme l’instance par excellence de médiation et de règlement des conflits internationaux, et la France doit agir en ce sens.

Persuadés que la résolution des conflits doit s’appuyer sur la politique et les résolutions de l’ONU, convaincus que la politique de course à l’armement de l’OTAN ne peut que conduire à la multiplication des conflits, les membres du groupe CRC voteront contre l’intégration du Monténégro dans l’OTAN.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

L’entrée du Monténégro au sein de l’OTAN s’inscrit dans la poursuite de la politique dite « de la porte ouverte » pratiquée à l’égard des pays de l’est de l’Europe. Une dynamique d’intégration politique, et non militaire, rappelons-le, avait été engagée en faveur des pays issus du pacte de Varsovie. L’entrée en vigueur du protocole signé à Bruxelles avec le Monténégro le 19 mai dernier s’inscrit dans cette logique en ouvrant l’OTAN à un État des Balkans occidentaux.

Bien que ce pays soit de taille modeste et très peu peuplé, son adhésion à l’OTAN peut faire débat. Toutefois, on ne peut pas nier que le Monténégro a franchi avec succès les étapes du processus. Tout d’abord, le sommet du Pays de Galles de 2014 a souligné que, depuis 2009, le Monténégro avait progressé dans l’application du MAP, le plan d’action pour l’adhésion.

Ensuite, le Monténégro participe déjà à une mission de l’OTAN en Afghanistan.

En outre, si l’intérêt d’une adhésion à l’OTAN est seulement jugé selon la capacité du pays candidat à contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord, on ne peut pas occulter les aspects relatifs à l’État de droit ; or, sur ce point, quelques indicateurs, issus des négociations d’adhésion à l’Union européenne en cours depuis 2012, témoignent d’une progression des acquis démocratiques. Tout n’est pas parfait, loin de là, mais la volonté du Monténégro de rejoindre l’Europe l’oblige à avancer sur les vingt-quatre chapitres ouverts dans le cadre de la « nouvelle approche », celle-ci reposant, je le rappelle, sur des exigences fortes en matière d’État de droit et de lutte contre la criminalité organisée.

Enfin, toujours du point de vue du processus d’adhésion, j’ajoute qu’une majorité de la population monténégrine l’approuve. Depuis les dernières élections de 2016, la majorité du Parlement est constituée de partis favorables à l’adhésion du Monténégro à l’OTAN.

Pour autant, si l’adhésion paraît fondée, on ne peut pas écarter la question de l’impact de cette nouvelle adhésion sur nos relations avec Moscou, qui voit dans la politique d’élargissement de l’OTAN vers l’est une stratégie de confinement de son pays. Si le cas du Monténégro peut encore passer, nous savons qu’il en sera autrement pour d’autres candidats, en particulier la Géorgie, l’Ukraine et la Serbie.

Ainsi, puisque dix-neuf des vingt-huit États membres de l’Alliance ont procédé à la ratification du protocole, la France ne peut pas envoyer un mauvais signal ; de plus, compte tenu des avancées que j’ai indiquées, j’approuverai le projet de loi.

Cela étant dit, il n’est pas interdit, monsieur le secrétaire d’État, de poser quelques conditions à cette adhésion et de les relayer sur le plan diplomatique. Je pense en particulier au fait de fixer une limite à l’élargissement et d’éviter la surenchère d’entraînements militaires aux frontières avec la Russie.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’exception de quelques abstentions, le RDSE approuvera dans sa majorité le présent projet de loi.

M. Christian Cambon, vice-président de la commission, M. Xavier Pintat, rapporteur, et M. Jean-Marie Bockel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Monténégro a déclaré, après une consultation référendaire, son indépendance voilà onze ans. L’enjeu du projet de loi dont l’examen nous réunit ce matin consiste donc à affirmer l’ancrage démocratique, libéral, au sens premier du terme, et occidental de ce pays d’Europe orientale.

Le Monténégro a réalisé en une décennie un travail important pour affirmer son autonomie et sa viabilité en tant que nation indépendante. Les dernières élections législatives, tenues en octobre 2016, semblent avoir entériné cette évolution par la défaite de l’opposition, hostile à l’adhésion à l’OTAN. Cette opposition est d’ailleurs pleinement associée à la vie politique du pays dans un cadre institutionnel qui avance à grands pas vers les standards modernes de la démocratie. Dans cette région, cela doit être souligné.

À cet égard, je rappelle que le Monténégro, qui a affirmé son souhait d’adhérer à l’Union européenne dès 2008 est officiellement entré en négociation avec l’Union européenne il y a un peu plus de quatre ans. À ce stade, les principaux chapitres de négociation ont été ouverts. Le dialogue semble être constructif. Il s’accompagne d’ailleurs déjà d’un plan de soutien financier. Toutefois, M. le rapporteur l’a bien indiqué à l’instant, il s’agit d’un sujet distinct, d’un élément de contexte.

Au-delà de la reconnaissance symbolique de la maturité de l’État du Monténégro dans le concert européen, cette adhésion présenterait un double avantage. Pour l’OTAN, intégrer le Monténégro facilite le travail de stabilisation des tensions récurrentes dans les Balkans – nous sommes plusieurs, sur diverses travées, à siéger à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et nous y constatons que les choses sont mûres du point de vue parlementaire et démocratique. Pour le Monténégro, cette adhésion est un stimulus indéniable pour la modernisation de son outil de défense. Nous sommes ainsi confrontés à un accord clairement gagnant-gagnant.

Cet accord est d’autant plus stratégique sur le plan de la pure géopolitique que l’adhésion du Monténégro permettrait d’assurer la continuité territoriale de l’Alliance sur la côte Adriatique, de l’Albanie à la Croatie, tout en ouvrant des capacités d’intervention pour l’Alliance au Kosovo, en Bosnie et en Serbie.

Cette adhésion doit néanmoins nous conduire à une réflexion sur l’OTAN, son rôle et son périmètre géographique. Notre commission a beaucoup travaillé sur les enjeux stratégiques en Europe orientale. Nos conclusions nous amènent à considérer que l’OTAN ne saurait désormais s’étendre dans la région au-delà du Monténégro, sauf à constituer une provocation à l’égard de notre voisin russe, qui voit dans l’OTAN, aujourd’hui encore, une menace pour sa sécurité.

Dans ces conditions, il semble urgent de veiller, en Europe orientale, à la stabilisation des frontières de l’Alliance afin de ne pas nous engager dans des mécaniques contraires à la garantie de la sécurité collective en Europe.

En ce qui concerne, plus généralement, le rôle de l’OTAN, le repli américain, auquel nous pouvons désormais nous attendre et qui a d’ailleurs été engagé avant même l’arrivée de M. Trump à la présidence, nous oblige à trouver une voie spécifiquement européenne pour donner corps à la défense continentale, tant à l’intérieur de l’OTAN qu’à ses côtés. Nous ne sommes évidemment pas dans la naïveté : nous devons réfléchir à ce sujet, et je profite de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, pour vous interroger sur cette question.

Quoi qu’il en soit, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN.

Applaudissements au banc des commission s .

