Intervention de Xavier Pintat

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accession du monténégro à l'otan — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Xavier PintatXavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, peu après son indépendance, recouvrée en 2006 après des années d’intégration dans l’ensemble yougoslave puis d’union avec la Serbie, le Monténégro a fait part de son souhait de rejoindre la communauté euro-atlantique, souhait également manifesté par sa candidature à l’Union européenne. Pour ce pays multiethnique et multiconfessionnel, qui se situe dans une zone de turbulences, il s’agit avant tout de garantir sa sécurité et sa stabilité.

De fait, l’accession du Monténégro à l’Alliance atlantique s’inscrit dans la politique dite « de la porte ouverte » appliquée à l’égard des pays de l’est de l’Europe après la fin de la guerre froide, et dont l’objectif était d’abord politique : il s’agissait d’œuvrer à la stabilité de la zone euro-atlantique, en promouvant dans ces pays la paix, la liberté et la démocratie.

Le Monténégro fait partie de la dernière vague d’élargissement de l’OTAN, lancée à l’occasion du sommet de Bucarest de 2008, et dont la mise en œuvre, convenons-en, s’est avérée problématique. Si l’Albanie et la Croatie sont assez rapidement parvenues à l’adhésion, le Monténégro est aujourd’hui le seul pays parmi les autres candidats – l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie – à remplir les conditions pour devenir membre de l’OTAN.

Certes, il ne s’agit pas d’idéaliser ce pays, qui a encore des progrès à accomplir, notamment en tant qu’État de droit et en matière de lutte contre la corruption. Le Monténégro n’en a pas moins franchi avec succès les différentes étapes du processus d’adhésion, depuis le plan d’action pour l’adhésion obtenu en décembre 2009 jusqu’à l’engagement de négociations d’adhésion auxquelles les alliés ont donné le feu vert en décembre 2015.

Il faut également souligner qu’il a enregistré des avancées dans de nombreux domaines, dans le cadre de sa candidature à l’Union européenne.

D’un point de vue militaire, il faut l’admettre, sa contribution financière au budget de l’Alliance sera modeste. Néanmoins, ce pays compte augmenter son effort de défense dans les années à venir, tant pour renforcer les effectifs de ses forces armées que pour renouveler ses équipements militaires, ses priorités de modernisation étant définies en fonction des objectifs d’intégration à l’OTAN.

En outre, le Monténégro prend activement part aux opérations extérieures, dans le cadre de l’OTAN, avec une contribution à l’opération Resolute Support en Afghanistan, ou dans celui de l’Union européenne, avec notamment une participation à l’opération Atalanta de lutte contre la piraterie.

Il faut souligner à cet égard la sensibilité maritime que le Monténégro est susceptible d’apporter à l’Alliance atlantique, qui pourrait s’avérer utile pour le traitement des problématiques méditerranéennes, comme la question des migrants.

Enfin, d’un point de vue stratégique, l’entrée du Monténégro dans l’OTAN permet d’établir une continuité dans la défense européenne sur la côte Adriatique, en complétant le chaînon manquant entre la Croatie et l’Albanie. Intégrer à l’OTAN ces deux pays et négliger la dent creuse que représentait dans la zone le Monténégro aurait été un non-sens, d’autant qu’il remplit désormais les conditions posées par l’Alliance.

Si elle paraît ainsi pouvoir être justifiée par des raisons objectives, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN n’en reste pas moins une question discutée, tant sur le plan interne que sur le plan international.

Pour une partie de l’opinion publique monténégrine, marquée par les bombardements de l’OTAN contre la Serbie, cette adhésion ne va pas de soi. La question a même été l’un des mots d’ordre des manifestations organisées contre le pouvoir à l’automne 2015. Elle a également occupé une large place dans les débats qui ont précédé les élections législatives du 16 octobre 2016, qui se sont accompagnées d’une tentative de déstabilisation du pouvoir. Ces élections n’en ont pas moins été largement remportées par des formations favorables à l’accession à l’OTAN.

Par ailleurs, on ne saurait davantage occulter, dans le contexte stratégique actuel, les difficultés que suscite l’adhésion du Monténégro à l’OTAN dans nos relations avec la Russie. Plus que les intérêts économiques et les liens culturels liés à la présence d’une forte minorité slave qu’entretient la Russie dans ce pays, c’est surtout la perspective d’un nouvel élargissement de l’OTAN, dans un contexte de tensions exacerbées avec cette organisation qui explique la réaction russe.

En effet, la Russie considère que l’expansion de l’OTAN constitue une menace directe pour sa sécurité. Selon la dernière version de la doctrine militaire russe, il s’agit même du premier danger militaire auquel la Russie est susceptible de faire face.

Comme l’ont souligné nos excellents collègues Robert del Picchia, Josette Durrieu et Gaëtan Gorce dans leur rapport de 2015 sur les relations avec la Russie, l’élargissement à l’est de l’OTAN, concomitamment avec celui de l’Union européenne, constitue l’une des causes de la détérioration, ces dernières années, des relations entre la Russie et les pays occidentaux, détérioration que la crise ukrainienne n’a fait qu’aggraver. Toutefois, s’agissant du Monténégro, pays de 620 000 habitants qui, de surcroît, ne borde pas les frontières russes, cette réaction relève davantage d’une position de principe qu’elle ne traduit un réel enjeu stratégique.

Après un débat approfondi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est donc finalement prononcée pour la ratification du protocole d’adhésion du Monténégro à l’OTAN. Il s’agit en effet de ne pas décevoir les attentes d’un pays méritant, qui s’est résolument engagé dans cette voie et en a franchi avec succès les différentes étapes, de conforter un pôle de stabilité dans les Balkans au bénéfice des pays voisins, et de compléter l’arc de sécurité de l’OTAN sur la côte Adriatique.

Par ailleurs, il serait particulièrement malvenu, à l’heure où l’OTAN et l’Europe sont fragilisées par les déclarations du nouveau président américain, de mettre à mal l’unité de l’OTAN en rejetant ce texte alors qu’une grande majorité d’États alliés l’ont déjà ratifié. Cela constituerait un signe de faiblesse et la France en porterait la lourde responsabilité.

En revanche, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère que, après cette adhésion, qui, soulignons-le, n’est en aucune manière dirigée contre la Russie, un terme doit être mis à la dynamique d’élargissement de l’OTAN ; l’adhésion à l’Alliance atlantique de pays comme la Géorgie, l’Ukraine, la Serbie représente pour la Russie une ligne rouge.

Il est à cet égard nécessaire de poursuivre les efforts de dialogue et de coopération avec la Russie dans le cadre du conseil OTAN-Russie, qui, après avoir suspendu ses activités du fait de la crise ukrainienne, a tenu trois réunions durant l’année 2016, ce qui est un signe encourageant. Seul le dialogue peut permettre de diminuer les tensions qui se manifestent actuellement à l’est de l’Europe.

Enfin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité rappeler que l’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien de son adhésion à l’Union européenne. Sous ces réserves, elle a adopté ce projet de loi.

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