Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accord multilatéral sur l'échange des déclarations pays par pays — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous est proposé, au travers du présent projet de loi, d’approuver un accord multilatéral conclu voilà très exactement un an, le 27 janvier 2016.

Cet accord constitue un pas important dans la lutte contre l’évasion fiscale. Il est l’aboutissement d’un long processus de réflexion mené par l’OCDE, notamment depuis 2013, à la demande du G20.

Au-delà de la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire, l’OCDE a souhaité étendre son action à certaines pratiques d’optimisation fiscale à travers le projet BEPS de lutte contre l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices.

Ainsi, l’accord de janvier 2016 va permettre de rendre automatiques les échanges de déclarations, pays par pays, concernant les prix de transfert des grandes multinationales.

Le principe du reporting pays par pays avait été adopté dans la loi du 30 décembre 2015 de finances pour 2016. L’obligation déclarative avait été créée, mais l’échange automatique des données, sous condition de réciprocité, dépendait de l’adoption d’un accord international, qui fut signé quelques semaines plus tard, le 27 janvier 2016.

Le présent projet de loi va permettre d’approuver cet accord et de mettre en œuvre l’échange des déclarations pays par pays. Il faut noter que plusieurs tentatives des « frondeurs » de gauche visant à élargir l’assiette des entreprises concernées et à rendre publiques les informations ont échoué.

L’article 137 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a été censuré le 8 décembre dernier par le Conseil constitutionnel, au motif que la publicité des informations relatives à ces entreprises portait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Cet accord de janvier 2016 vise donc à lutter contre des pratiques abusives de certaines multinationales, liées aux prix de transfert. Il s’agit des prix auxquels des entreprises d’un même groupe multinational, situées dans des États différents, se vendent des biens corporels, actifs incorporels ou services.

Cette question est importante pour les administrations fiscales des pays concernés, car le transfert de bénéfices, à travers ces biens, actifs ou services, vers un pays à la fiscalité plus avantageuse peut permettre à des multinationales de diminuer de manière importante le montant de leur impôt sur les sociétés. Bercy évalue entre 100 milliards et 240 milliards d’euros les pertes de recettes fiscales, à l’échelle mondiale, du fait de ces stratégies d’évitement.

Les prix de transfert doivent donc être fixés dans des conditions identiques à celles auxquelles sont soumises des entreprises concurrentielles. Pour vérifier ces prix, les administrations fiscales bénéficieront d’informations contenues dans les déclarations obligatoires transmises par les grandes multinationales, qu’elles s’échangeront automatiquement. Jusqu’à présent, elles n’avaient accès qu’aux informations concernant l’entité du groupe multinational présente sur leur territoire.

L’accord de janvier 2016 a été signé par quarante-neuf pays, notamment par neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des 500 plus grandes entreprises mondiales.

Toutefois, le fait que les États-Unis, qui privilégient les accords bilatéraux, ne l’aient pas signé limite la portée de cet accord, d’autant que la nouvelle administration américaine de Donald Trump souhaite rapatrier aux États-Unis les bénéfices des entreprises américaines localisées à l’étranger. La position du Royaume-Uni pourrait également évoluer à la suite du Brexit.

Le présent projet de loi vise plus précisément à mettre en œuvre l’action 13 du projet BEPS, notamment l’obligation, pour les grandes entreprises multinationales, de déposer chaque année une déclaration pays par pays retraçant, pour chacune des juridictions fiscales où elles exercent des activités, des éléments relatifs au chiffre d’affaires, au bénéfice ou à la perte avant impôts, aux impôts sur les bénéfices réellement acquittés ou dus pour l’année en cours, au capital social, aux bénéfices non distribués, au nombre d’employés, ainsi qu’aux actifs corporels hors trésorerie et équivalents de trésorerie.

Afin de limiter la charge pesant sur les entreprises du groupe et de garantir davantage la confidentialité des données, une déclaration unique, pays par pays, est déposée, en principe dans la juridiction de résidence fiscale de la société mère. Elle fait ensuite l’objet d’une transmission automatique aux administrations fiscales des pays dans lesquels les filiales du groupe sont présentes, sous réserve de réciprocité.

Cette déclaration ne concerne que les grandes entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires annuel consolidé dépasse 750 millions d’euros, afin que cette charge déclarative ne soit imposée qu’aux plus grandes entreprises, qui concentrent l’essentiel du chiffre d’affaires mondial. Cette obligation déclarative ne concernerait ainsi que 10 % des groupes d’entreprises multinationales, représentant environ 90 % du chiffre d’affaires agrégé des sociétés mondiales. En France, environ 200 sociétés mères et 1 200 filiales seraient concernées. Comme je l’ai déjà indiqué, les informations ne seront pas publiques, mais confidentielles. Enfin, une clause de réexamen en 2020 est prévue.

Sous réserve de quelques interrogations d’ordre technique, la commission des finances a adopté sans modification ce projet de loi, conformément à la position de son rapporteur Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du travail.

En conséquence, conformément à la position que nous avons adoptée en commission, le groupe Les Républicains votera ce texte.

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