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, qui nous occupe aujourd’hui, intervient dans un contexte particulièrement compliqué, tant pour l’Union européenne et sa cohésion que pour les relations transatlantiques et l’incertitude dans laquelle elles se trouvent.

D’une part, les propos virulents tenus par Donald Trump contre le modèle européen, mais également contre l’OTAN nous obligent à nous interroger sur le futur positionnement stratégique des États-Unis.

D’autre part, dans le contexte de tensions exacerbées que nous traversons, notamment pour ce qui touche aux relations entre l’Union européenne et la Russie, l’intégration du Monténégro au sein de l’OTAN est-elle pertinente et souhaitable ? Si son impact est jugé relativement limité, la question des répercussions de cette adhésion et du message qu’elle tend à véhiculer se pose tout de même, surtout quand on sait que la Russie a qualifié cette intégration de « provocation » et que l’on connaît les relations étroites qu’elle entretient avec le Monténégro.

Il ne faut évidemment pas fermer la porte à toute évolution positive pour le Monténégro, marqué aujourd’hui encore par la corruption et la criminalité organisée, et les partenariats existants à la fois avec l’OTAN au travers du partenariat pour la paix et avec l’Union européenne au travers du partenariat oriental poussent le pays à se réformer non seulement militairement, mais aussi du point de vue de l’État de droit et doivent, selon nous, être poursuivis et renforcés.

Cela dit, c’est la stratégie de fond que sous-tend ce protocole qui appelle notre attention, dans la mesure où celui-ci vise à asseoir un peu plus la primauté de l’OTAN au détriment d’une défense européenne.

S’il faut bien évidemment reconnaître que l’OTAN est l’une des seules coalitions internationales où les armées aient réussi à coopérer, l’expérience récente d’une divergence fondamentale d’intérêts entre ses différents membres soulève la question de la pertinence d’un élargissement.

La défense de l’Union européenne est aujourd’hui clairement déléguée à l’OTAN. Or l’Union doit assumer les responsabilités incombant à un acteur politique et économique de son rang. Il ne peut revenir aux États-Unis ni de nous protéger contre l’éventualité tragique d’une guerre ni de présider aux choix européens en matière de défense.

Dans le contexte géopolitique changeant et incertain dans lequel nous vivons, pouvons-nous encore faire l’économie d’une relance de la défense européenne ? Alors que le modèle européen est en proie à des déstabilisations de toute part, n’est-il pas temps de dépasser les déclarations d’intentions et d’avancer concrètement sur ce dossier ? Je n’ai de cesse de rappeler devant vous la nécessité que l’Europe soit un acteur politique stratégique autonome, mettant son influence au service du système de sécurité collective et de la prévention ou la résolution des conflits.

Pour ce faire, nous devons impérativement actualiser la stratégie européenne de sécurité, encourager un consensus politique en matière de défense et poursuivre la création et la mutualisation d’une base industrielle et technologique de défense européenne.

Considérant que l’OTAN reste aujourd’hui un frein réel et durable à la défense européenne, le groupe écologiste s’abstiendra.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés ce matin à examiner le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro.

Après les adhésions à l’OTAN de la Bulgarie et de la Slovénie en 2004, puis celles de la Croatie et de l’Albanie en 2009, celle du Monténégro sera un gage de stabilité pour la région des Balkans occidentaux.

L’intérêt de la France est que le Monténégro, comme tous les États des Balkans, se modernise et contribue à notre sécurité collective, notamment au travers de la lutte contre la corruption, le blanchiment et le crime organisé en vigueur sur son territoire. Son entrée dans l’OTAN lui permettra d’achever son processus de réformes démocratiques, institutionnelles et judiciaires en cours. Nous saluons cette démarche.

Le Monténégro est un élément moteur de la coopération régionale dans les Balkans. Malgré sa taille modeste, il contribuera à la sécurité de l’Alliance en assurant le long de l’Adriatique un continuum géographique entre l’Albanie et la Croatie. Au niveau militaire, le pays a démontré son implication dans les missions de paix pilotées par l’Union européenne, notamment au Mali et en République centrafricaine. Il a également participé à plusieurs opérations en Afghanistan.

Il faut aussi rappeler que le Monténégro a fait le choix de se tourner vers l’Europe depuis son accession à l’indépendance, en 2006, en adoptant l’euro et en se portant candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Cette candidature a suscité un débat démocratique dans l’opinion publique monténégrine et a recueilli l’accord de plus de 60 % de la population.

Certes, au-delà du Monténégro et des Balkans, des craintes ou des critiques ont été exprimées, notamment de la part de la Russie, mais cet élargissement, contrairement à d’autres, ne représente pas un risque stratégique sérieux pour ce pays. En effet, le Monténégro n’a jamais été intégré au territoire russe ; il n’est donc pas dans la situation de l’Ukraine ou de la Géorgie. C’est la raison pour laquelle, si les autorités russes ont exprimé leur opposition à cet élargissement, elles ont également déclaré officiellement qu’elles respecteraient la décision du Monténégro.

Quant aux conséquences de cette adhésion sur la politique d’élargissement – plusieurs orateurs, dont notre rapporteur, l’ont souligné –, on s’est assuré, en amont du sommet de Varsovie, que l’invitation faite au Monténégro ne serait pas comprise comme le signe d’un élargissement non maîtrisé. L’adhésion du Monténégro n’ouvrira pas la voie à une relance générale de la politique dite « de la porte ouverte ».

Aussi, ni la République de Macédoine, ni la Bosnie-Herzégovine, ni la Géorgie, ni, enfin, l’Ukraine ne sont en mesure de rejoindre l’OTAN dans les conditions actuelles. En effet, au-delà des difficultés que vivent ces différents États, l’évolution du contexte stratégique a conduit l’Alliance à se recentrer sur sa mission de défense collective, reléguant au second plan les questions d’élargissement.

Enfin, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien des décisions que prendra, le moment venu, l’Union européenne puisqu’il n’y a pas d’automaticité entre ces deux processus.

Mes chers collègues, compte tenu de tous ces arguments, le groupe socialiste et républicain vous invite à adopter ce projet de loi afin de consolider la marche du Monténégro vers l’État de droit et la stabilité dans les Balkans ; sous réserve de quelques abstentions, dont celle de Mme Jourda, il votera lui-même ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprime sur le temps de parole du groupe Les Républicains, mais à titre personnel.

Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent rapport réalisé par notre collègue, Xavier Pintat, sur un sujet rendu complexe par un contexte diplomatique et stratégique difficile.

L’adhésion du Monténégro à l’OTAN peut paraître mineure au regard de la taille du pays et de son apport militaire et financier limité aux forces de l’Alliance atlantique. À titre d’exemple, seuls 1 850 hommes servent actuellement sous les drapeaux monténégrins. Sans vouloir sous-estimer les mérites de ses forces armées, on peut légitimement s’interroger sur la capacité réelle du Monténégro à contribuer à la sécurité de l’espace euro-atlantique, qui est pourtant, selon l’article 10 du traité de l’Atlantique Nord, l’un des critères devant présider à son élargissement.

Cela dit, au-delà de l’intégration du Monténégro en elle-même, qui ne changera évidemment pas la face de l’OTAN, c’est bien le contexte dans lequel elle s’inscrit qui la rend problématique ; je fais bien sûr référence à la dégradation des relations entre les pays occidentaux et la Russie.

À l’évidence, les agissements de Moscou en Ukraine exigeaient une réponse ferme et déterminée des Occidentaux, et tout particulièrement des Européens, car certaines lignes rouges ne sauraient être franchies sans conséquence. C’est pourquoi j’ai soutenu sans réserve la mise en œuvre et le maintien de sanctions à l’encontre de la Russie tant que les accords de Minsk ne seront pas intégralement appliqués sur le terrain.

Il n’est toutefois dans l’intérêt de personne de laisser perdurer des situations de tensions qui ne peuvent mener qu’à la surenchère et, finalement, à la montée des périls. La multiplication des démonstrations de force auxquelles nous assistons de la part de la Russie et de l’OTAN ces derniers mois en est le signe évident.

On le sait, la Russie a une opposition de principe à tout élargissement de l’Alliance atlantique, qu’elle perçoit comme un encerclement portant directement atteinte à sa propre sécurité. Qu’il s’agisse ou non d’une surinterprétation des menaces qui pèsent véritablement sur elle, l’expansion de l’OTAN est donc indéniablement une source de crispations avec Moscou.

Il ne s’agit bien évidemment pas de conférer à la Russie un quelconque droit de regard sur le processus d’élargissement de l’OTAN, qui appartient à ses États membres et à eux seuls, ni de souscrire à l’idée d’un partage de l’Europe en sphères d’influence. Cela dit, dans ce contexte tendu, les messages que nous envoyons sont particulièrement importants et l’adhésion du Monténégro, guidée par des considérations plus politiques que stratégiques, constitue bien un message fort. Dans l’esprit de ses promoteurs, cette démarche est avant tout destinée à la région des Balkans occidentaux, dont le cheminement sur la voie de la stabilité doit encore être consolidé.

Néanmoins, on ne peut pas ignorer que ce n’est pas de cette manière qu’elle sera interprétée par la Russie. Bien que le Monténégro ne représente pas pour elle le même enjeu stratégique et symbolique que des États tels que l’Ukraine, la Géorgie ou encore la Serbie, les liens économiques et culturels, mais aussi militaires qui lient ces deux pays sont anciens et puissants.

Même si les autorités russes ont déclaré qu’elles respecteraient la décision du Monténégro – c’est bien la moindre des choses, s’agissant du choix d’un État souverain –, cette adhésion est tout de même une étape supplémentaire dans l’expansion de l’OTAN et elle laissera nécessairement des marques dans notre relation avec la Russie.

À un moment où nous devrions avant tout chercher le rétablissement de relations constructives, cette initiative me paraît donc particulièrement inopportune. Par ailleurs, cette adhésion doit également nous interpeller du point de vue des perspectives qu’elle dessine concernant un autre processus d’intégration, l’adhésion à l’Union européenne.

En effet, l’adhésion à l’OTAN est généralement perçue comme un premier pas dans l’intégration à la communauté euro-atlantique, qui doit s’achever par une adhésion à l’Union européenne. Même s’il s’agit évidemment de deux processus totalement distincts juridiquement, force est de constater que les élargissements de l’OTAN menés depuis 1999 en Europe centrale et orientale ont tous débouché, sauf pour l’Albanie, sur une adhésion rapide à l’Union européenne.

Il serait tout à fait irresponsable que cette logique perdure et que le Monténégro interprète son éventuelle accession à l’OTAN comme le signal d’une accélération à venir de ses négociations avec l’Union européenne. Je pense que, sur ce point, nous sommes d’accord, mes chers collègues.

Disons-le d’emblée, nous ne pouvons donner aucune perspective d’adhésion au Monténégro, que ce soit à court ou à moyen terme.

La capacité d’absorption de l’Union européenne est aujourd’hui saturée, même s’agissant d’un petit pays. L’Union doit concentrer ses efforts sur la redéfinition de son projet et de son fonctionnement avant de songer à s’élargir. Évitons de reproduire les erreurs des années 2000 !

Surtout, le Monténégro est encore loin d’être prêt à une telle adhésion, aux niveaux démocratique, institutionnel, économique ou judiciaire. S’il est vrai qu’il s’est engagé sur la voie des réformes pour renforcer l’État de droit et lutter contre la criminalité organisée et la corruption, les progrès enregistrés à ce jour n’empêchent pas qu’il soit toujours très éloigné des standards européens en la matière. Le fait qu’il soit soumis, depuis le début des négociations d’adhésion, en 2012, à une « nouvelle approche », reposant sur des exigences renforcées, en dit long sur la réalité de ce pays, qui n’a connu aucune alternance politique depuis plus de vingt-cinq ans et qui reste marqué par des soupçons de collusion avec des réseaux délictueux.

Si la plus grande prudence doit prévaloir quant à la poursuite de la politique de la porte ouverte de l’OTAN, cela vaut donc encore davantage pour l’Union européenne. Je ne dis pas que le Monténégro ne pourra pas, un jour, rejoindre ces deux organisations, mais le contexte actuel, à la fois sur le plan international et sur le plan interne, devrait nous inciter à éviter toute précipitation.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, malgré toute la pertinence des analyses développées par notre rapporteur, je reste pour le moins circonspect quant à la perspective d’une adhésion du Monténégro à l’Alliance atlantique. Pour toutes les raisons que je viens de développer, je ne pourrai pas apporter mon soutien au projet de loi de ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je comprends les propos de mon estimé collègue Jacques Legendre, mais nous votons aujourd'hui sur une adhésion du Monténégro non pas à l’Union européenne, mais à l’OTAN !

Je voudrais insister sur l’importance politique de ce vote. On adresse beaucoup de reproches au Monténégro ; en particulier, on dit volontiers que la corruption y règne. Or un tout récent rapport de Transparency International spécifie que le Monténégro est certainement l’un des États les moins corrompus des Balkans, et même qu’il l’est moins que certains États membres de l’Union européenne…

Bien évidemment, des progrès doivent encore être réalisés, mais beaucoup a déjà été accompli. En particulier, des réformes ont permis de renforcer l’indépendance de la justice. Aujourd'hui, allons-nous donner un signal politique positif à un pays qui essaie de se réformer, qui consent des efforts, qui, bien qu’il ne compte que 2 000 soldats, contribue beaucoup plus, en proportion de sa population de 620 000 habitants, que certains autres pays à l’effort de défense, notamment en Afghanistan, ou allons-nous au contraire céder à une forme de pression exercée par Moscou et, peut-être, par Trump, en refusant l’admission du Monténégro dans l’OTAN ? Nous serions le premier pays à voter en ce sens…

Mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à voter en faveur de l’accession du Monténégro à l’OTAN.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays (projet n° 272, texte de la commission n° 308, rapport n° 307).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre a indiqué que chaque jour de cette fin de législature devait être un jour utile. Aujourd'hui, nous vous proposons d’adopter un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays.

C’est donc un jour important pour la lutte contre l’évasion fiscale, qui, tout au long du quinquennat, a été une priorité du Gouvernement. Le travail engagé depuis 2012 se poursuit aujourd’hui avec la ratification de cet accord, que l’on désigne souvent par l’acronyme « CBCR », pour country by country reporting, ou reporting pays par pays.

Vous qui participez de façon assidue aux travaux sur les projets de loi de finances connaissez bien ce sujet et vous souvenez sans doute, en particulier, que la loi de finances pour 2016 a institué une obligation, pour les plus grandes entreprises, de déclarer à l’administration fiscale la répartition pays par pays des bénéfices et des principaux agrégats économiques comptables et fiscaux. Mais, pour être pleinement efficaces, ces déclarations doivent être échangées automatiquement entre les administrations fiscales, pour que chaque pays puisse avoir une vision globale de l’activité, notamment, des multinationales.

C’est pourquoi Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, a signé le 27 janvier 2016, à Paris, cet accord multilatéral. Il l’a déjà été par cinquante États dans le monde.

Je tiens à remercier, en préambule, M. le rapporteur de son travail. Comme vous, monsieur Doligé, je considère que cet accord international est un jalon important. Je ne peux d'ailleurs que me réjouir que ce sujet essentiel transcende aujourd’hui les clivages partisans.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Rappelons tout de même que, lorsque nous avions introduit cette obligation pour les entreprises, certains parlementaires, surtout des députés, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… avaient saisi le Conseil constitutionnel de l’article 121 du projet de loi de finances pour 2016, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… estimant que cette disposition portait atteinte au principe d’égalité ou à la liberté d’entreprendre.

Dans sa décision, que j’ai encore relue ce matin, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition, jugeant qu’elle ne contrevenait ni au principe d’égalité ni à la liberté d’entreprendre, « pour autant que les informations transmises ne soient pas publiques ». Je reviendrai sur ce dernier point.

Lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2016, vos collègues députés avaient souhaité rendre le reporting public. J’avais alors demandé une seconde délibération, afin que cette disposition ne soit pas adoptée. Cela m’a valu des attaques personnelles indignes…

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… et a malheureusement masqué le fait que, dès la loi de finances initiale de 2016, nous avions instauré l’obligation du CBCR au bénéfice des seules administrations fiscales, craignant la fragilité constitutionnelle d’un reporting public, à juste titre comme l’a montré la décision du Conseil constitutionnel que je viens d’évoquer.

Pour autant, la France est favorable à un reporting public, dès lors qu’il sera la règle au sein de l’Union européenne. C’est la position que Michel Sapin a toujours défendue. Le reporting public sera constitutionnel dès lors qu’une directive européenne – laquelle, c’est un autre principe constitutionnel, prévaut sur la législation nationale – l’imposera.

M. André Gattolin le confirme.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

L’humilité commande de reconnaître que nous ne sommes pas encore parvenus au bout du chemin. Cela ne nous empêche pas de considérer que la France peut être fière de l’action qu’elle conduit en matière de lutte contre la fraude, tant au niveau national qu’au niveau international, pour au moins trois raisons.

Premièrement, nous avons obtenu des résultats extrêmement intéressants, pour ne pas dire exceptionnels, dans la lutte contre la fraude fiscale. Ces résultats sont en progression constante. Ainsi, en 2015, l’administration fiscale a redressé 21, 2 milliards d’euros de fraude, contre à peine 16 milliards d’euros, en moyenne, avant 2012. Les cinq plus gros redressements portent sur des multinationales, pour un montant de 3, 3 milliards d’euros. Cela démontre que la France dispose déjà aujourd’hui d’outils puissants pour redresser les manipulations de prix de transfert ou pour caractériser l’existence, sur son sol, d’un établissement stable imposable. En outre, contrairement à d’autres pays, nous ne négocions pas ! Nous sommes parvenus à faire rentrer 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État : c’est plus que les budgets de la justice, de la culture et de l’aide au développement réunis !

Deuxièmement, ces résultats, nous les devons à la mobilisation de moyens législatifs et humains pour repérer et redresser les fraudes. Depuis 2012, pas moins de quatre-vingts mesures législatives ont été prises pour lutter contre la fraude fiscale. Il y a eu la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il y a eu ensuite, Bernard Cazeneuve étant alors ministre chargé du budget, la création du service de traitement des déclarations rectificatives, le fameux STDR, dont l’action a permis de faire sortir de l’ombre près de 30 milliards d’euros d’avoirs cachés à l’étranger et d’encaisser plus de 7 milliards d’euros de droits et pénalités. Tous ces outils, ainsi, bien entendu, que la mobilisation au quotidien des administrations –Direction générale des finances publiques et Direction générale des douanes et droits indirects –, nous ont permis d’augmenter de près de 30 % le montant des redressements par rapport à 2009.

Troisièmement, si ces résultats s’amplifient encore demain, ce sera grâce au rôle joué par la France à l’échelle internationale depuis 2012. Nous pouvons être fiers de la mise en place de l’échange automatique d’informations financières à compter de 2017, qui mettra fin au secret bancaire et fiscal entre 101 pays à l’échéance du 1er janvier 2018. Nous pouvons aussi être fiers de l’accord de l’accord BEPS – Base Erosion and Profit Shifting - élaboré par l’OCDE et signé par les ministres des finances des pays membres du G20, pour la conclusion duquel la France a joué un rôle moteur. On ne peut que se réjouir, par ailleurs, de l’adoption, l’été dernier, de la directive européenne sur les rulings.

Je voudrais enfin répondre à certaines interrogations que l’accord peut susciter.

La première concerne son champ d’application. Toutes les entreprises, tous les groupes dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros seront concernés. À l’échelle mondiale, ce seuil permet de couvrir les 10 % d’entreprises multinationales qui réalisent environ 90 % du chiffre d’affaires mondial. Comme je l’ai dit, cinquante États ont déjà signé cet accord. Certes, les États-Unis ne l’ont pas fait, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… mais ils ont déjà mis en place une réglementation exigeant le dépôt d’une déclaration pays par pays – avec, il est vrai, une entrée en vigueur décalée de six mois. On ne peut qu’espérer que, malgré l’évolution du contexte international, les engagements pris par chacun seront respectés. Je souhaite cependant rappeler que le mécanisme subsidiaire nous autorise à demander les informations aux filiales présentes sur notre territoire si le pays où est implantée la maison mère ne nous les transmet pas.

Une deuxième interrogation concerne l’utilisation que pourraient faire les autres pays de ces informations. Sur ce point, l’accord prévoit des conditions strictes de réciprocité et de confidentialité. Bien entendu, nous veillerons particulièrement, avec l’ensemble de nos partenaires et avec l’OCDE, à ce que ces conditions soient respectées. Dans le cas contraire, nous suspendrions les échanges.

Enfin, une troisième interrogation concerne la demande, légitime, d’une transparence plus large, au-delà de la seule administration fiscale. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises, et le Conseil constitutionnel a finalement tranché comme je l’ai indiqué.

Doit-on s’arrêter là ? Bien sûr que non ! Un projet de directive est en cours de discussion à Bruxelles. La France souhaite qu’il soit adopté.

Au passage, je préciserai le point de vue du Gouvernement sur l’amendement déposé par le groupe CRC, visant à demander la remise d’un rapport sur l’application de ces échanges. Si le secret fiscal et la liberté d’entreprendre nous interdisent une transparence totale - une transparence qui, du reste, ne serait pas forcément souhaitable -, il est important que chacun puisse avoir confiance dans l’action de notre administration. Nous devons rendre des comptes. Je comprends donc la démarche des auteurs de cet amendement.

Au reste, je rappelle que, aux termes du paragraphe 3 de l’article 23 de la directive de 2011 sur l’assistance mutuelle, telle qu’elle a été modifiée par celle de 2016 sur l’échange automatique des déclarations pays par pays, nous allons devoir transmettre annuellement à la Commission européenne un questionnaire évaluant l’efficacité du dispositif. Je m’engage à ce que ces informations soient transmises à votre assemblée. Pour éviter de multiplier les rapports, je propose que ces informations soient présentées dans le rapport prévu à l’article 136 de la loi de finances pour 2011, qui porte sur les redressements internationaux, notamment sur les prix de transfert.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à autoriser l’approbation de cet accord, comme l’a fait, avant vous, l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'État, je veux d'abord vous féliciter d’avoir eu le courage de vous plonger, dès le matin, dans la relecture des décisions du Conseil constitutionnel !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

En toute indépendance, je tiendrai des propos assez proches des vôtres.

Au préalable, compte tenu des nombreux mécanismes de déclaration pays par pays proposés, je tiens à préciser le sujet dont nous traitons ce matin : il s’agit des déclarations pays par pays auxquelles sont soumises les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros et qui sont transmises à l’administration fiscale. Ce dispositif a été introduit en France par anticipation au travers de la loi de finances pour 2016. L’objectif est de connaître les différentes filiales des groupes d’entreprises multinationales et de révéler d’éventuelles discordances de localisation entre les activités et leur imposition. La lecture des déclarations pays par pays à destination des administrations fiscales intervient donc en amont d’une éventuelle enquête approfondie, afin de déterminer les dossiers prioritaires.

La déclaration pays par pays transmise à l’administration fiscale s’inscrit dans le cadre de l’action 13 du projet BEPS de l’OCDE, portant sur la documentation des prix de transfert. Afin de réduire les contraintes déclaratives pesant sur les entreprises, les États parties à la négociation sont convenus d’une déclaration unique auprès de l’administration fiscale du pays du siège pour un groupe d’entreprises, cette déclaration faisant ensuite l’objet d’un échange automatique entre autorités compétentes. Un accord international entre États parties est nécessaire pour parachever le fonctionnement du mécanisme et permettre aux services fiscaux français de récupérer les déclarations des entités ayant leur siège à l’étranger.

Tel est précisément l’objet de l’accord multilatéral signé à Paris le 27 janvier 2016. À l’instar de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers du 29 octobre 2014, cet accord a été conclu sur le fondement de la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale de 1988. Les principes que celle-ci garantit en matière de protection des données et de confidentialité lui sont donc pleinement applicables.

L’accord avait été signé, à la fin de l’année 2016, par quarante-neuf États, parmi lesquels neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des 500 plus grandes entreprises mondiales. Préférant conclure des accords bilatéraux, les États-Unis n’ont pas signé cet accord multilatéral.

Cet accord organise les modalités de l’échange automatique des déclarations pays par pays sous condition de réciprocité, sous l’égide du secrétariat général de l’OCDE. Il précise également les conditions d’utilisation des données contenues dans la déclaration. En particulier, si elle permet une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert, la déclaration ne peut servir de base à des ajustements. Elle permet une analyse de risque préalable, afin de définir des priorités. Une enquête approfondie, conduisant notamment à analyser la documentation exhaustive des prix de transfert, doit ensuite être effectuée pour procéder à un éventuel ajustement.

Par ailleurs, l’accord définit des procédures de consultation en cas de difficultés de mise en œuvre, comme la non-transmission des déclarations par un État partie ou une utilisation inappropriée des données. Une suspension temporaire ou définitive de l’échange automatique peut également être décidée par un État partie soit à l’égard d’un autre État partie, soit à l’égard de tous.

Au-delà de ces précisions, j’approuve la conclusion rapide d’un accord équilibré qui permettra une application complète du mécanisme de déclaration pays par pays dès les premières déclarations sur l’exercice 2016, dix-huit mois après leur date de dépôt, soit à compter du second semestre de 2018.

Plus largement, concernant la portée du mécanisme et du projet BEPS, je tiens à formuler à votre suite, monsieur le secrétaire d'État, trois observations.

Premièrement, il ne constitue qu’un des trois accords internationaux pouvant prévoir l’échange automatique des déclarations, avec les conventions fiscales bilatérales et les accords bilatéraux d’échange de renseignements fiscaux. Je souligne également que l’échange automatique des déclarations entre administrations fiscales des États membres de l’Union européenne est déjà prévu. Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 25 mai 2016, la directive modifiant la directive de 2011 et prévoyant l’échange automatique des déclarations pays par pays entre administrations fiscales, la transposition des dispositions en droit national devant intervenir avant le 4 juin 2017. Chaque année, les États membres devront transmettre à la Commission européenne une évaluation de l’efficacité de l’échange automatique des déclarations pays par pays, ainsi que les résultats pratiques obtenus.

Ce matin, lors de l’examen en commission de l’amendement déposé par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, j’ai déclaré vouloir demander en séance à M. le secrétaire d'État qu’il s’engage à transmettre cette évaluation, en prenant pour base juridique l’article 136 de la loi de finances pour 2011, issu, d'ailleurs, de l’adoption d’un amendement dont MM. Sapin et Eckert étaient cosignataires. Je prends donc bonne note, monsieur le secrétaire d'État, de l’engagement à communiquer cette évaluation au Parlement que vous venez de prendre.

Deuxièmement, un enjeu particulier réside dans la conclusion rapide d’accords bilatéraux avec les États qui n’ont pas signé le présent accord multilatéral et qui hébergent le siège de nombreux grands groupes d’entreprises internationales.

Alors que le consensus né des négociations du projet BEPS, cristallisé dans les recommandations des rapports finaux d’octobre 2015, doit être transposé dans le droit, il convient que tous les États s’engagent. Je pense particulièrement aux États-Unis, qui ont introduit la déclaration pays par pays dans leur droit interne pour les exercices ouverts à compter du 30 juin 2016. Selon les informations qui m’ont été transmises, les États-Unis ont proposé à la France d’engager les négociations préalables à la conclusion d’un accord bilatéral d’échange. Mais cette matière relève des prérogatives du pouvoir exécutif : le renouvellement de l’administration américaine ne peut qu’accentuer nos incertitudes sur la position réelle des États-Unis sur ce dossier. Or leur implication est indispensable à deux titres : pour récupérer les données des groupes américains, mais aussi pour ne pas menacer le consensus né des négociations sur le projet BEPS.

Troisièmement, le projet BEPS prévoit une clause de réexamen en 2020. Grâce à une mise en œuvre rapide, un premier retour d’expérience sera possible. Pour autant, le clivage qui existait, notamment, entre les pays hébergeant le siège de nombreux groupes et les autres, concernant les données à inclure dans la déclaration ou le seuil de chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises y seront assujetties pourrait à nouveau apparaître. Surtout, la volonté des États-Unis de privilégier la conclusion d’accords bilatéraux négociés au cas par cas par rapport à celle d’un accord multilatéral souligne la nécessité de faire preuve de vigilance dans la mise en œuvre de l’échange automatique. Cet aspect est d’autant plus important que le multilatéralisme, s’il symbolise une volonté commune, conduit à inclure des États pour lesquels l’étanchéité des barrières entre services fiscaux et entreprises publiques doit être encore éprouvée.

Sous le bénéfice des observations qui précèdent, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi de ratification sans modification, afin d’éviter une navette qui nous ferait inutilement perdre du temps en l’occurrence.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J’appelle chacun des orateurs à respecter son temps de parole, dans la mesure où je devrai suspendre la séance à treize heures trente précises, les questions d’actualité débutant à quinze heures.

La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons à notre tour le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord multilatéral sur le reporting pays par pays.

Signé à Paris il y a tout juste un an, sous l’égide de l’OCDE – saluons au passage le dynamisme de cette organisation internationale –, cet accord rassemble une cinquantaine de pays unis par la volonté de lutter plus efficacement contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices vers les paradis fiscaux.

Ce dispositif, déjà introduit dans le droit français par l’article 121 de la loi de finances pour 2016, oblige les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires dont le siège social est situé dans un pays donné à fournir à l’administration fiscale de ce pays une déclaration unique indiquant la répartition, pays par pays, de leurs bénéfices, mais aussi des principaux agrégats économiques, comptables et fiscaux. Il prévoit également l’échange automatique de ces déclarations avec les administrations fiscales étrangères ayant adopté un dispositif équivalent.

Une fois ratifié, l’accord permettra de mieux connaître les filiales des multinationales, en particulier de révéler les éventuelles discordances entre la localisation de leurs activités et celle de leur imposition. Je pense notamment aux firmes Google et Apple, dont les bénéfices réalisés en France sont imposés – faiblement - en Irlande.

L’accord respecte les principes de protection des données et de confidentialité, conformément à la convention internationale de 1988 relative à l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ce qui exclut notamment le reporting public.

Fruit d’un remarquable travail de négociation engagé en 2012 lors de la réunion du G20 de Los Cabos, cet accord va dans le bon sens. Il complète et généralise les accords bilatéraux conclus ces dernières années par la France avec certains pays, notamment les nouvelles conventions fiscales avec le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, Singapour et, dernièrement, la Colombie. Le RDSE ne peut donc qu’approuver sa ratification, la mise en application étant prévue au deuxième semestre de 2018.

J’émettrai une réserve, de taille : les États-Unis préfèrent – il s’agit d’une tradition diplomatique bien ancrée chez eux – recourir à des accords bilatéraux. Ainsi, malgré le poids non négligeable des autres pays, notamment européens, l’absence de la première puissance mondiale réduit nécessairement la portée de l’accord, d’autant qu’il est permis de douter que la nouvelle administration américaine se montre particulièrement ouverte sur ce sujet…

Par ailleurs, rappelons que le reporting ne permet, en principe, à l’administration fiscale que de procéder à une « analyse de risque », et non à des redressements fiscaux, pour lesquels une enquête approfondie reste nécessaire.

Malgré ces réserves, le groupe du RDSE approuvera à l’unanimité cet accord, qui constitue un progrès.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi a trait à un sujet de préoccupation partagé sur toutes les travées de la Haute Assemblée, puisqu’il tend à autoriser l’approbation d’un accord multilatéral visant à permettre l’échange automatique des déclarations des sociétés mères auprès des autorités fiscales de l’État de résidence.

À ce jour, cinquante États et territoires ont signé cet accord, dont l’objet est de doter les parties d’un nouvel instrument leur permettant de disposer d’informations sur les plus grandes entités multinationales et de fixer des priorités en matière de contrôles fiscaux à réaliser.

Cette étape significative – qui n’est sans doute pas la dernière – mérite d’être franchie. Il s’agit de la concrétisation juridique des engagements pris par les pays du G20 dans le cadre des travaux conduits par l’OCDE en vue d’apporter des solutions concrètes pour éliminer les failles permettant aujourd’hui à des sociétés d’organiser, par le biais de mécanismes d’optimisation permis par la combinaison de différentes législations fiscales, la « disparition » de leurs bénéfices ou le transfert artificiel de ces derniers vers des juridictions à faible fiscalité. Il s’agit d’une lutte perpétuelle qui devra être encore confortée.

Les prix de transfert, qui permettent d’ajuster la répartition de l’assiette taxable des bénéfices des entreprises multinationales, constituent une pratique d’optimisation fiscale particulièrement préjudiciable aux intérêts des États.

La France a déjà inscrit dans son droit interne, via la loi de finances pour 2016, l’obligation, pour les entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros, de déclarer à l’administration fiscale la répartition, pays par pays, des bénéfices et principaux agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que de communiquer des informations sur la localisation et l’activité des entités les constituant. L’article 223 quinquies C du code général des impôts prévoit également l’échange automatique de ces déclarations avec les administrations fiscales étrangères dotées d’un dispositif équivalent.

En effet, une fois la capacité de collecte d’informations organisée, il faut mettre en place les conditions de l’échange entre les pays s’étant conformés à la recommandation n°13 de l’OCDE. Tel est l’objet de cet accord.

Avec ce dispositif, l’efficacité du contrôle fiscal des grands groupes peut être renforcée par la mise à disposition d’une information pays par pays, couvrant une grande variété d’agrégats économiques. Le seuil retenu permettra de couvrir les 10 % d’entreprises multinationales réalisant environ 90 % du chiffre d’affaires mondial.

L’optimisation fiscale internationale cause un préjudice de grande ampleur aux finances publiques des États : les pertes de recettes au titre de l’impôt sur les bénéfices sont de l’ordre de 100 milliards à 240 milliards de dollars par an. Elle crée également des distorsions de concurrence entre opérateurs économiques.

Avec la crise financière de 2008, les États membres du G20 ont pris conscience des coûts de l’évasion fiscale et ont érigé en priorité la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, afin d’améliorer la transparence du système financier international.

Il s’agit d’un enjeu majeur pour notre pays, qui a toujours soutenu cette démarche. Cet accord constitue le début d’une concrétisation que d’aucuns pourront juger tardive, voire timorée. Nous l’approuverons, en ayant conscience que, comme l’a dit monsieur le secrétaire d’État voilà quelques instants, nous ne sommes pas au bout du chemin.

M. François Marc applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « les paradis fiscaux […], c’est terminé », nous avait assuré, sans vraiment nous rassurer, le président Sarkozy le 23 septembre 2009. Depuis, nous avons connu, entre autres « Leaks », le SwissLeaks, le LuxLeaks, les Panama papers, le FootLeaks… La liste ne cesse de s’allonger.

L’accord du 27 janvier 2016, que nous sommes appelés à approuver, concrétise une avancée majeure dans la lutte contre l’évasion fiscale et le secret bancaire.

Mis en œuvre à l’échelle de cinquante États, la déclaration standardisée, pays par pays, et l’échange automatique des données entre administrations fiscales sont clairement de nature à entraver les transferts abusifs de bénéfices opérés par les grands groupes multinationaux à des fins d’optimisation fiscale dite « agressive ».

Pour autant, cet accord ne marquera pas la fin du dévoiement des règles fiscales par certaines entreprises ou par certains États.

En effet, au-delà des limites du dispositif de l’accord, que notre rapporteur a parfaitement exposées, force est de constater que toutes les difficultés auxquelles nous faisons face aujourd’hui, y compris au cœur de l’Union européenne, ne sont pas abordées.

Premièrement, si je me félicite, bien évidemment, de l’enquête lancée, vendredi dernier, par la médiatrice européenne sur les liens de M. Draghi avec l’industrie financière, je reste profondément atterré par notre tolérance collective aux conflits d’intérêts.

Comment peut-on espérer lutter sérieusement contre l’évasion fiscale quand on porte à la présidence de la Commission européenne M. Jean-Claude Juncker, principal artisan du LuxLeaks, ou quand on autorise son prédécesseur, M. Barroso, à partir faire fructifier son carnet d’adresses chez Goldman Sachs ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Deuxièmement, malgré quelques avancées en France au travers de la loi Sapin II, la protection des lanceurs d’alerte reste, selon moi, très insuffisante. Ceux de l’affaire LuxLeaks, par exemple, sont jugés sans recevoir le moindre soutien politique des gouvernements européens, alors même qu’ils ont grandement contribué, en dénonçant des pratiques désormais considérées illégales, à faire évoluer la législation.

Troisièmement, la lutte contre l’évasion fiscale ne sera pleinement assumée et comprise que lorsque nous obtiendrons enfin la publicité intégrale des données des grands groupes, à l’échelon européen pour vaincre les réticences, discutables à mon sens, de notre Conseil constitutionnel.

Enfin, nous devons être très lucides sur la translation qui s’opère depuis quelques années : entre 2000 et 2015, parallèlement à la lutte contre les paradis fiscaux, le taux moyen d’imposition sur les sociétés au sein de l’OCDE est passé de 32 % à 25 %. Ainsi, en l’absence d’une véritable harmonisation à l’échelle européenne, c’est toujours le moins-disant fiscal qui est la norme.

Néanmoins, parce que cet accord constitue bien évidemment une étape utile et nécessaire, le groupe écologiste votera en faveur de son approbation.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me félicite que ce projet de loi soit débattu aujourd’hui dans notre hémicycle, après avoir été adopté à l’unanimité par nos collègues députés.

Un chiffre doit d’emblée nous interpeller : on évalue entre 100 milliards et 240 milliards de dollars la perte de recettes causée, à l’échelle mondiale, par les diverses stratégies d’évitement de l’impôt sur les sociétés mises en œuvre par les grands groupes multinationaux…

En réponse à cette situation, et en application de l’accord BEPS, la loi de finances pour 2016 a institué une obligation, pour les plus grandes entreprises, de déclarer à l’administration fiscale la répartition, pays par pays, des bénéfices et des principaux agrégats économiques comptables et fiscaux.

Un accord multilatéral a ensuite été signé, le 27 janvier 2016 à Paris, afin de permettre l’échange automatique des données collectées. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, cinquante États l’ont déjà signé, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Sans revenir sur le fond de l’accord, je soulignerai que l’ensemble de ces mesures s’inscrit dans la droite ligne de l’action résolue menée par le Gouvernement depuis 2012 afin de lutter contre l’optimisation et l’évasion fiscales. Cette action ne cesse de faire la preuve de son efficacité : ainsi, en 2015, plus de 20 milliards d’euros ont été redressés, soit 5 milliards de plus qu’en 2012.

Le volontarisme du Gouvernement en la matière s’illustre donc tout d’abord au niveau national : depuis le début du quinquennat, plus de soixante-dix mesures de lutte contre la fraude fiscale ont été adoptées. Certaines d’entre elles visent tout particulièrement les fraudes reposant sur la dissimulation d’avoirs à l’étranger : je pense à la création du parquet national financier, à la taxation à hauteur de 60 % des avoirs détenus à l’étranger non déclarés dont la provenance n’est pas justifiée, ou encore à l’extension de six à dix ans des délais de reprise en matière d’impôt sur la fortune et de droits de succession au titre des biens ou droits non déclarés à l’étranger… La liste est longue, monsieur le secrétaire d’État, et nous devons saluer la détermination dont vous avez su faire preuve sur ces sujets.

Au-delà de ces mesures nationales, la France est également à la pointe de la lutte contre la fraude fiscale au niveau européen et international.

Il en est tout d’abord ainsi en matière d’échange automatique d’informations, que l’Union européenne et près de cent pays se sont engagés à mettre en œuvre – pour la plupart, dès 2017 –, après un long travail de conviction dans lequel la France a joué un rôle moteur.

La France s’est également investie dans la lutte contre l’érosion des bases fiscales. Elle travaille actuellement, avec près de quatre-vingt-dix autres pays, à la rédaction d’un instrument multilatéral qui puisse être adopté prochainement.

Notre pays tente, en outre, de faire la transparence sur les fameux tax rulings, ces accords secrets négociés de gré à gré entre une entreprise et le fisc.

Grâce à l’ensemble de ces mesures, notre politique en matière de lutte contre la fraude fiscale a été saluée par de nombreux acteurs : non seulement par des associations luttant de longue date contre ce fléau, telles que CCFD-Terre solidaire ou Oxfam, mais aussi par la Cour des comptes, qui a attesté d’une « impulsion politique nouvelle » faisant de la lutte contre la fraude fiscale « une priorité ». En outre, Pascal Saint-Amans, chargé de la lutte contre les paradis fiscaux à l’OCDE, confirme que la France est le pays le plus ferme au plan mondial sur ce sujet, avec l’Inde et le Brésil notamment.

Enfin, preuve que la politique mise en place par le Gouvernement fonctionne, les recettes liées aux redressements fiscaux ont progressé de 20 % en deux ans. Sur les plus de 20 milliards d’euros de redressements notifiés en 2015, les 12 milliards d'ores et déjà perçus représentent davantage que les budgets de la justice, de la culture et de l’aide au développement réunis, et autant que celui du ministère de l’intérieur ! Ces recettes supplémentaires liées à la lutte contre la fraude ont permis d’instaurer une baisse des impôts pour les classes moyennes et populaires.

Ce sont là, mes chers collègues, autant de motifs de satisfaction en matière de lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, que l’adoption – à l’unanimité, je l’espère – de ce projet de loi viendra renforcer efficacement.

Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà seulement quelques semaines, plusieurs membres de la Haute Assemblée saisissaient le Conseil constitutionnel sur le contenu de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », notamment sur les articles concernant la publicité relative accordée au report des états comptables par pays d’implantation des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros.

Cette mesure, déjà applicable au secteur bancaire et financier depuis la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, était notamment contestée au motif que, selon les députés et sénateurs requérants, « les dispositions de l’article L. 225-102-4 du code de commerce méconnaissent la liberté d’entreprendre dès lors qu’elles contraignent les sociétés françaises à divulguer au public des informations de nature à révéler leur stratégie commerciale ».

Par ailleurs, pour faire bonne mesure, les sénateurs requérants soutenaient également que « l’obligation ainsi instituée fait peser sur les sociétés qui y sont soumises une charge excessive contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ».

Rappelons tout de même qu’il s’agit d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros : on est très loin de la PME locale.

Les sages de la rue de Montpensier n’ont pas remis en question la volonté de lutter contre la fraude fiscale, objectif de valeur constitutionnelle, mais ils se sont tout de même permis une petite entorse au principe en indiquant, pour justifier la censure de l’article, que « l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays est de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Une telle obligation porte dès lors à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. »

Au regard des arguments invoqués et du texte dont nous débattons aujourd’hui, on constate que 200 sociétés mères et 1 200 filiales, constituant l’essentiel de l’économie de notre pays, de sa valeur ajoutée, de son produit intérieur brut et de son commerce extérieur, seront directement concernées. Le régime fiscal des groupes est une « dépense fiscale » essentielle du droit français.

Il nous semble donc logique d’y regarder d’un peu plus près. Le jugement rendu la semaine dernière dans l’affaire Wildenstein rappelle combien il est nécessaire de mieux armer le Parlement sur ces questions. Le tribunal a en effet précisé qu’il n’avait pas à se substituer au législateur et à pallier les silences de la loi. Mes chers collègues, nous sommes le législateur. Il nous reste encore de grands progrès à accomplir, mais nous voterons ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous est proposé, au travers du présent projet de loi, d’approuver un accord multilatéral conclu voilà très exactement un an, le 27 janvier 2016.

Cet accord constitue un pas important dans la lutte contre l’évasion fiscale. Il est l’aboutissement d’un long processus de réflexion mené par l’OCDE, notamment depuis 2013, à la demande du G20.

Au-delà de la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire, l’OCDE a souhaité étendre son action à certaines pratiques d’optimisation fiscale à travers le projet BEPS de lutte contre l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices.

Ainsi, l’accord de janvier 2016 va permettre de rendre automatiques les échanges de déclarations, pays par pays, concernant les prix de transfert des grandes multinationales.

Le principe du reporting pays par pays avait été adopté dans la loi du 30 décembre 2015 de finances pour 2016. L’obligation déclarative avait été créée, mais l’échange automatique des données, sous condition de réciprocité, dépendait de l’adoption d’un accord international, qui fut signé quelques semaines plus tard, le 27 janvier 2016.

Le présent projet de loi va permettre d’approuver cet accord et de mettre en œuvre l’échange des déclarations pays par pays. Il faut noter que plusieurs tentatives des « frondeurs » de gauche visant à élargir l’assiette des entreprises concernées et à rendre publiques les informations ont échoué.

L’article 137 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a été censuré le 8 décembre dernier par le Conseil constitutionnel, au motif que la publicité des informations relatives à ces entreprises portait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Cet accord de janvier 2016 vise donc à lutter contre des pratiques abusives de certaines multinationales, liées aux prix de transfert. Il s’agit des prix auxquels des entreprises d’un même groupe multinational, situées dans des États différents, se vendent des biens corporels, actifs incorporels ou services.

Cette question est importante pour les administrations fiscales des pays concernés, car le transfert de bénéfices, à travers ces biens, actifs ou services, vers un pays à la fiscalité plus avantageuse peut permettre à des multinationales de diminuer de manière importante le montant de leur impôt sur les sociétés. Bercy évalue entre 100 milliards et 240 milliards d’euros les pertes de recettes fiscales, à l’échelle mondiale, du fait de ces stratégies d’évitement.

Les prix de transfert doivent donc être fixés dans des conditions identiques à celles auxquelles sont soumises des entreprises concurrentielles. Pour vérifier ces prix, les administrations fiscales bénéficieront d’informations contenues dans les déclarations obligatoires transmises par les grandes multinationales, qu’elles s’échangeront automatiquement. Jusqu’à présent, elles n’avaient accès qu’aux informations concernant l’entité du groupe multinational présente sur leur territoire.

L’accord de janvier 2016 a été signé par quarante-neuf pays, notamment par neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des 500 plus grandes entreprises mondiales.

Toutefois, le fait que les États-Unis, qui privilégient les accords bilatéraux, ne l’aient pas signé limite la portée de cet accord, d’autant que la nouvelle administration américaine de Donald Trump souhaite rapatrier aux États-Unis les bénéfices des entreprises américaines localisées à l’étranger. La position du Royaume-Uni pourrait également évoluer à la suite du Brexit.

Le présent projet de loi vise plus précisément à mettre en œuvre l’action 13 du projet BEPS, notamment l’obligation, pour les grandes entreprises multinationales, de déposer chaque année une déclaration pays par pays retraçant, pour chacune des juridictions fiscales où elles exercent des activités, des éléments relatifs au chiffre d’affaires, au bénéfice ou à la perte avant impôts, aux impôts sur les bénéfices réellement acquittés ou dus pour l’année en cours, au capital social, aux bénéfices non distribués, au nombre d’employés, ainsi qu’aux actifs corporels hors trésorerie et équivalents de trésorerie.

Afin de limiter la charge pesant sur les entreprises du groupe et de garantir davantage la confidentialité des données, une déclaration unique, pays par pays, est déposée, en principe dans la juridiction de résidence fiscale de la société mère. Elle fait ensuite l’objet d’une transmission automatique aux administrations fiscales des pays dans lesquels les filiales du groupe sont présentes, sous réserve de réciprocité.

Cette déclaration ne concerne que les grandes entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires annuel consolidé dépasse 750 millions d’euros, afin que cette charge déclarative ne soit imposée qu’aux plus grandes entreprises, qui concentrent l’essentiel du chiffre d’affaires mondial. Cette obligation déclarative ne concernerait ainsi que 10 % des groupes d’entreprises multinationales, représentant environ 90 % du chiffre d’affaires agrégé des sociétés mondiales. En France, environ 200 sociétés mères et 1 200 filiales seraient concernées. Comme je l’ai déjà indiqué, les informations ne seront pas publiques, mais confidentielles. Enfin, une clause de réexamen en 2020 est prévue.

Sous réserve de quelques interrogations d’ordre technique, la commission des finances a adopté sans modification ce projet de loi, conformément à la position de son rapporteur Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du travail.

En conséquence, conformément à la position que nous avons adoptée en commission, le groupe Les Républicains votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – MM. Yvon Collin et Capo-Canellas applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

L'article unique est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 1, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en œuvre de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays fait l’objet d’un rapport annuel au Parlement, déposé lors de la première quinzaine d’octobre.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

La commission estime que cet amendement est satisfait, au regard de l’engagement pris par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle, monsieur Bocquet, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

L’engagement que j’ai pris devant la Haute Assemblée est de nature à donner satisfaction aux auteurs de cet amendement.

J’ajouterai qu’une modification du texte entraînerait une navette, ce qui, compte tenu de la suspension prochaine des travaux parlementaires, ne paraît guère souhaitable au regard de l’objectif que nous partageons tous.

Je souhaiterais que M. Bocquet accepte de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.